Tag Archives: Friday Night Lights

ILTVSW pilot crush : Ballers

14 Juin

FRA/ENGLISH

Le destin est un truc puissant. Depuis Eschyle, nous savons qu’il est inutile d’essayer de le contrarier. Ce qui est écrit est écrit. Fin de l’histoire. Ce soir, c’est une excellente nouvelle. Qui aurait pu prédire qu’un jour, un beau jour, deux de mes BFFF/Personnages préférés pour toute la vie les plus chers, pour qui j’ai une immense admiration et, oui, je l’avoue une égale affection, seraient réunis comme pour me satisfaire ? Vous savez comme nous sommes, nous les femmes, toujours convaincues que les hommes n’agissent qu’en fonction de nous, même si… c’est vrai mais qu’ils n’en sont simplement pas conscients au sens freudien du terme.

Donc HBO lance Ballers dimanche prochain. Ari Gold d’Entourage ne se contente donc pas de revenir en petite forme au cinéma, son esprit a réussi à s’échapper et venir hanter un stade de football à Miami. Arène dans laquelle, il est tombé sur qui ? Un autre personnage inoubliable Mr T aka coach Taylor aka Eric Taylor aka le meilleur homme bon de l’univers, de la série Friday Night Lights. Dwayne Johnson qui interprète Spencer Strasmore, ex joueur star tentant de devenir un manager à succès, fait un lien délicieux entre ces deux mondes. Homme de pouvoir qui essaye de devenir un homme tout court.

Ballers offre la vibe d’Entourage et sa comédie subversive. Les footballeurs comme les acteurs vivent dans un monde irréel tant qu’ils sont au sommet et leur atterrissage peut prendre la forme d’un cauchemar. Le show s’engouffre dans ce too much et ne se prive pas du burlesque. Mais peut-être car Peter Berg est à la réalisation, il y a de la tendresse dans la caméra qui rappelle qu’il est toujours possible pour un homme de devenir meilleur. Ou, au moins, d’être traversé par les notions de bien et de mal. « Les légendes ne prennent pas leurs retraites, elles se réinventent » dit l’affiche de la série. Un défi qui nous concerne finalement tous un jour ou l’autre. C’est peut-être la raison pour laquelle, Ballers est une promesse si tentante …

La semaine prochaine sur ILTVSW … Oups, pas encore tranché, désolée.

© HBO

TItre/Title : Ballers
Créateur/Creator : Steve Levinson
Cast : Dwayne Johnson, Omar Benson Miller, John David Washington, Rob Corddry, Troy Garity
Maths : 1 saison/season
Chaîne/Network : HBO/ OCS (France)

Destiny is powerful stuff. Since Aeschylus, we know that there is not point trying to do anything about it. Things that are meant to be are meant to be. End of the story. Tonight it’s great news, guys. What were the odds that one day, a beautiful day, two of my dearest BFFF/Best Fiction Friends Forever for who I have a tremendous admiration, and yes, an equal affection, would be united just as if it was made to please me. You know how we are, we women, always assuming that men always do everything just because of us even though it is… 100% true but they just aren’t aware of it in the freudian definition.

So HBO launching Ballers next sunday is a miracle. Ari Gold, from Entourage, is not only coming back poorly in theaters, his spirit has managed to escape and to haunt a football stadium in Miami where, guess what, he meets another unforgettable character Mr T aka coach Taylor aka Eric Taylor aka the best good man ever from Friday Night Lights. Dwayne Johnson playing Spencer Strasmore, an ex star player trying to become a successful manager, is the link between the two worlds. An ex powerful man trying to become a man.

Ballers offers the Entourage vibe and its subversive comedy. Football players are like actors, they live unreal lives as long as things works for them and when they stop, the going back trip to reality can be a nightmare. The show digs in the over the top situations this big guys are facing and burlesque is implied. But maybe because Peter Berg is in charge of the filming there is also a feeling of tenderness and very much a sense of the possibility for a man to become better. Or at least for a man to question himself about right and wrong. « Legends don’t retire, they reinvent » says the show poster. At some point, it is something that we all have to deal with. Maybe it is also the reason why that ride is such a great promise for us.

Next week on ILTVSW … Oops, not decided yet, sorry.

ILTVSW pilot crush : Bloodline

15 Mar

FRA/ENGLISH

Certains affirment que les auteurs racontent toujours la même histoire. Obsédés par l’obsession de leur vie. La série Bloodline, lancée par Netflix le 20 mars, ne fournira pas d’argument à ceux qui pensent le contraire. Les frères Kessler et leur vieux complice d’écriture Daniel Zelman se demandent une nouvelle fois dans leur série : qui est le coupable ? en entraînant le téléspectateur dans un thriller à la temporalité explosée. Comme dans Damages, il y aura du sang, beaucoup de secrets … et vous et moi, nous demandant constamment : « Attends, elle a fait ça ? » « Non, c’est pas possible, pas lui, pas ça ! » À cause des bonds dans le temps qu’ils utilisent de nouveau pour raconter leur histoire. Mais, cette fois-ci, leur arène n’est pas un cabinet d’avocat, leur arène est la famille. Une famille. Les Rayburn.

Certains ne le disent pas mais le pensent très fort, nous, les téléspectateurs regardons encore et toujours les mêmes histoires. Obsédés par les enjeux universels que sont l’amour, la haine, la confiance, la trahison. Et le coach Taylor. C’est ce qui a probablement décidé les créateurs de la série à offrir à Kyle Chandler le rôle de John Rayburn. Shérif local et fils bien-aimé d’une famille qui possède un bout de paradis dans les Keys, en Floride. Dès les premiers instants, sa voix, au timbre chaleureusement caractéristique, nous donne l’agréable sensation, et l’espoir fou, de voir Mr T revenir. Les auteurs, ces coquins, ont rendu John Rayburn très semblable. Enfin, presque. Enfin, pas tout à fait. Trop tard, on est piégé !

En fait, John Rayburn serait plutôt un cousin de Eric Taylor. Le même genre de gars qui prend bien soin de sa famille. Mais comme sa famille doit faire face à des problèmes qui rappellent une autre partie du Texas, Dallas plus que Dillon, le couz’ prend finalement de mauvaises décisions. Comme si dans le monde des Kessler/Zelman un brave homme ne pouvait pas demeurer fidèle à sa ligne de conduite. Malgré son motto : Clear eyes, Full hearts, Can’t lose.

Et nous, nous plongeons dans Bloodline pour les mêmes raisons que nous regardions Friday Night Lights. La série nous rappelle combien nous ne sommes rien sans les autres. Mais adopte, pour le faire, un point de vue sombre. En nous montrant ce qui arrive quand une communauté est dysfonctionnelle. Les Rayburn peuvent bien vivre sur une île magnifique. Ils peuvent bien avoir beaucoup plus que Tami et Eric Taylor. Mais leur bout de paradis est pourri de l’intérieur. Il est aisé de deviner que ça n’a pas dû rigoler beaucoup à la table du dîner. Et que les amis des enfants n’étaient pas franchement bienvenus. Sombre endroit que le foyer des Rayburn.

Alors qu’il était extrêmement divertissant de regarder la brillante et folle avocate Patty Hewes détruire ses adversaires dans Damages, j’ai le sentiment que mon crush ne pourrait n’être que furtif pour Bloodline. Dans le monde fou d’aujourd’hui, la famille est l’ultime refuge. Et les personnages dans Bloodline, ressemblent tellement à cette part de nous-mêmes que nous n’aimons pas et passons notre temps à combattre qu’ils ne nous offrent pas la distance distrayante que nous procuraient le méchant JR ou la naïve Sue Ellen. Ils sont si basiquement faibles, médiocres ou bousillés qu’on ne peut pas exclure qu’ils fassent naître, chez certains d’entre nous, une énorme envie de (re) commencer FNL.

La semaine prochaine sur ILTVSW … Oups, pas encore tranché, désolée.

 

© Netflix

© Netflix

 

Titre/Title : Bloodline
Créateurs/Creators : Glenn Kessler, Todd Kessler, Daniel Zelman
Cast : Kyle Chandler, Ben Mendelsohn, Linda Cardellini, Sam Shepard, Sissy Spacek, Chloë Sevigny.
Maths : 1 saison/season
Chaîne/Network : Netflix

They say writers keep telling the same story over and over again. Obsessed by their lifetime’s obsession. Bloodline, debuting March 20 on Netflix, will not prove wrong those who think that way. The Kessler brothers with their longtime writing buddy Daniel Zelman are doing a whodunit back and forth thriller again. Like in their previous show Damages there will be blood, a lot of secrets and you and me constantly wondering : « Wait, she did that ? » « No, come on, he did not ! » Because of the flash forward mode of story telling they are using again. But this time their arena is not the workplace. Their arena is the family. A family. The Rayburn family.

They don’t say but they know that, we, viewers keep watching the same stories over and over again. Obsessed by universal issues such as love, hate, trust, betrayal. And coach Taylor. That’s probably what led the creators to cast Kyle Chandler for the part of John Rayburn. Local sheriff and beloved son of a family that owns a piece of paradise in the Florida keys. From the very beginning of the show, we have the comfort feeling, and the foolish hope, that we are going to get the chance to spend time again with mister T. The writers have made John Rayburn very much coach Taylor-ish. Almost. Not really. Too late, we are hooked.

In fact, John Rayburn is more of a cousin of Eric Taylor. The same type of guy who takes good care of his family. But because of family’s issues that remind us of another part of Texas, Dallas much more than Dillon, he finally makes wrong decisions. Just as if in the Kessler/Zelman’s world a good man couldn’t win not even when he has clear eyes, a full heart and is convinced that he can’t lose.

And we watch Bloodline for the exact same reason we watched Friday Night Lights. It reminds us how important it is to count on each other. But it does it in a dark way. Showing us what happens when the community is dysfunctional. The Rayburn may live on a beautiful island. They may have a lot more money than Eric and Tami Taylor. But their piece of paradise is rotten from the inside. We can easily guess that there were no happy family dinners when the siblings were kids. The door wasn’t probably open to their friends. The Rayburn household was a dark place.

As much as it was fun to follow crazy and brilliant Patty Hewes, the devilish lawyer, destroying her opponents in Damages, we have the feeling that our crush may not last for Bloodline. In our messy world, family is the ultimate shelter. And the characters of Bloodline look so much like the parts of us that we don’t like and keep fighting, meaning no one in the show is JR bad or Sue Ellen naive but just regular weak and mediocre or fucked up, that some of us might just prefer to watch FNL all over again.

Next week in ILTVSW … Oops, not decided yet, sorry.

ILTVSW guest stars: Bruno Nahon et Rodolphe Tissot, les créateurs d’Ainsi soient-ils

5 Oct

Bruno Nahon, le producteur et Rodolphe Tissot, le réalisateur et directeur artistique de la série française Ainsi soient-ils ont accepté l’invitation de ILTVSW à l’occasion du retour de leur série pour une saison 2 sur Arte. Ils évoquent pour nous l’enjeu de la deuxième saison, sa résonance dans un monde où la religion occupe l’actualité quotidiennement, le travail effectué sur les huit nouveaux épisodes, l’écriture, la réalisation et la saison 3, dont le tournage a déjà débuté.

To my readers, exceptionally ILTVSW will only be French speaking this week. The french producer Bruno Nahon and the director Rodolphe Tissot both co creators of the show Ainsi soient-ils (Arte), exploring young men desire to become priests, are the guest stars of the blog today. But as soon as next week things will be back to normal meaning French & English. 

 

 

 

 

ILTVSW. La saison 2 de votre série est diffusée alors que chaque jour, en ce moment, il est question de religion dans les journaux télévisés … Est-ce qu’à un moment donné lorsque l’on a pour matière un tel sujet, on se sent investit d’une forme de responsabilité?
Bruno Nahon. Nous n’en parlons jamais entre nous. La religion est quelque chose de périphérique à notre processus de travail. Notre préoccupation est de faire une série, avoir des personnages, de créer des émotions, des choses dans le ventre … C’est la seule chose qui nous anime jour après jour. Nous avalons les sujets, nous les digérons. Notre seule obligation est de ne pas le faire comme la presse ou un documentaire pourrait le faire. Nous devons aborder la religion d’une façon originale et inattendue mais c’est tout.
Rodolphe Tissot. Pour nous, les personnages sont vraiment devant le sujet. A aucun moment, nous n’avons pensé: « Ouh là là, la religion, c’est très important à notre époque !» On ferait la même série si on traitait, au hasard, du football américain (sourire) ou des compagnons de la boulangerie. On voudrait de la même manière être le plus juste possible, raconter le monde dans lequel on vit par le biais de ce sujet-là. Nous ne vivons pas comme un poids supplémentaire, l’église et la religion. Bien sûr, nous avons conscience que le sujet est porteur de questions plus profondes mais nous ne nous sentons pas écrasés par ça.

ILTVSW. La réalisation magnifie quand même le rite religieux, cela a forcément une forme d’impact sur la perception du téléspectateur. Si l’on prend l’exemple de Friday Night Lights, cela aurait pu être une série qui disait que le sport détruit les hommes mais non, c’est au contraire une série qui affirme que le sport grandit les hommes …
Bruno Nahon. Ainsi soient-ils n’est pas une série contre les gens qui croient, contre les gens qui ont la foi, contre le Vatican. C’est une série qui raconte comment une croyance vit dans chacun de ceux qui s’en veulent les porte-paroles. Le royaume d’Emmanuel Carrère parle de cela avec un énorme succès, cela m’étonne que personne n’ait d’ailleurs fait le parallèle car on a un écrivain majeur de sa génération, l’un des deux ou trois meilleurs romanciers français aujourd’hui, qui prend comme objet l’étude la naissance du christianisme et ce qu’est profondément le catholicisme. Nous, cela fait déjà plusieurs années que l’on essaie de raconter cela. En posant la question: « Est-ce que c’est tenable? » Maintenant, effectivement, la sensibilité de Rodolphe est de montrer qu’il y a de la beauté là-dedans.
Rodolphe Tissot. Quoi que je fasse, j’ai beaucoup d’empathie pour mes personnages. A partir de là, quand je filme une messe ou des personnages qui croient, j’y crois comme eux même si au fond de moi peut-être pas. Et j’essaye de le restituer. Sans essayer de convaincre. La série n’a pas du tout pour but le prosélytisme.

ILTVSW. Votre série relève donc totalement du domaine de l’intime?
Bruno Nahon. Les personnages d’Ainsi Soient-ils, ils ont eu, et il faut l’accepter comme dans Lost ou Les Revenants, une révélation. Chacun a rencontré Dieu ou quelque chose de sacré. Ils ont reçu une révélation. Ce que l’on va tester nous, c’est à quel point cette révélation-là tient à l’épreuve du réel. Nous n’avons absolument pas mesuré ce qu’allait devenir le monde quand nous avons commencé à travailler en 2007. C’était éloigné du 11 septembre, il y avait à l’époque très peu de débats autour de la religion. La question de l’intégrisme était absente.

 

Rodolphe Tissot: « Nous n’avons aucun tabous »

 

ILTVSW. La saison 3, actuellement en tournage, intégrera-t-elle la montée des radicalismes religieux?
Bruno Nahon. Nous bouclerons quelque chose là-dessus en saison 3. Mais, notre métier est un peu de nous mettre de côté, voire d’élever le débat. Il est urgent d’être paisible quand il s’agit de traiter ces questions-là qui sont brûlantes. Si l’on s’approche trop près, cela ne produit rien à part de blesser. Si l’on est à la bonne distance, on peut voir la lumière, la chaleur, la flamme et questionner ce que l’on est en train de voir. Face au tumulte ambiant, nous avons envie de montrer le côté lumineux des choses.
Rodolphe Tissot. Nous n’avons aucun tabous sur tout ce qui peut concerner l’Eglise et la religion au sens large. Au fil des saisons, nous allons explorer de nouveaux sujets cela pourra être l’Islam, la confrontation à d’autres religions, le sexe, les problèmes financiers … Après, nous ne serons quand même jamais sur le terrain du mysticisme. Ce n’est pas une série qui demande : »Qu’est-ce que croire en Dieu? » et qui donne des réponses. Les gens qui voudraient trouver dans la série des éclairages sur le sujet ne les trouveront pas. Ainsi Soient-ils c’est la société, les hommes, l’humain. Ces gens croient en Dieu. Pourquoi ils y croient et est-ce que c’est bien, nous ne traitons pas cette question.

 

David Baiot (Emmanuel), Julien Bouanich (Yann), Clément Manuel (Guillaume), Samuel Jouy (José) et Clément Roussier (Raphaël)

 

ILTVSW. Comment avez-vous construit l’esthétique de la série?
Rodolphe Tissot. J’ai une conviction : le comédien est le centre de l’esthétique. C’est ce que nous avons envie de faire passer dans la série, au-delà de l’image, de l’éclairage, des plans, de la caméra à l’épaule, le choix du comédien et la manière de le diriger, c’est 70% de l’esthétique. Il y a mille manière d’interpréter chaque dialogue, chaque personnage, chaque intention et une bonne partie de ce que l’on peut ressentir en regardant la série vient du choix des comédiens. Je ne dis pas que le reste est secondaire mais le plus important est là. Dans les séries qui nous plaisent, c’est la même chose. Avec d’autres comédiens et une autre manière de jouer, on pourrait emmener la série ailleurs. On pourrait faire des méchants, de vrais méchants, par exemple. Nous prêtons beaucoup de soin à cet aspect du travail avec Bruno. Ensuite, nous ne sommes pas dans une approche esthétique documentariste mais vraiment conscients que l’on fait une fiction et que l’on veut donner du plaisir aux téléspectateurs. Nous voulons raconter une histoire.

ILTVSW. Votre journée de travail sur le plateau à quoi ressemble-t-elle?
Rodolphe Tissot. Je ne découpe pas ou très peu à l’avance. En revanche, et je pense que c’est une vraie différence avec beaucoup de réalisateurs de télévision, je connais les textes par coeur. Je les ai lu, relu, travaillé avec les auteurs. Je les ai annoté. J’ai passé mon temps à les relire. C’est pour cela que cela ne me pose aucun problème de crossboarder huit épisodes. Le temps que je ne passe pas à faire des story board, je le passe à digérer le texte. C’est-à-dire savoir exactement où on en est de l’histoire, qu’est que l’on raconte, pour ne pas avoir avoir à me replonger dans le scénario quand j’arrive sur le plateau.

ILTVSW. Une démarche qui commence pendant la préparation?
Rodolphe Tissot. Oui, aussi en préparation. Combien de figurants? Combien d’enfants? Quelle musique? Comme je prépare beaucoup tout ça est digéré quand j’arrive sur la journée de tournage. Je découpe le matin même. Je viens tôt sur le décor. J’en ai besoin. J’ai éventuellement mes comédiens que j’arrache du maquillage pour venir avec moi. Je répète un peu la scène avec eux. Et là, je vois où il faut mettre la caméra pour essayer d’avoir quelque chose de chouette dans le temps qui nous est imparti. Il m’arrive d’avoir une idée assez précise alors je m’y tiens. Il arrive aussi que l’un des comédiens propose un truc et qu’il ait raison. Tout cela se fait le jour même. Pour mes tout premiers films, j’avais tout découpé à l’avance et j’ai arrêté car cette nouvelle méthode me correspond mieux. Cela oblige à réfléchir vite, à trouver les solutions rapidement mais j’aime bien. Je travaille avec Pénélope Pourriat ma chef opérateur. Cette méthode donne une forme de vérité.

 

Sur le tournage de la saison 1, la série s’appelait encore « Ministères »

 

ILTVSW. Vous êtes donc totalement immergé dans Ainsi soient-ils pendant votre tournage?
Rodolphe Tissot. Je le dis souvent un peu en rigolant je dors Ainsi soient-ils, je mange Ainsi soient-ils (sourire).
Bruno Nahon. Il faut savoir que Rodolphe et moi, on se réveille tôt le matin. Comme à peu près tous les gens sur cette planète, la première chose que je fais est d’allumer mon téléphone. Et, je reçois des mails de Rodolphe écrit souvent à six heures du matin. Je sais qu’il est déjà sur des questions ou des colères car des choses ne fonctionnent pas. Il est totalement habité par la série ce qui est la condition nécessaire à son succès. Ce n’est pas possible de prendre la responsabilité de livrer aux téléspectateurs huit épisodes saison après saison de cette série, si Rodolphe n’a pas un disque dur intérieur occupé par la série. Sur chaque séquence, il sait intimement ce qui se joue en terme de production, de jeu mais, surtout, en terme de sens. Et pour chacun des personnages présents dans la scène et dans la série. Dans chaque épisode, il y a une quarantaine de scènes. Cela signifie qu’il y a quarante sens à donner. A ne pas trahir. A encore jouer mieux. C’est phénoménal.

ILTVSW. Ainsi soient-ils est votre première série. Qu’avez-vous appris au terme de la première et comment commence-t-on la deuxième ou la troisième saison?
Bruno Nahon. Il y a un truc qui continue à m’étonner quand on se réunit, c’est qu’on continue à s’engueuler. C’est pour moi un signe de bonne santé. Cela signifie qu’on est encore plus mobilisé sur la série qu’auparavant. Je ne sais pas si l’on pourra revivre cela. Il y a un alignement de planètes sur cette série entre nous quatre, la chaîne qui est exigeante mais nous fait une confiance totale, qui est fantastique. Plus des comédiens qui sont aussi de vraies rencontres amicales et fortes. Je développe même avec l’un d’entre eux qui veut passer à la réalisation le premier film. Nous nous sommes toujours demandés: « Qu’avons-nous raté? » et dit: « Il faut qu’on l’améliore ». La série s’est construite à la base de façon très très déployée, c’est une série horizontale. C’est un danger. Le danger, c’est l’éparpillement. Le manque de temps nécessaire pour approfondir. Dès que nous nous sommes mis sur la deuxième saison, nous avons choisi de travailler avec moins de personnages. Cela nous a permis d’aller creuser plus profond, de nous recentrer sur le séminaire et de tourner moins de scènes mais des scènes plus longues. Nous avons crée les conditions d’une amélioration sensible. Je pense qu’il y a une urgence à ralentir. Les téléspectateurs viennent avec nous dans ce pacte. Eux aussi ont besoin de ralentir. Internet est l’objet de l’accélération du temps mais la télévision et le cinéma peuvent, peut-être, à certains moments jouer ce rôle de ralentir. De remettre le téléspectateur dans une autre temporalité.
Rodolphe Tissot. J’avais cette sensation, on l’avait tous les quatre avec David Elkaïm et Vincent Poymiro (les scénaristes, NDLR), qu’il y avait quelque chose d’un peu brouillon et de pas totalement maîtrisé surtout dans la deuxième partie de saison. Donc, nous avons travaillé là-dessus et je pense que la saison 2 y a gagné beaucoup. Notamment par un acte concret. J’ai vraiment insisté auprès des auteurs et auprès d’Arte pour qu’on ne commence pas à dialoguer le premier épisode tant que nous n’avions pas un premier séquencier du dernier épisode. Juste pour savoir où on allait et ce qu’on allait raconter. C’était quelque chose qui m’avait manqué en saison 1. Nous avions commencé à tourner avant de terminer d’écrire. Je pense que cette décision a aidé les auteurs et bonifié leur travail. Au lieu de faire quinze versions du premier épisode et de savoir vaguement ce qu’il y aurait dans le huitième, ils ont tout monté en parallèle. Que la saison 2 marche ou ne marche pas, il y a quelque chose qu’on ne peut pas lui enlever, c’est qu’elle est cohérente du début à la fin. Il y a quelque chose d’équilibré.

 

Le sexe, la crise, la mort … les thèmes de la saison 2

 

ILTVSW. Vous avez réalisé l’intégralité de la saison 2, c’est une une tendance que l’on voit s’affirmer même aux Etats-Unis comme récemment avec True Detective ou The Knick
Bruno Nahon. Quand on a commencé et confié la réalisation à Rodolphe, on s’est un peu moqué en nous disant: « Vous le faites à la franchouillarde ». Il y avait un truc pernicieux en France qui consistait à dire: « Le même mec ne peut pas tout faire, il va fatiguer ». Moralité, on ne se préoccupe pas des coutumes et de l’époque. On fait comme on le sent.
Rodolphe Tissot. Je me sens capable de tout réaliser, cela ne me pose pas de problème. Je pense que huit épisodes c’est quand même un maximum. On me dirait il y en a douze, je ne sais pas si cela serait toujours possible. Cela dit, même si je ne suis pas du tout corporatiste « réalisateurs », surtout que j’écris aussi, il y a quand même eu à un moment un discours qui consistait à dire: « Les séries ce sont les scénaristes, les réalisateurs on s’en fout un peu, ils sont là pour tourner le truc ». Quand Ainsi soient-ils est sorti, ce discours était encore bien présent. Alors que je pense qu’une série c’est de l’écriture et de la réalisation.

Titre: Ainsi soient-ils
Créateurs: David Elkaïm, Bruno Nahon, Vincent Poymiro et Rodolphe Tissot
Scénaristes: David Elkaïm et Vincent Poymiro et avec Arthur Harari en co-écriture pour les épisodes 3 et 6 de la saison 2
Cast: Thierry Gimenez, Julien Bouanich, Samuel Jouy, Clément Manuel, Clément Roussier, Jacques Bonnafé, Jean-Luc Bideau, Yannick Renier, Corinne Masiero …
Diffuseur: Arte chaque jeudi à 20h50 et sur Arte Replay

© 2014 ILTVSW – La reproduction partielle ou entière de cet entretien n’est pas légale sans l’accord préalable de ILTVSW.

La semaine prochaine dans ILTVSW … Oups, pas encore tranché, désolée.

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