Parce que c’est l’un des derniers endroits qui nous rassemble. Parce que nous avons plus que jamais besoin d’être ensemble. Et parce que… nous allons passer beaucoup de temps sur le canapé, voici « Ta série, toi et nous ».
Je reçois ici un (e) invité (e) dont j’aime l’écriture, la voix et/ou le regard à partager sa relation avec l’héroïne ou le héros de sa vie. Merci infiniment à Baya Kasmi d’avoir accepté mon invitation.
Baya Kasmi, scénariste, réalisatrice et comédienne
– Qui est le seul personnage qui peut quelque chose pour toi ?
Joey de la série Friends. Voilà un type du présent, un naïf, un sincère. Au début de la série c’est l’idiot. Mais un idiot qui est de plain-pied dans la vie. Il est beau, il est généreux avec ses amis, il a des qualités intuitives extraordinaires, il sait ce qui manque aux autres en les regardant, un baiser avec la langue, un compliment, une partie de baby… Alors il leur donne ça et il mange des chips.
Il n’a aucune intellectualisation des choses. Il n’analyse rien, il a autant de suite dans les idées qu’un poisson rouge. Il oublie ses soucis dès lors qu’il peut manger, regarder un porno ou une belle fille qui court sur la plage dans « Alerte à Malibu ». Il a des principes complètement cons, il est possessif, macho, mais dans sa vie à lui, il agit mieux que ses principes. Du coup, il n’a pas de leçon à donner aux autres. Quand je pense à « Friends » je me dis qu’ils étaient vâchement bien armés pour le confinement, ensemble sur le même palier… Et quand je pense à Joey, je suis toujours réjouie, parce qu’il nous indique l’enfant qui est en nous, et en ce moment ça peut aider. Les enfants qui sont aimés, ils vont bien se sortir de tout ça, qu’est-ce qu’on peut rêver de mieux que de passer son temps à la maison avec sa famille si elle est aimante ? (Si elle l’est pas, là, c’est compliqué….)
Et puis chez Joey, il y a l’amour de la vie et du présent qui le rendent quasiment invincible au confinement, à l’angoisse, aux grands tourments. Une pizza, un rêve érotique… Une bonne série. Voilà ce qu’on peut tous faire pour se sentir mieux, tous sauf ceux qui sont dehors, sans maison ou à l’hôpital. Joey, s’il ne faisait pas partie de ces gens malchanceux qui attendent de l’aide, il n’aurait même pas remarqué le confinement, il serait au top. RAS… Une sieste… Un autre sandwich… Un bisou… Une branlette…
– D’accord il a changé ta vie mais comment ?
Il a accompagné ma vie de jeune fille, et puis j’ai tout revu récemment avec mes enfants. Ce qu’il a changé, je ne sais pas, je sais qu’en tant que fille anxieuse, blessée à certains endroits, je n’aime rien mieux que cette simplicité là. Et cette idée de l’oubli par le sommeil, la bouffe, une blague idiote… Un bon moment sous la couette, pas s’appesantir, oublier… Je me suis rendu compte que c’était ma planche de salut. Oublier un truc qui m’angoisse… Et me le rappeler soudain, « mais merde, je suis folle ou quoi comment j’ai pu oublier ? »… M’endormir alors que ça va mal… « Mais comment j’ai pu m’endormir? » je sais pas, mais qu’est-ce que c’est bon cette fuite… Une fois que ça devient naturel, c’est le remède à tout. La crédulité de Joey aussi me plait. On lui dit un truc abracadabrant, pourvu que ce soit quelqu’un qui l’aime qui le balade, ça lui va… les mauvaises intentions coulent sur lui comme l’eau de la douche.
– Et il pourrait quoi pour la nôtre ?
La même chose peut-être, je ne sais pas, on est pas tous fait pareil, c’est ça qu’est chouette. Redevenir un enfant à qui il ne serait pas encore arrivé trop de trucs merdiques… Essayer de se remettre dans cet état, c’est pas mal. Et aussi peut-être tenter deux trois de ses théories. Je me suis toujours demandé si on pouvait vraiment jouer une tragédie où on est censé pleurer à chaudes larmes avec le stratagème que Joey enseignait à ses élèves. Une main dans la poche, munie d’une pince à épiler après qu’on ait fait un trou dans son slip. On joue, on s’arrache les poils du pubis, et il paraît qu’on pleure naturellement. Toujours une histoire de présent et d’enfant..
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