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ILTVSW pilot crush : Master of None

8 Nov

FRA/ENGLISH

D’habitude quand quelqu’un m’affirme qu’il vaut mieux en rire qu’en pleurer, je me dis : « Eh ben, voilà. C’est reparti pour le réflexe parental. Le parce que opposé au pourquoi. Rien à expliquer. Mange tes brocolis et tout ira bien ». D’habitude, même si je désapprouve furieusement intérieurement, je réponds par une grimace polie avant de reprendre le chemin difficile de la vie. Même si je considère que le parce que opposé au pourquoi est, au minimum, paresseux. Parce qu’il y a une réponse pour de vrai quelque part dans notre univers. Et qu’il serait peut-être temps de commencer à la chercher. Mais pas aujourd’hui.

Aujourd’hui, je suis extrêmement enthousiaste. Ce qui a très peu à voir avec le fait que nous vivons une expérience juin en novembre ces jours-ci à Paris. Et tout le reste à voir avec la nouvelle série de Aziz Ansari : Master of None. L’ex de Parks and Recreation ne se contente pas de nous recommander de rire à propos de notre ultra moderne solitude. Et de notre inclinaison à considérer qu’être un éternel ado est la clé pour survivre au mystère de l’expérience humaine. Il nous permet d’en rire.

Finalement, un auteur de comédie est d’abord et avant tout un sociologue talentueux tellement effrayé par ce qu’il aurait pu découvrir sur ses amis, ses voisins et/ou le président qu’il a sagement décidé d’écrire pour des gens qui ne le prendront jamais au sérieux. C’est une excellente nouvelle car dans le cas de Master of None, cela nous permet d’affronter ce que nous redoutons le plus.

Avoir des enfants ne nous aidera que peu à accepter que nous allons tous mourir un jour. Mais, avant cela, nous allons devoir nous oublier (beaucoup) pour recevoir (un peu) des petites têtes avec lesquelles il n’est pas improbable que nous ayons un jour des difficultés de communication quand elles seront adultes. Togetherness Again aurait pu être le titre de Master of None. L’approche est différente de celle de la très belle série de HBO mais l’ADN est identique. Comment arriver à se connecter à l’autre ? Sans Lexomil. Quelqu’un arrivera-t-il un jour à répondre à cette sacrée question ?

La semaine prochaine sur ILTVSW… Oups, pas encore décidé, désolée.

 

Aziz Ansari

 

Titre/Title : Master of None
Créateurs/creators : Aziz Ansari & Alan Yang
Cast : Aziz Ansari, Noël Wells, Eric Wareheim
Chaîne/Network : Netflix

Usually when someone tells me that it is better to laugh about something than to cry, I think to myself :  » So this is it. You are giving me the parents attitude. The because answer to the why. Nothing to explain. Just eat your broccolis and everything will be all right. » Usually, even if I loudly disagree inside, I make a face and start walking again on the hard path of life. Even though I consider the « because to the why answer » totally lazy. Because there is a reason somewhere in our universe. And it is about time to start looking for it. But not today. 

Today I am highly enthusiastic. It has little to do with the fact that we are having a June in November experience these days in Paris. And a lot to do with Aziz Ansari new show :  Master of None. The Parks and recreation alumni is not only telling us that we should laugh about our ultra modern solitude and our tendency to consider that being a teenager forever is the clue to live with the mystery of the human experience. He is making us laugh about it. 

Every comedy writer is first and foremost a talented sociologist who was so afraid of what he could discover about his friends, neighbors and/or president that he has wisely decided to write for people who will never take him seriously. And it is a good thing because with Master of None we face what we fear the most. 

Having kids will poorly help us to forget that we are all going to die one day. But until then, we will have to forget about ourselves (a lot) to receive (not that much) from little guys whom we might end up not getting along well with when they will turn 30. Yes Togetherness Again could have been the title of Master of None. The approach is different from the beautiful HBO show but the DNA is the same. What does it take for us to live together. Without Lexomil. Is finally someone going to answer the damn question ? 

Next week in ILTVSW… Oops, not decided yet, sorry.

ILTVSW guest star: Bruno Gaccio

24 Mai

FRA/ENGLISH

Bruno Gaccio, auteur et découvreur de talents à la tête de La Fabrique pour Canal Plus, a accepté l’invitation de ILTVSW à l’occasion du lancement de la saison 3 de Hard. De la naissance des projets, à son rapport avec les scénaristes, en passant par le lien étroit entre la dramaturgie et le golf, jusqu’au miracle que constitue une série réussie, il se livre dans une interview fleuve et gastronomique.

To my readers, exceptionally ILTVSW will only be French speaking this week. Bruno Gaccio, the French writer & producer for Canal Plus, where he helped to reveal new writers, is the guest star of the blog today. But as soon as next week things will be back to normal meaning French & English.

 

 

ILTVSW. Vous avez longtemps été à la tête de La Fabrique de Canal Plus, chargé de découvrir et d’aider de nouveaux talents à éclore. Hard, dont la saison 3 débute dans huit jours, est l’une des séries qui y est née. Existe-t-il un processus de création idéal ?
Bruno Gaccio. Le processus de création idéal n’existe pas. Dans l’industrie de la télévision, la création peut venir de n’importe où. De l’intuition de quelqu’un qui pense qu’un sujet peut intéresser un public, par exemple. Dans le cas de Hard, cela naît d’un échec. Nous avions fait Les interminables avec Gilles Galud (producteur à la tête de La Parisienne d’Images, NDLR). C’était une série avec que des vieux. Des vieux qui étaient condamnés à mort s’ils n’avaient pas de quoi gagner leur vie. Donc, les personnages faisaient à peu près n’importe quoi y compris du cinéma porno. La série traitait de la mort, de la pauvreté, de l’impossibilité de s’en sortir. C’était déprimant donc elle n’a pas fonctionné. Avec Gilles, le lendemain des résultats, on était déprimé, on buvait du café, on fumait des cigarettes dans son bureau et on rigolait en se disant : « Le prochaine fois, on ne met que des nanas de 20 ans à poil. Puisque c’est ce qu’ils veulent, on va leur donner et on fera un succès ». Et puis, en réfléchissant au pourquoi on s’était planté, j’ai dit : « Pourquoi, on ne fait pas une comédie romantique qui se passerait dans l’univers du porno ? ». Voilà comment un producteur et une chaîne peuvent trouver une idée.

 

Un auteur doit tout te donner

 

ILTVSW. Cela n’aurait pu rester qu’un concept, comment êtes-vous parvenus à lui donner l’épaisseur et la fantaisie qui caractérisent, en plus, la série ?
Bruno Gaccio. Nous nous sommes dits qu’un acteur porno n’était pas qu’une machine à baiser, c’était un être humain. Ce type ou cette femme pouvait donc tout à fait être amoureux de quelqu’un, rentrer le soir chez lui épuisé, se poser devant la télé comme on le fait tous quand on est crevé sans réfléchir à rien. La question que nous nous sommes ensuite posée est : comment vit-on cette situation ? On ne peut pas créer pour rien, on crée pour une chaîne. Cette chaîne est la première à avoir diffusé du porno donc elle était tout à fait légitime pour produire une série comme Hard sans que cela soit incongru. Le support était le bon, l’idée n’était pas mauvaise, nous avions une structure pour le faire, qu’est-ce qui nous en empêchait ? Nous avons lancé un appel à projets. Nous en avons reçu 110. Très vite, nous nous sommes dits que nous aimerions retenir celui d’une femme car si nous ne mettions que des mecs autour d’une table, cela serait une catastrophe. Nous en avons retenu deux celui de Cathy Verney et celui d’un autre scénariste. Elle a été la mieux disante notamment parce qu’elle vient d’un milieu bourge et que sa façon de traiter les à-côtés, les verrines, la vallée de Chevreuse … était bien meilleure. Elle ne connaissait rien au porno, c’est nous qui l’avons alimentée.

ILTVSW. La Fabrique a accueilli de nombreux nouveaux auteurs, comment avez-vous travaillé avec eux ?
Bruno Gaccio. Pour moi, il y a des étapes. Les premières semaines, il faut dire aux auteurs : « Fais ce que tu veux. Je veux tout ce qu’il y a dans ta tête donc il y a zéro limite ». Il faut qu’ils osent tout. Il faut qu’ils rendent tout : des scènes, des notes, des dialogues, des personnages … Dans le désordre, ce qui est important, c’est de tout mettre sur la table. Un auteur doit tout te donner. Je sais que je travaille pour la télévision et qu’il devra faire 26, 52 ou 90 minutes. Il ne peut pas me donner un film de deux heures, ni un court métrage. Mais ça, je n’ai pas à lui dire. Une fois que tout sera sur la table, on fera des réunions assez longues pour voir ce qui va dans la direction qu’il a choisie. Sauf qu’il y a un support, la télévision qui a une ligne éditoriale, qui veut certaines choses et pas d’autres. Mon rôle est d’emmener l’auteur dans ce cadre sans qu’il s’en aperçoive et sans le brimer parce que s’il nous livre quelque chose qu’on ne peut pas diffuser, il aura travaillé pour rien et nous on aura perdu de l’argent. Tout le travail, c’est ça.

 

 

 

ILTVSW. Et ce désordre finit un jour par prendre du sens …
Bruno Gaccio. Ce qui nourrit l’histoire fait que le personnage naît. Et, à un moment du processus, une évidence surgit. C’était comme ça que cela devait être. C’est évident. Les auteurs reconnaissent ce moment-là et les producteurs, aussi. Ils disent : « Cette femme est comme ça, elle a tant d’enfants, elle fait ce métier-là ». Pour Hard par exemple, tout ce qu’elle fait, c’est pour nourrir sa famille. La seule chose qui la pousse, c’est d’être autonome.

ILTVSW. Si c’est évident pourquoi y-a-t-il des séries évidemment réussies et d’autres moins réussies ou même ratées ?
Bruno Gaccio. J’explique cela très facilement. C’est un peu comme au golf, si ton club est ouvert d’un degré à droite ou à gauche, à l’arrivée ta balle va être vingt-cinq mètres à droite ou vingt-cinq mètres à gauche. Dans le processus créatif, c’est pareil. Si tu rates un petit peu le début, tu construis sur du bancal et, à la fin, tu es à côté de la plaque. Nous, on a réussi, allez, je vais dire, un projet sur trois. Pour un qui était acceptable, il y en avait un réussi et un raté. Le pire, c’est peut-être l’acceptable. Le raté, c’est pas grave, tu es allé au bout et tu t’es planté. Alors que dans l’acceptable, tu es 10% à côté de tout, donc pas loin. Tu te dis l’idée est bonne mais quand tu vois l’idée, c’est trop tard. Il y a toujours quelqu’un qui voit venir ces 10%. Si ce n’est pas moi, c’est de ma faute car je n’ai pas écouté. Si c’est moi, c’est de ma faute car je n’ai pas réussi à les recadrer. Quand tu crées une série, entre  l’idée et ce qui arrive sur l’écran, il y a un nombre incroyable de filtres. Un auteur qui travaille, des dialoguistes qui vont venir aider, des script doctors qui vont mettre leur nez dedans puis un styliste qui ne voit pas la même chose … Et le producteur qui ne doit pas bouffer sa marge. Ensuite, tu as un réalisateur qui a une vision. Avec Gilles, on avait raccourci le circuit de décision. La chaîne travaillait avec les auteurs. Ce qui ne se passe jamais. Ils voient les showrunners, les producteurs, jamais les auteurs, je pense que c’est une erreur. Il faut être dans la pièce avec les auteurs. A la limite, le chef de projet devrait être le showrunner car c’est le seul moyen d’obtenir une unité.

 

 

ILTVSW. Donc, il faut admettre que le risque est toujours l’une des variables …
Bruno Gaccio. Le processus créatif ne fonctionne pas à chaque fois. Pour que ça marche, il faut un alignement de planètes formidable. Il faut que l’idée soit bonne et que le sujet soit le bon, c’est le plus important, plus que l’écriture. Ensuite, il faut trouver la bonne personne pour qu’elle l’écrive dans l’air du temps pour que les gens puissent l’accepter. Il faut après que le réalisateur comprenne qu’il n’est pas le maître du projet mais le serviteur du projet. S’il commence à vouloir faire de l’art, tu es mort. En France, la législation, lui donne le statut d’auteur et il le croit. Ces cons de techniciens ont cru qu’ils étaient des auteurs. Certains d’entre eux le sont, évidemment. Mais ils sont très rares. Dans les contrats, ils sont engagés comme techniciens mais ils n’acceptent pas de l’être. Alors cela donne des trucs comme dans une scène où un personnage est en colère, un réal qui veut que cela soit joué « tout en douceur ». Quand tu tombes sur un réal comme ça, c’est fini, tu ne peux rien faire parce que c’est son plateau et toi, tu fermes ta gueule. Tu essayes ensuite de rectifier au montage mais tu n’arrives pas à le faire car tu n’as pas les bonnes prises. Donc, tu es 10% à côté partout.

ILTVSW. Comment avez-vous choisi les auteurs qui ont fait partie de La Fabrique ?
Bruno Gaccio. Nous n’avons jamais travaillé sur un projet. Nous avons sélectionné des gens qui avaient quelque chose de particulier. Après on leur a dit : « Ton histoire de scarabée qui tombe amoureux d’une araignée homosexuelle, on n’est pas très convaincu mais si tu remplaces le scarabée par un unijambiste et qu’au lieu d’une araignée homosexuelle, tu mets un héron … » C’est selon ce que l’auteur a dans la tête que tu détermines toi, producteur, que c’est intéressant ou non de payer pour ça. Il y a une part de risques que tu limites à ta vision des choses. Si je crois en quelqu’un, je paye pour voir. Si je perds, c’est pas grave parce que j’y croyais.

 

Je sais que je vais mourir et que Dieu n’existe pas

 

ILTVSW. Vous avez souvent été les chercher sur le terrain de la comédie  …
Bruno Gaccio. Je suis personnellement profondément désespéré. Je sais que je vais mourir et je sais que Dieu n’existe pas. Ça fait deux paramètres un peu lourds. La comédie, c’est un point de vue. Je pourrais traiter les choses de façon dramatique ou intellectuelle mais je préfère les traiter en comédie parce que c’est mon point de vue. Mon travail consiste à apprendre à connaître quelqu’un, ce qu’il a en lui et, surtout, ce qu’il est capable de donner. Tu vas commencer à travailler autour d’un projet, ça dure quelques semaines et puis après, tu bois un verre. Tu demandes : « T’es marié ? Comment ça se passe ? Tu es désespéré ? Optimiste ? Pessimiste ? Qu’est-ce que tu penses de la politique ? Et ses blessures remontent. Ces blessures, elles disent la profondeur de quelqu’un et de ce qu’il est capable de te donner. Plus il va profond, plus il va te donner des choses profondes. Si c’est quelqu’un de totalement superficiel, il va te donner des choses superficielles, probablement des clichés. Il ne s’agit pas d’agiter les bras, ni de faire le malin. Tu as des gens authentiquement drôles et d’autres qui se forcent à l’être. Ça, tu le devines en discutant avec les gens.

ILTVSW. Finalement, il y a peu de séries singulières en France et de nombreux auteurs talentueux. Comment l’expliquez-vous ?
Bruno Gaccio. Il y a beaucoup de talent en France chez les auteurs, il y en a peu chez les producteurs. Je pense que nous ne manquons pas d’auteurs mais de producteurs. De producteurs capables d’être producteurs artistiques c’est-à-dire capables d’aider quelqu’un à accoucher. J’ai rencontré des gens capables de payer un auteur pour qu’il travaille mais qui sont incapables de se mettre à table avec lui. Picoler avec lui, fumer des clopes avec lui et lui dire « tu fais de la merde » et que l’auteur ne lui en veuille pas. Je ne suis pas le producteur sur Hard mais j’ai dit à Camille Pouzol, si tu travailles toute seule dans ton coin et que tu m’envoies des textes, cela ne marchera pas. Je vais mettre huit jours à écrire la note de lecture, tu vas mettre trois jours à pleurer et à réécrire, on va perdre un temps fou. Je lui ai dit : « Dès que tu écris un truc, tu viens au bureau, on travaille. Tu n’arrives pas à faire un truc, tu viens, tu as réussi un truc et tu le trouves bien, tu viens. Tu es tout le temps là ». Nous avons travaillé un an comme ça parce que je suis auteur et que je sais coacher des auteurs. Je sais tirer d’eux ce qu’ils ont de meilleur. Nous manquons de producteurs capables de faire ça.

Titre : Hard
Créatrice : Cathy Verney
Scénariste saison 3 : Camille Pouzol
Cast : Natacha Lindinger, François Vincentelli, Charlie Dupont, Stephan Wojtowicz, Fanny Sydney, Michèle Laroque.
Chaîne : Canal Plus

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La semaine prochaine dans ILTVSW … Oups, pas encore tranché, désolée.