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Un gars, une fille, des séries: Les bons, les brutes et les truands

25 Mai

Chers lecteurs

C’est l’histoire de l’Histoire qui aurait pu provoquer toute une histoire … Et oui, le débat passionné est l’une des activités de prédilection des sériephiles. Sujet de la discorde de la semaine : les séries historiques. Souvent faites de larmes, de sexe et de sang plus que de toiles d’araignées, elles sont d’une qualité très inégale. Et provoquent fréquemment des réactions épidermiques. On adore les détester. Ou, on se déteste de les adorer. Ou, simplement, on les adore. Rome, Black Sails, The Tudors, Spartacus, Vikings, Mad Men, Downton Abbey … des propositions fictionnelles souvent radicalement différentes. Avec Dominique Montay, rédacteur en chef séries du Daily Mars et scénariste, nous avons croisé nos regards sur l’un des genres à succès de ces dernières années. On s’est très sérieusement fâché pour de faux mais, surtout, nous avons longuement échangé. Les séries historiques en cinq questions.

To my readers, exceptionally ILTVSW will only be French speaking this week. The blog is hosting a TV critic battle about historical TV shows. But as soon as next week things will be back to normal meaning French & English.

 

Black Sails

Black Sails

 

ILTVSW. Les séries historiques sont condamnées à être des divertissements kitsch, c’est vrai?

Un gars. D’entrée de jeu, on ne va pas être d’accord. C’est pas beau de commencer sur un clash, il va rester quoi, ensuite ? Déjà il faudrait définir le kitsch, qu’on utilise un peu à tort et à travers. Ici, si je comprends bien, c’est plus sur le côté « mauvais goût » qu’on aborde la problèmatique. Alors oui, Spartacus n’est pas le dernier sur le sujet. Son esthétique générale est assez douteuse, surfant sur celle d’un film d’une incroyable laideur, 300. Particulièrement sur les scènes de combats, et les zooms numériques sur les projections de sang, qui donnent l’impression que les combattants n’ont pas de veines mais que des artères. C’est parfois assez risible, mais si on s’attache au récit en évacuant le visuel, c’est une série qui possède un vrai fond, un vrai discours sur la liberté et la responsabilité. Les combats et le sexe dans Spartacus, c’est un peu comme les pyjamas dans Star Trek, il faut aller au-delà pour voir ce qu’il y a de brillant. Même si ça peut être très dur.

Une fille. OK. Allez, le clash, donc. Existe-t-il des critères qui définissent le kitsch? Je n’ai pas la réponse à cette question. En revanche, je pense que les qualités esthétiques sont plus faciles à identifier. Si on répond à la question en l’envisageant sous cet angle, je crois que l’on peut dire que certaines séries historiques sont superbes. L’un des exemples qui me vient immédiatement à l’esprit est la série Downton Abbey de Julian Fellowes. Elle pousse l’élégance jusqu’à contredire la réalité historique. Un spécialiste anglais de la question des domestiques dans les grandes maisons aristocrates anglaises a écrit un papier reprochant à la série d’esthétiser et d’idéaliser le quotidien d’employés de maison qui vivaient généralement dans des conditions misérables et, forcément donc, dans une réalité moins glamour …

 

Downton Abbey

Downton Abbey

 

ILTVSW. La violence et le sexe ne sont-ils pas qu’une manière de masquer le néant?

Un gars. C’est une tendance assez incroyable dans la fiction TV américaine : qui dit série historique dit nudité et violence. En même temps, et je reprends l’exemple de Spartacus : est-ce si éloigné de la vérité de l’époque ? Les esclaves à moitié à poil qui servent d’objet sexuel quand le maître en a envie ; les guerriers qui s’étripent dans des colisées pour sauver leur peau, gagnés par l’adrénaline des vivats de la foule… je ne vois pas d’actes qui me surprennent. Qui me choquent, oui, mais c’est normal, c’est l’effet désiré. Réduire le débat à « trop de violence et de sexe », c’est une erreur, pour moi. Plutôt que d’accumuler et de faire un décompte (un peu comme on est tenté de le faire avec les « fuck » dans un film de Scorsese), il faut prendre ces scènes une par une et évaluer la chose suivante : est-ce qu’elles racontent quelque chose ? Est-ce qu’elles sont utiles, ou est-ce un passage obligé ? Et ça arrive. Suivant la chaîne ou vous vous trouvez, il « faut » de la nudité. J’aimerais un jour faire ce genre de décompte en comparant Spartacus et une série aussi surcotée que Boss, sur la même chaîne (Starz). J’ai peu souvenir de scènes de sexe justifiées dans l’oeuvre de Farhad Safinia. Mais ça, on en parle peu. Certainement parce que la « mise en scène » est de meilleur goût. Pour en revenir au “néant”, j’ai du mal à imaginer les scénaristes se dire « mettons une scène de cul ici, parce qu’on n’a rien à dire ». Même sur True Blood ils ne fonctionnent pas comme ça. Ils écrivent une bouse, mais pas ce genre de bouse. C’est une série, pas un téléfilm playboy. Après ce qu’ils font est bon ou mauvais, nous touche ou pas. Je pense même que la profusion de sexe et de violence masque les qualités, pas les défauts. Ca en fait un objet peu recommandable, et on y revient « de mauvais goût ». Ca réduit la force d’une oeuvre. Je crois plus aux vertus masquantes d’une réalisation léchée, belle à voir, loin de l’outrance.

Une fille. Je pense moi tout le contraire. Il paraît assez évident, depuis quelques années, qu’il existe un filon de productions historiques bas de gamme que certains producteurs, créateurs et chaînes ont décidé d’exploiter. Ils rivalisent, d’ailleurs, de non imagination en repoussant toujours les limites et en proposant les scènes les plus gore possibles. On ne peut même pas dire que cela soit l’apanage des Américains puisque The Tudors est une création irlando canadienne même si elle est diffusée par Showtime ou que Canal Plus a proposé une version de Borgia qui n’était pas la définition de la subtilité. Il serait intéressant de couper toutes les scènes d’écartèlement  et que les scènes d’intimité s’arrêtent devant la porte de la chambre d’un couple qui a manifestement des projets pour occuper sa soirée. Ce n’est pas une posture moraliste, c’est simplement pour souligner que privées de ces scènes certaines séries historiques risqueraient d’avoir des difficultés pour boucler la durée d’un épisode. On peut prendre l’exemple contraire avec Mad Men. Depuis sept saisons, Don Draper est disons un homme assez actif sexuellement. Jamais pourtant Matthew Weiner ou ses auteurs ne s’aventurent sur ce terrain-là. Ce qui les intéressent c’est d’écrire le portrait d’un homme très seul, de dessiner ses faiblesses, de mettre en évidence ses limites… Et, plus largement, de proposer une définition de la masculinité dans l’Amérique des années 60. Don Draper est en partie caractérisé par sa sexualité névrotique. Comme Lucius Vorenus dans Rome, une série beaucoup plus mainstream, l’est par sa maladresse avec sa femme. Dans les deux cas, l’intimité sert de véhicule au point de vue de l’auteur. Un auteur qui a quelque chose à dire. Et cela, ça change tout.

 

Je ne suis pas sensible au concept du guilty pleasure, Dominique Montay

ILTVSW. Qu’offre donc l’Histoire comme opportunité au scénariste que le monde contemporain ne lui permet pas?

Un gars. Pas de téléphone portable. Et ça… le téléphone portable, c’est l’ennemi du scénariste et, depuis 20 ans, il doit faire avec. Quand vous voyez une scène avec quelqu’un qui n’a pas de réseau, c’est juste parce qu’à ce moment précis, le téléphone fait chier. Dans une fiction historique, le problème ne se pose pas. Et je suis TRES SÉRIEUX.

Une fille. Une immense liberté. Les scénaristes peuvent absolument s’affranchir de la réalité, vraiment qui ira vérifier? Et, ils sont finalement peu nombreux ceux qui se saisissent réellement de cet espace de jeu pour raconter des histoires. Souvent, les créateurs de séries historiques sont fiers de dire qu’un conseiller historique les a accompagnés. Et que les gens, à l’époque comme disent souvent les écoliers, ce qui est drôle et éloquent à la fois, buvaient, dormaient, marchaient vraiment comme ça. Ce « vraiment » n’a finalement aucune importance. Ce qui compte, ce qui devrait compter, c’est l’épaisseur des personnages et la puissance de fascination exercée par l’arène dans laquelle ils évoluent. Tout se passe souvent comme si l’obsession pour l’exactitude de la réalité historique exonérait le créateur de sa mission première, celle de raconter des histoires.

 

Rome

Rome

 

ILTVSW. Et la vérité historique dans tout ça, c’est important?

Un gars. Oui, et non. On s’en fout un peu, en fait. Ca dépend de votre propos au départ. Si vous voulez cadrer au plus près avec l’Histoire, il faut s’y tenir, et faire très attention à la cohérence de vos intrigues. Vous n’avez pas le droit à l’erreur. Pour Spartacus, ils sont resté proches d’une vision de l’Histoire (tous les historiens ne sont pas d’accord sur le déroulement) tout en remplissant les zones d’ombre. Bien entendu, ils ont créé des personnages, certains sont restés plus longtemps que prévu, des raccourcis ont été pris… mais ils sont surtout restés cohérents dans leur histoire. Mais, ils auraient pu la jouer « fuck it » à la Tarantino dans Inglourious Basterds et réécrire l’histoire, montrer Spartacus décapiter Jules César, puis voyager dans le temps pour cramer Hitler, mais non. Ce n’était ni le sujet, ni le propos. Encore un aspect brillant de Spartacus : quand on regarde les fictions basées à cette époque, comme Rome, tous les mecs parlent comme s’ils vivaient dans l’Angleterre victorienne, tout droit sortis d’une pièce de Shakespeare. Dans Spartacus, ils parlent un langage inventé pour l’occasion, c’est de l’anglais, certes, mais les phrases sont construites comme du Latin. En cela, je trouve Spartacus plus réaliste historiquement que Rome ou Gladiator 

Une fille. Il m’arrive d’avoir une énorme envie de réalisme. Quand c’est le cas, je fais une pause sur les séries et je me plonge dans une collection documentaire. Je pense au travail du documentariste américain Ken Burns, par exemple. Sa série documentaire The War est un travail à la fois d’une rigueur irréprochable et complètement captivant. Mais, quand je me lance dans une série, vraiment son réalisme passe au second plan. C’est pour cette raison que j’ai passionnément aimé Rome. L’idée d’un Buddy movie dans la Rome antique est géniale. Lucius Vorenus et Titus Pullo sont incroyablement humains dans les deux saisons de la série. Ils font comme ils peuvent avec leur époque mais surtout avec leurs limites, leur passé, leurs blessures … OK Freud, c’est encore dans longtemps mais ce n’est pas grave car on vit avec eux. Mon dernier coup de cœur est l’Anglaise Peaky Blinders. Elle met en scène une famille de gangsters dans le Birmingham des années 20. Les hommes sont jeunes et encore traumatisés par la première guerre mondiale. Je n’ai aucune idée du modèle des fusils dont ils étaient équipés mais je n’oublierai pas le traumatisme que j’ai pu lire dans leur regard. Ces personnages sont d’une puissante humanité. C’est tout ce qui importe.

 

Vikings

Vikings

ILTVSW. Quels barbares hirsutes et malodorants trouvent malgré tout grâce à vos yeux, et dans quelle mesure culpabilisez-vous?

Un gars. Ah mais plein ! J’adore le génie tactique de Spartacus, le sens de l’honneur de Oenomaus, la fragilité d’Agron et la jouissance communicative de Saxa, j’ai appris à aimer Gannicus, le révolutionnaire récalcitrant. J’aime beaucoup Long John Silver et Anne Bonny dans Black Sails. Après, on serait tous coincés dans un métro, je leur demanderais d’aller prendre une douche ou deux, mais sinon, je les adore. Je viens de me mettre à Vikings, donc c’est un peu compliqué de détacher des personnages, même si j’aime beaucoup Lagertha, qui a tout pour être un cliché de “femme de guerrier”, et qui est tout le contraire. Et n’étant pas sensible au concept de guilty pleasure, sachez que je ne culpabilise jamais. Spartacus est une série formidable, Black Sails n’est pas exempt de qualités, et Vikings s’annonce très bien.

Une fille. Comme il m’est impossible de me fâcher pour toute la vie avec un gars. Je vais aller dans son sens et saluer Vikings. Contrairement à ce qu’il avait fait dans la très moyenne The Tudors, Michael Hirst ne s’est pas caché derrière les fantasmes véhiculés par une époque pour faire l’économie de personnages un peu construits. Ses Vikings ont, c’est vrai, une conception de l’hygiène assez proche de celle de Néandertal mais ils ont des trajectoires personnelles touchantes et, en plus, chose assez rare, la série repose aussi sur de beaux personnages féminins.

On peut retrouver le passionnant et passionné Dominique Montay sur le Daily Mars et le suivre sur Twitter @ItsZeDom

La semaine prochaine dans ILTVSW … Oups, pas encore tranché, désolée.

 

ILTVSW guest star: Farhad Safinia, créateur de Boss

28 Avr

Version française

Farhad Safinia était à Paris la semaine dernière à l’occasion du Festival Séries Mania saison 4. Le créateur de Boss – une série qui suit Tom Kane, un maire de Chicago condamné par une maladie neurodégénérative qui tente de conserver le pouvoir sur son royaume corrompu à tout prix – a donné une formidable masterclass.

Il est l’un des auteurs les plus talenteux de la télévision américaine et ILTVSW a eu la chance de pouvoir l’interviewer longuement. 

ILTVSW: Certains observateurs disent que la série The West Wing montre le monde comme il devrait être alors que Boss dépeint le monde comme il est. Qu’en pensez-vous?

Farhad Safinia: The West Wing était une série très inspirante, pleine d’espoir qui se déroulait dans un monde comme nous aimerions qu’il existe. Mais je ne crois pas qu’en conséquence Boss soit plus réelle. Dans la série, certaines libertés avec la réalité sont aussi aussi importantes et peut-être même plus importantes que dans The West Wing. Il ne s’agit simplement pas des mêmes libertés avec la réalité. La tonalité des deux séries est tellement différente qu’il est impossible de les comparer sauf à constater qu’elles traitent toutes les deux de politique. La chose la plus importante à signaler à propos de Boss, c’est que la série trouve beaucoup de sources d’inspiration dans le monde réel. C’est aussi une histoire universelle et c’est la raison pour laquelle elle donne cette impression de réalité. Elle puise aussi dans le monde de la fiction comme dans Le roi Lear par exemple. Boss est très lyrique. Lorsque l’on se rend à l’opéra, on voit des gens se faire empoisonner, se faire poignarder, c’est très mélodramatique. Mais on rentre chez soit avec quelques vérités qui concernent notre propre vie. J’espère que la série permet cela également.

 

 

ILTVSW: Peut-être cette réflexion est-elle née du fait que la réalité est bien plus noire que celle de The West Wing

F.S. C’est un argument intéressant. Nous avons cette conversation ici en France et il y a une différence considérable entre les attentes en matière culturelle des Européens et celles des Américains dont j’ai pris conscience grâce à Boss. Dans l’industrie du divertissement aux États-Unis, il y a un énorme désir pour les choses positives et qui donnent de l’espoir. L’une des choses que demandent toujours les gens qui regardent la télévision est: dans qui puis-je me reconnaître? Qui est mon ami? Quel personnage j’aime? Je ne pense pas que l’on se pose ce genre de questions en France, en Angleterre, aux Pays-Bas ou en Allemagne. Dans les séries très noires et intéressantes qui viennent de ces pays, il ne faut pas rendre un personnage aimable à tout prix parce que ce n’est pas ce que recherchent les téléspectateurs. Le désir d’être diverti n’est pas obligatoirement associé à quelque chose de léger. Bon, j’ai conscience que je généralise un peu grossièrement. En France comme aux États-Unis, il y a sûrement un public pour les deux types d’approche. Mais cette différence se manifeste de manière très frappante dans le sport. J’ai grandi en France et en Angleterre, quand nous avons déménagé aux États-Unis, j’ai été frappé par le fait que la gratification immédiate est le ressort des sports américains. Au basketball, on peut marquer cent points dans une partie. Au football américain vous pouvez obtenir trente, quarante, cinquante points alors que le football européen est un sport de frustration. Cela se traduit également en matière culturelle et politique. Quand vous regardez Boss et The West Wing, cette approche différente se manifeste.

 

ILTVSW: Le travail de David Simon dans les séries The Wire et Treme serait donc un contre-exemple?

F.S. Je n’ai jamais rencontré David Simon mais je pense que The Wire est une série européenne. Son rythme, son niveau de langage, en font une série européenne. Comme Deadwood de David Milch, d’ailleurs. Il faut dire qu’Aaron Sorkin aime les mots aussi. Tout est dans le désir de ne pas forcément aborder les choses d’un point de vue optimiste. Même si finalement même dans Boss il y a quelque chose d’optimiste. Je ne pense pas qu’il soit possible d’être si sombre sans, d’une manière ou d’une autre, laisser potentiellement une porte de sortie. Ce n’est pas quelque chose que je souligne particulièrement mais si vous prenez la saison 1 de Boss, l’un des personnages les plus cyniques, durs et irrécupérables fait quelque chose de complètement naïf et optimiste à la fin même si c’est quelque chose d’horrible mais il essaye quand même d’agir dans le sens du bien.

 

ILTVSW: Quelle pourrait donc être la porte de sortie?

F.S. Je pense que la porte de sortie, on la trouve en soi. Je ne pense pas que l’on puisse changer énormément les choses de l’extérieur. C’est le contraire de ce que de nombreuses personnes pensent. Elles pensent que si l’on encourage les gens à descendre dans la rue et à hurler, il est possible de faire évoluer les choses. À de nombreuses reprises, nous avons vu ce pouvoir des gens se dissoudre et ne conduire à rien. Comme avec les mouvements Occupy Wall Street ou le Tea Party. Boss n’est pas une série à idéologie, on ne peut pas la situer politiquement. Je n’y exprime pas mes opinions politiques. Mais elle montre que le désir des gens de changer le cours des choses se dissout dans le système politique. Il s’évapore. C’est presque comme si le système avait été construit pour ne pas lui apporter de réponse. C’est quelque chose qui m’a toujours frustré et je pense que c’est frustrant quelque soit le courant politique dans lequel on se reconnaît. Une série comme Boss montre pour quelles raisons les choses se passent ainsi. Nous parlons de personnes qui au nom de leurs droits acquis ne veulent pas le changement, des personnes qui bénéficient du status quo, qui servent leurs intérêts grâce au système. Elles ne veulent surtout rien changer et c’est vraiment le sujet de Boss.

 

Tom Kane

 

ILTVSW:  Pourquoi la série ne pouvait-elle se dérouler qu’à Chicago?

F.S. J’ai d’abord choisi l’histoire que je voulais raconter, les personnages et puis nous avons choisi la ville. Quand on envisage la problématique de cette manière, il était impossible de ne pas choisir Chicago. Quel est le sujet de la série? C’est une série qui traite de la corruption au plus haut niveau, d’un système politique cassé et c’est aussi l’histoire d’un roi à la tête d’un royaume puissant sans rivaux sauf s’il montre la moindre faiblesse. C’est une histoire universelle. Elle remonte à Shakespeare, à la littérature française et italienne, à l’époque de la reine Elizabeth. Le gars en question n’a pas hérité de son trône, il a gravi les marches du pouvoir tout seul ce qui est très américain. Vous prenez ces deux dimensions et vous vous demandez: où l’histoire peut-elle se dérouler? Chicago est l’endroit parfait. C’est comme un royaume au milieu du pays que ses maires ont géré comme de puissants monarques. Les paysages sont parfaits. Chicago ressemble à une scène d’opéra. À chaque fois que vous ne savez pas très bien quoi faire avec la caméra ou comment terminer une scène, vous montrez simplement les gens ou l’architecture de cette belle ville et ces élements racontent bien plus que n’importe quelle scène que vous auriez pu écrire. Nous avons vraiment eu de la chance de pouvoir tourner là-bas.

 

 

ILTVSW: Qu’y a-t-il de si plaisant dans toute cette noirceur pour les téléspectateurs? Les temps sont durs, ils pourraient avoir plutôt envie de s’échapper…

F.S. Je ne pense pas que cela soit le cas. Même si, c’est vrai, certains en expriment le désir. Je vivais aux États-Unis après le 11 septembre et le film numéro un au Box office était En territoire ennemi un film avec Owen Wilson et Gene Hackman. Il racontait l’histoire d’un soldat américain largué derrière la ligne de front en Serbie qui se battait seul contre tous pour rentrer au pays ou quelque chose comme cela. Ça c’était vraiment un film correspondant à se désir de s’échapper. Cela a été un grand succès. Mais je ne crois pas que le succès aurait été le même si la population américaine n’avait pas connu un traumatisme aussi important. C’était un bon film. Un film d’action. Mais je pense qu’il existe une autre partie de la population qui désire être transportée dans des mondes qu’elle ne connaît pas. C’est très puissant comme expérience. Cela n’a pas grand chose à voir avec un point de vue optimiste ou pessimiste. C’est simplement très enrichissant. Quand on me transporte comme cela, l’adrénaline monte, j’adore ce genre d’histoires.

 Copyright ILTVSW 2013

La semaine prochaine dans ILTVSW… Oups, pas encore tranché, désolée.

ILTVSW guest star: Farhad Safinia, creator of Boss

28 Avr

English version

Farhad Safinia was in Paris last week to attend Séries Mania Festival season 4, an event dedicated to TV shows from all around the world. The creator of Boss – a show that follows Tom Kane a fictional mayor of Chicago dying from a neurological disease and trying to keep his powerful position by any means – gave a great masterclass.

Interview of one of the most talented author on American TV. ILTVSW was lucky enough to seat with him for half an hour.

ILTVSW: Some people say  The West Wing shows the world as it should be and Boss shows the world as it is. What do you think of this assumption?

Farhad Safinia: The West Wing was a very inspirational story, a hopeful story in a world you wish it existed. But I don’t necessary think than as a result Boss is more real. There are certain departures from reality in Boss that are as extreme if not more so than whatever departures from reality were in The West Wing. They are just very different kinds of departures. The tone of Boss is so completely different from The West Wing that it is very hard to draw any kind of comparison between the two apart from the fact that they are both about politics. What I would say about Boss is it’s a world that should be recognizable but only because of the exaggeration that we make. In terms of the texture of the world, the characters and the plot line. The most important thing to say is that there are many sources of inspiration for Boss that are from the real world. It is a universal story that’s why it feels kind of real to people. But there are fictional inspirations too. I said that King Lear was one of them. Boss is very operatic. When you go to see an opera, people are getting poisoned, they are stabbing themselves, it’s very melodramatic but you walk away with a certain element of truth about your own life and I hope the show does that as well.

 

 

ILTVSW: Maybe they thought so because reality is way darker than in The West Wing?

F.S. This is an interesting point because we are talking here and we are in France and there is a big difference between the anticipation and expectations of European cultures about their entertainment versus American culture which I become very aware of as a result particularly of this show. There is a big desire in American entertainment to be very positive and very hopeful about what it is that you are seeing. One of the things that people always say on American television is: who can I relate to? Who is my friend? Which character in the story do I like? There is no such question in French entertainment, English entertainment, Deutsch or Danish entertainment. You watch the very dark and interesting shows that come out of these European cultures where there is no need to make any character likable necessarily because people aren’t looking for that. There is a degree of an appreciation of being diverted in your mind and entertained that it doesn’t necessarily have to come about the result of something light and hopeful. It can be extraordinary dark and dissembling. It is a kind of gross generalization in both country there are people who like both kind of thing. But it manifests itself more than anything in sports. I grew up in England and in France, when I moved to the United States I noticed American sports were so much more about instant gratification. In basketball you get a hundred points in one game, in American football you get thirty, forty, fifty points and you compare to football, soccer where it is a game of frustration. That is so manifest in the American culture as well and in the american politics. Those are some of the differences between the two. When you look at shows like Boss and The West Wing you notice some of those cultural differences.

 

ILTVSW: David Simon’s work in The Wire or Treme would be a counter-example?

F.S. I have never met him, but David Simon in The Wire made an European show. The pace of it. The degree of language. David Milch as well with Deadwood. Sorkin loves language too. But the thing is the desire not to necessarily come to an optimistic point of view. About Boss, I think there is a voice of optimism in it. I think you can’t be that pessimistic or dark about anything without somehow showing a way out potentially which I  don’t put a big spotlight on but certainly if you watch like the first season of Boss, one of the most cynical hard edge most irredeemable characters in the show does something entirely naive, optimistic and hopeful at the end which is a horrible thing but still is for something better.

 

ILTVSW: What could be the way out?

F.S. In my opinion, though, I actually think the way out comes from inside. I don’t think we can affect an enormous amount of change from the outside. Which is contrary to what a lot of people say. They say that if we pour into the streets, we really shout, we can make stuff happen but too many times you have seen that power of people dissipates and not get anywhere. Whether you look at the Occupy Wall Street movement in America, the Tea party… Boss is not a show about ideology, it does not place itself on a political spectrum. It’s not about my own personal politics. The galvanization of popular desire to affect some kind of change dissipates within the political system. It sort of evaporates. It is almost as though the system is designed not really to respond. That’s something I have been frustrated with and I think that’s something that applies no matter what your political ideology is. We talk about vested interest who don’t want change, who are benefiting from the status quo, who are providing for themselves by the system that is in place, they don’t want to make any change and that’s the key point of what the show talks about.

 Tom Kane

 

ILTVSW: Why was Chicago the perfect town for Boss?

F.S. It worked out this way, I first new the story I wanted to tell, the characters and then we chose the location. When you look to it that way it is almost impossible not to pick Chicago. What’s the story about? It is a story about high power corruption, brokenness of the political system also about a king ruling a powerful kingdom where he is unchallenged by his rivals around him but at the same time if he shows any kind of weakness they are going to jump at him. Which is a very universal story, it goes back to anything you have read from Shakespeare, French, Italian literature, Elizabethan times, all those kinds of things. That’s who he is. And the guy himself is not a king who inherited his throne, he climbed up through ambition which is a very American story. You take those two things and you say where am I going to place that story? Chicago is the perfect place. It is like a kingdom in the center of the country which the mayors have ruled very much like powerful monarchs. And the setting is so perfect. It feels like an opera stage. Anytime you don’t know what to do with a camera, anytime you don’t know how to end a scene just show some people, some architecture of this beautiful city, it just tells you so much more symbolically that you could ever do in writing. So we were very lucky to be able to go there.

 

 

ILTVSW: What is so likable in this for the audience? Times are tough, you could think people would want escapism…

F.S. I think that’s actually not the case. I mean some people want that. I remember I was living in the United States after 9/11 happened. And the number one movie at the Box office was this Owen Wilson/Gene Hackman film Behind the enemy lines about an American soldier who gets drop behind the lines in Serbia and fights is own way back or something like that. It was pure escapism. But it was a huge hit and I think it wouldn’t have been unless these people had had this trauma happen to them to that degree. It was a good film. An action film. That’s the thing people want a get away. I should think there is another segment of the population that basically just likes to be taken inside worlds they don’t get to experience. That is very powerful and it does not necessarily has to dot with an optimistic point of view or a pessimistic one. This is incredibly compelling. I myself whenever I am taken in a journey like that, my adrenaline is rushing, I just love that kind of story telling. That’s the key behind it.

Copyright ILTVSW 2013

Next week in ILTVSW… Oops, not decided yet, sorry

 

 

 

 

 

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