Mon amour sans limites pour les séries devait bien finir par donner naissance à un bébé. Il s’agit d’un « presque » guide de développement personnel. Un objet littéraire non identifié.
Ces héros qui ratent leur vie pour que tu réussisses la tienne
Le 11 mars en librairie
My endless love for tv series had to become a book. It has.
Those heroes who screw up their life so that you can make it
March 11 in your on line bookstore
Résumé
Un chef psychopathe au bureau ? Un conseiller bancaire accro aux lettres de relance ? Une belle-mère qui envisage de se mettre à l’ecstasy ? Un pote serial lover dépressif ? Pour survivre à ça, il n’existe aucun mode d’emploi.
Heureusement pour nous, c’est le boulot des personnages de séries. Ils vivent nos cauchemars puissance mille. Et c’est pour ça qu’on les aime.
De Game of Thrones à Sex and The City en passant par Grey’s Anatomy, Marianne Levy, critique depuis quinze ans (c’est- à-dire scandaleusement rémunérée pour se vautrer sur un canapé et regarder la télé), s’adresse à ces héros qui nous veulent du bien.
Elle signe le premier livre de série-thérapie !
About the book
Dealing with a neurotic boss ? A bank advisor addicted angry emails ? A mother-in-law seriously considering ecstasy ? A depressed serial lover buddy ? Bad news ! There is no instruction manual to survive that.
Good news ! This is the job of the characters in our fav’ TV series. They live our nightmares of thousand times more intensely. And that’s why we love them.
From Game of Thrones to Sex and The City and Grey’s Anatomy, Marianne Levy (scandalously paid to live has a coach potato in front of her TV) writes letters to these heroes who only wish us the best.
Il arrive qu’une série ne soit que de la télé et c’est OK. Cela peut même être extrêmement divertissant. Et nous, les êtres humains, avons besoin d’être divertis pour oublier l’huile de palme dans le Nutella, le réchauffement climatique, les sondages politiques et/ou le vieillissement de Tom Cruise. Il arrive aussi qu’une série ne soit pas que de la télé. Mais une proposition profonde, intime et irrésistible. Car les gens sur le petit écran se débattent avec nos névroses à nous.
Au-delà des Murs créée par le talentueux duo Hervé Hadmar et Marc Herpoux, ce jeudi sur Arte, n’est pas que de la télé. Ses auteurs ont fait un pari extrêmement risqué. Une minisérie fantastique pour 2 millions d »euros et en 29 jours de tournage. Le résultat est étonnamment stylisé et puissant. Lisa une jeune célibataire dépressive hérite d’une vieille maison. Rapidement, elle entend des bruits au-delà des murs. Elle les suit et se perd dans un labyrinthe de couloirs. Elle devient rapidement prisonnière de la maison. Et nous aussi.
Car tout cela n’est qu’une métaphore pour illustrer la souffrance de son pauvre cerveau traumatisé par la disparition de sa soeur. Comment accepter de dire au revoir pour toujours à ceux que nous aimons profondément ? Comment nous libérer de la culpabilité et de la peine ? Des questions évidentes certes. Mais essentielles. Le cheminement de Lisa n’est pas juste de la télé. C’est de la vie qu’il s’agit.
Potentiel BFFF (Personnage préféré pour toute la vie): réel. Regarder : pour trembler, pleurer, aimer.
La semaine prochaine dans ILTVSW… Oups, pas encore tranché, désolée.
Titre/Title : Au-delà des Murs
Créateurs/Creators : Hervé Hadmar & Marc Herpoux avec Sylvie Chanteux
Maths : 1 saisons/season
Chaîne/Network : Arte
En France : 22 septembre à 20h55
Sometimes it is just TV and it’s OK. Just TV can be highly entertaining. And we human beings need to be entertained to forget the palm oil in the Nutella, the global warming, the political polls and/or Tom Cruise aging. But sometimes it is not just TV. It is a profound, intimate and overwhelming experience. Guys on the small screen are just dealing with our neurosis.
Beyond the walls by the talented French duet Hervé Hadmar and Marc Herpoux this week on Arte is not just TV. The creators made an highly risky bet. A fantastic miniseries for 2 millions euros and with 29 days of shooting. The result is amazingly stylized and powerful. Lisa a depressed single girl inherits an old house. Soon she ears noises from beyond the walls. She follows the noises and loses herself in a labyrinth of corridors. She becomes the prisoner of the house. And we too.
Because all of this is just a metaphor to illustrate her poor brain suffering from the loss of her young sister. How do we accept to say goodbye forever to those we deeply love ? And how can we free ourselves from the guilt and the pain ? These are obvious questions yet essential. Lisa’s journey is not just TV. It is life.
BFFF (Best fiction friend forever) potential: total. Watch to freak out, to cry, to love.
Next week in ILTVSW… Oops, not decided yet, sorry.
Toi, oui, toi de l’autre côté de l’écran. Je sais ce que tu penses. Et tus as raison. Je suis nulle en référencement. Exactement comme si je voulais m’assurer que mes êtres aimés les plus chers ne soient jamais en mesure de découvrir des « trucs » sur moi. Et, avec le titre de ma dernière rubrique, oui, je me sens en sécurité. Ils ne se rendront jamais compte que j’ai passé mon dimanche matin à t’écrire en prétendant que je travaillais… Commençons donc ce In the mood for mood.
Les dictons sont très pratiques pour un critique TV qui n’a juste aucune envie de s’étendre sur un sujet. Il nous suffit de fermer les yeux, comme un vieux sage de 107 ans et de murmurer : « Ouais, enfin, bon, quoi, rien de nouveau sous le soleil ». Le gars en face de nous n’y comprendra pas grand chose. Mais comme nous sommes des critiques (cad des humains payés pour regarder la télé avec du vrai argent et donc secrètement haïs par leur BFF qui veut lui aussi faire ce soi-disant boulot et donc culpabilise et donc dépense son vrai argent chaque semaine sur le divan d’un psy pour surmonter tout ça) le gars en face de nous fera comme s’il comprenait. Et murmurera ensuite tête de biiip derrière notre dos.
Les dictons peuvent aussi être exacts. En France, par exemple, on dit : après la pluie vient le beau temps. En d’autres termes, moins poétiques, qu’une situation merdique ne peut pas être éternelle. Une affirmation susceptible de provoquer de violentes réactions chez quelqu’un qui exerce ma profession. Car, il arrive, de temps en temps, que nous méritions le qualificatif de forever shit watchers. Ce qui est moins glamour. Mais bien meilleur pour notre vie sociale.
Alors, pardonnez-moi, les amis. 2016 a à peine débuté et il fait déjà un soleil magnifique. A tel point qu’il m’a fallu d’urgence créer cette nouvelle rubrique pour exprimer combien le boulot est excitant. Jusqu’à dimanche, je vais passer un temps fou à penser à Corneille. Car, aussi dingue que cela puisse paraître, je vais devoir choisir entre deux séries françaises le week-end prochain. Chacune d’entre elles méritant son post sur ILTVSW pour des raisons différentes.
La première Baron Noir, est la dernière création de Canal Plus. La première série politique française un peu sérieuse à mes yeux. Une immersion dans le combat d’un député pour revenir du milieu de nulle part électoral où une affaire financière l’a relégué. Vu d’Angleterre, cela peut n’avoir rien de nouveau mais de France, c’est follement excitant à la Borgen. Plus exactement comme si Borgen était sous l’influence de Dark Vador. Un paradis pour critique TV.
La seconde Trepalium, et son pitch audacieux, est née sur Arte. 80 % de chômeurs vivent derrière un mur dans la pauvreté totale et de l’autre côté, 20 % d’actifs s’accrochent à leur boulot à tout prix. Hantés par l’idée d’être relégués dans le camp des zonards. Avec sa réalisation très stylisée, c’était sans doute la série la plus attendue de la saison télé française. Si les trois premiers épisodes sont effectivement très intrigants, les trois derniers échouent à tenir la promesse. Mais l’ensemble donne tant à écrire et à questionner, que là aussi c’est le paradis.
Rendez-vous la semaine prochaine sur ILTVSW, j’aurai tranché ; )
Yes, you behind the screen, I know what you think. And you are right. I suck at SEO. Just as if I wanted to make sure that my closest loved ones would never be able to discover « stuff » about me. And with my latest column title, yes, I feel safe. They will never find out that I spent my Sunday morning with you pretending I was working… Anyway. So let’s start that in the mood for new thing.
Sayings are not only very convenient, you know, when you just don’t feel like doing the talking. Especially for TV critics. We can just close our eyes, wisely, like if we were 107 years old and say : « Yeah, same old same old. » The guy in front of us will not understand. But because we are critics (aka humans paid to watch TV with real money secretly hated by their BFF who want the so-called job and feel guilty about it and spend their real money each week on a shrink sofa trying to get over it) he will pretend he does and than whisper dickhead in our back.
Sayings are also sometimes true. In France, for example, we say that after the rain comes the sun. In others words that shit can’t be forever. A statement that can cause violent reactions from people like me. Because from time to time what we want to answer is that the truth is that we deserve to be called forever shit watchers. Which is less glamorous. But better for our social life.
Forgive me my friends. 2016 has just begun and it’s totally sunny. So sunny that I needed to create In the mood for mood to express how much the job was exciting. Next week is going to be very much about Corneille. Believe it or not I will have to choose between to French series. Both of them deserving its own post.
The first one is Baron Noir Canal Plus latest creation. A political series. A production that I consider to be the first serious French political TV show. The story of the fight of a congressman to comeback from the nowhere political land he is because of a financial case. View from Britain yes it seems same old same old but on French TV it is crazily exciting Borgen like. Except it is Dark Vadory Borgen like. Not perfect very interesting to watch and tons of things to analyze and write about. On French TV scale, a TV critic paradise.
The second one is Trepalium on Arte. And its audacious pitch. 80 % of the unemployed are living behind a wall in total poverty and on the other side 20 % of the guys who do have a job, try their best to keep it and to stay away from the losers who didn’t make it. Highly stylized the show was probably the most exciting promise of the whole French TV season. If the first three episodes are very intriguing the last three fail to keep the promise. But still there is so much to write about and to question that on French TV scale, it is a TV critic heaven.
See you next week in ILTVSW… I will have made up my mind ; )
Bruno Nahon, le producteur et Rodolphe Tissot, le réalisateur et directeur artistique de la série française Ainsi soient-ils ont accepté l’invitation de ILTVSW à l’occasion du retour de leur série pour une saison 2 sur Arte. Ils évoquent pour nous l’enjeu de la deuxième saison, sa résonance dans un monde où la religion occupe l’actualité quotidiennement, le travail effectué sur les huit nouveaux épisodes, l’écriture, la réalisation et la saison 3, dont le tournage a déjà débuté.
To my readers, exceptionally ILTVSW will only be French speaking this week. The french producer Bruno Nahon and the director Rodolphe Tissot both co creators of the show Ainsi soient-ils (Arte), exploring young men desire to become priests, are the guest stars of the blog today. But as soon as next week things will be back to normal meaning French & English.
ILTVSW. La saison 2 de votre série est diffusée alors que chaque jour, en ce moment, il est question de religion dans les journaux télévisés … Est-ce qu’à un moment donné lorsque l’on a pour matière un tel sujet, on se sent investit d’une forme de responsabilité? Bruno Nahon. Nous n’en parlons jamais entre nous. La religion est quelque chose de périphérique à notre processus de travail. Notre préoccupation est de faire une série, avoir des personnages, de créer des émotions, des choses dans le ventre … C’est la seule chose qui nous anime jour après jour. Nous avalons les sujets, nous les digérons. Notre seule obligation est de ne pas le faire comme la presse ou un documentaire pourrait le faire. Nous devons aborder la religion d’une façon originale et inattendue mais c’est tout. Rodolphe Tissot. Pour nous, les personnages sont vraiment devant le sujet. A aucun moment, nous n’avons pensé: « Ouh là là, la religion, c’est très important à notre époque !» On ferait la même série si on traitait, au hasard, du football américain (sourire) ou des compagnons de la boulangerie. On voudrait de la même manière être le plus juste possible, raconter le monde dans lequel on vit par le biais de ce sujet-là. Nous ne vivons pas comme un poids supplémentaire, l’église et la religion. Bien sûr, nous avons conscience que le sujet est porteur de questions plus profondes mais nous ne nous sentons pas écrasés par ça.
ILTVSW. La réalisation magnifie quand même le rite religieux, cela a forcément une forme d’impact sur la perception du téléspectateur. Si l’on prend l’exemple de Friday Night Lights, cela aurait pu être une série qui disait que le sport détruit les hommes mais non, c’est au contraire une série qui affirme que le sport grandit les hommes … Bruno Nahon. Ainsi soient-ils n’est pas une série contre les gens qui croient, contre les gens qui ont la foi, contre le Vatican. C’est une série qui raconte comment une croyance vit dans chacun de ceux qui s’en veulent les porte-paroles. Le royaume d’Emmanuel Carrère parle de cela avec un énorme succès, cela m’étonne que personne n’ait d’ailleurs fait le parallèle car on a un écrivain majeur de sa génération, l’un des deux ou trois meilleurs romanciers français aujourd’hui, qui prend comme objet l’étude la naissance du christianisme et ce qu’est profondément le catholicisme. Nous, cela fait déjà plusieurs années que l’on essaie de raconter cela. En posant la question: « Est-ce que c’est tenable? » Maintenant, effectivement, la sensibilité de Rodolphe est de montrer qu’il y a de la beauté là-dedans. Rodolphe Tissot. Quoi que je fasse, j’ai beaucoup d’empathie pour mes personnages. A partir de là, quand je filme une messe ou des personnages qui croient, j’y crois comme eux même si au fond de moi peut-être pas. Et j’essaye de le restituer. Sans essayer de convaincre. La série n’a pas du tout pour but le prosélytisme.
ILTVSW. Votre série relève donc totalement du domaine de l’intime? Bruno Nahon. Les personnages d’Ainsi Soient-ils, ils ont eu, et il faut l’accepter comme dans Lost ou Les Revenants, une révélation. Chacun a rencontré Dieu ou quelque chose de sacré. Ils ont reçu une révélation. Ce que l’on va tester nous, c’est à quel point cette révélation-là tient à l’épreuve du réel. Nous n’avons absolument pas mesuré ce qu’allait devenir le monde quand nous avons commencé à travailler en 2007. C’était éloigné du 11 septembre, il y avait à l’époque très peu de débats autour de la religion. La question de l’intégrisme était absente.
Rodolphe Tissot: « Nous n’avons aucun tabous »
ILTVSW. La saison 3, actuellement en tournage, intégrera-t-elle la montée des radicalismes religieux? Bruno Nahon. Nous bouclerons quelque chose là-dessus en saison 3. Mais, notre métier est un peu de nous mettre de côté, voire d’élever le débat. Il est urgent d’être paisible quand il s’agit de traiter ces questions-là qui sont brûlantes. Si l’on s’approche trop près, cela ne produit rien à part de blesser. Si l’on est à la bonne distance, on peut voir la lumière, la chaleur, la flamme et questionner ce que l’on est en train de voir. Face au tumulte ambiant, nous avons envie de montrer le côté lumineux des choses. Rodolphe Tissot. Nous n’avons aucun tabous sur tout ce qui peut concerner l’Eglise et la religion au sens large. Au fil des saisons, nous allons explorer de nouveaux sujets cela pourra être l’Islam, la confrontation à d’autres religions, le sexe, les problèmes financiers … Après, nous ne serons quand même jamais sur le terrain du mysticisme. Ce n’est pas une série qui demande : »Qu’est-ce que croire en Dieu? » et qui donne des réponses. Les gens qui voudraient trouver dans la série des éclairages sur le sujet ne les trouveront pas. Ainsi Soient-ils c’est la société, les hommes, l’humain. Ces gens croient en Dieu. Pourquoi ils y croient et est-ce que c’est bien, nous ne traitons pas cette question.
David Baiot (Emmanuel), Julien Bouanich (Yann), Clément Manuel (Guillaume), Samuel Jouy (José) et Clément Roussier (Raphaël)
ILTVSW. Comment avez-vous construit l’esthétique de la série? Rodolphe Tissot. J’ai une conviction : le comédien est le centre de l’esthétique. C’est ce que nous avons envie de faire passer dans la série, au-delà de l’image, de l’éclairage, des plans, de la caméra à l’épaule, le choix du comédien et la manière de le diriger, c’est 70% de l’esthétique. Il y a mille manière d’interpréter chaque dialogue, chaque personnage, chaque intention et une bonne partie de ce que l’on peut ressentir en regardant la série vient du choix des comédiens. Je ne dis pas que le reste est secondaire mais le plus important est là. Dans les séries qui nous plaisent, c’est la même chose. Avec d’autres comédiens et une autre manière de jouer, on pourrait emmener la série ailleurs. On pourrait faire des méchants, de vrais méchants, par exemple. Nous prêtons beaucoup de soin à cet aspect du travail avec Bruno. Ensuite, nous ne sommes pas dans une approche esthétique documentariste mais vraiment conscients que l’on fait une fiction et que l’on veut donner du plaisir aux téléspectateurs. Nous voulons raconter une histoire.
ILTVSW. Votre journée de travail sur le plateau à quoi ressemble-t-elle? Rodolphe Tissot. Je ne découpe pas ou très peu à l’avance. En revanche, et je pense que c’est une vraie différence avec beaucoup de réalisateurs de télévision, je connais les textes par coeur. Je les ai lu, relu, travaillé avec les auteurs. Je les ai annoté. J’ai passé mon temps à les relire. C’est pour cela que cela ne me pose aucun problème de crossboarder huit épisodes. Le temps que je ne passe pas à faire des story board, je le passe à digérer le texte. C’est-à-dire savoir exactement où on en est de l’histoire, qu’est que l’on raconte, pour ne pas avoir avoir à me replonger dans le scénario quand j’arrive sur le plateau.
ILTVSW. Une démarche qui commence pendant la préparation? Rodolphe Tissot. Oui, aussi en préparation. Combien de figurants? Combien d’enfants? Quelle musique? Comme je prépare beaucoup tout ça est digéré quand j’arrive sur la journée de tournage. Je découpe le matin même. Je viens tôt sur le décor. J’en ai besoin. J’ai éventuellement mes comédiens que j’arrache du maquillage pour venir avec moi. Je répète un peu la scène avec eux. Et là, je vois où il faut mettre la caméra pour essayer d’avoir quelque chose de chouette dans le temps qui nous est imparti. Il m’arrive d’avoir une idée assez précise alors je m’y tiens. Il arrive aussi que l’un des comédiens propose un truc et qu’il ait raison. Tout cela se fait le jour même. Pour mes tout premiers films, j’avais tout découpé à l’avance et j’ai arrêté car cette nouvelle méthode me correspond mieux. Cela oblige à réfléchir vite, à trouver les solutions rapidement mais j’aime bien. Je travaille avec Pénélope Pourriat ma chef opérateur. Cette méthode donne une forme de vérité.
Sur le tournage de la saison 1, la série s’appelait encore « Ministères »
ILTVSW. Vous êtes donc totalement immergé dans Ainsi soient-ils pendant votre tournage? Rodolphe Tissot. Je le dis souvent un peu en rigolant je dors Ainsi soient-ils, je mange Ainsi soient-ils (sourire). Bruno Nahon. Il faut savoir que Rodolphe et moi, on se réveille tôt le matin. Comme à peu près tous les gens sur cette planète, la première chose que je fais est d’allumer mon téléphone. Et, je reçois des mails de Rodolphe écrit souvent à six heures du matin. Je sais qu’il est déjà sur des questions ou des colères car des choses ne fonctionnent pas. Il est totalement habité par la série ce qui est la condition nécessaire à son succès. Ce n’est pas possible de prendre la responsabilité de livrer aux téléspectateurs huit épisodes saison après saison de cette série, si Rodolphe n’a pas un disque dur intérieur occupé par la série. Sur chaque séquence, il sait intimement ce qui se joue en terme de production, de jeu mais, surtout, en terme de sens. Et pour chacun des personnages présents dans la scène et dans la série. Dans chaque épisode, il y a une quarantaine de scènes. Cela signifie qu’il y a quarante sens à donner. A ne pas trahir. A encore jouer mieux. C’est phénoménal.
ILTVSW. Ainsi soient-ils est votre première série. Qu’avez-vous appris au terme de la première et comment commence-t-on la deuxième ou la troisième saison? Bruno Nahon. Il y a un truc qui continue à m’étonner quand on se réunit, c’est qu’on continue à s’engueuler. C’est pour moi un signe de bonne santé. Cela signifie qu’on est encore plus mobilisé sur la série qu’auparavant. Je ne sais pas si l’on pourra revivre cela. Il y a un alignement de planètes sur cette série entre nous quatre, la chaîne qui est exigeante mais nous fait une confiance totale, qui est fantastique. Plus des comédiens qui sont aussi de vraies rencontres amicales et fortes. Je développe même avec l’un d’entre eux qui veut passer à la réalisation le premier film. Nous nous sommes toujours demandés: « Qu’avons-nous raté? » et dit: « Il faut qu’on l’améliore ». La série s’est construite à la base de façon très très déployée, c’est une série horizontale. C’est un danger. Le danger, c’est l’éparpillement. Le manque de temps nécessaire pour approfondir. Dès que nous nous sommes mis sur la deuxième saison, nous avons choisi de travailler avec moins de personnages. Cela nous a permis d’aller creuser plus profond, de nous recentrer sur le séminaire et de tourner moins de scènes mais des scènes plus longues. Nous avons crée les conditions d’une amélioration sensible. Je pense qu’il y a une urgence à ralentir. Les téléspectateurs viennent avec nous dans ce pacte. Eux aussi ont besoin de ralentir. Internet est l’objet de l’accélération du temps mais la télévision et le cinéma peuvent, peut-être, à certains moments jouer ce rôle de ralentir. De remettre le téléspectateur dans une autre temporalité. Rodolphe Tissot. J’avais cette sensation, on l’avait tous les quatre avec David Elkaïm et Vincent Poymiro (les scénaristes, NDLR), qu’il y avait quelque chose d’un peu brouillon et de pas totalement maîtrisé surtout dans la deuxième partie de saison. Donc, nous avons travaillé là-dessus et je pense que la saison 2 y a gagné beaucoup. Notamment par un acte concret. J’ai vraiment insisté auprès des auteurs et auprès d’Arte pour qu’on ne commence pas à dialoguer le premier épisode tant que nous n’avions pas un premier séquencier du dernier épisode. Juste pour savoir où on allait et ce qu’on allait raconter. C’était quelque chose qui m’avait manqué en saison 1. Nous avions commencé à tourner avant de terminer d’écrire. Je pense que cette décision a aidé les auteurs et bonifié leur travail. Au lieu de faire quinze versions du premier épisode et de savoir vaguement ce qu’il y aurait dans le huitième, ils ont tout monté en parallèle. Que la saison 2 marche ou ne marche pas, il y a quelque chose qu’on ne peut pas lui enlever, c’est qu’elle est cohérente du début à la fin. Il y a quelque chose d’équilibré.
Le sexe, la crise, la mort … les thèmes de la saison 2
ILTVSW. Vous avez réalisé l’intégralité de la saison 2, c’est une une tendance que l’on voit s’affirmer même aux Etats-Unis comme récemment avec True Detective ou The Knick … Bruno Nahon. Quand on a commencé et confié la réalisation à Rodolphe, on s’est un peu moqué en nous disant: « Vous le faites à la franchouillarde ». Il y avait un truc pernicieux en France qui consistait à dire: « Le même mec ne peut pas tout faire, il va fatiguer ». Moralité, on ne se préoccupe pas des coutumes et de l’époque. On fait comme on le sent. Rodolphe Tissot. Je me sens capable de tout réaliser, cela ne me pose pas de problème. Je pense que huit épisodes c’est quand même un maximum. On me dirait il y en a douze, je ne sais pas si cela serait toujours possible. Cela dit, même si je ne suis pas du tout corporatiste « réalisateurs », surtout que j’écris aussi, il y a quand même eu à un moment un discours qui consistait à dire: « Les séries ce sont les scénaristes, les réalisateurs on s’en fout un peu, ils sont là pour tourner le truc ». Quand Ainsi soient-ils est sorti, ce discours était encore bien présent. Alors que je pense qu’une série c’est de l’écriture et de la réalisation.
Titre: Ainsi soient-ils Créateurs: David Elkaïm, Bruno Nahon, Vincent Poymiro et Rodolphe Tissot Scénaristes: David Elkaïm et Vincent Poymiro et avec Arthur Harari en co-écriture pour les épisodes 3 et 6 de la saison 2 Cast: Thierry Gimenez, Julien Bouanich, Samuel Jouy, Clément Manuel, Clément Roussier, Jacques Bonnafé, Jean-Luc Bideau, Yannick Renier, Corinne Masiero … Diffuseur: Arte chaque jeudi à 20h50 et sur Arte Replay
OMG (Oh. Mon. Dieu). C’est considérable. Je suis toute émue. Ce dimanche, je m’apprête à confesser une inclinaison peu commune. Dans la vraie vie, c’est toujours un truc horrible à faire. Mais, les gens, nous sommes sur Internet, je ne vous entendrai donc pas hurler: « P (biiiiip), elle a perdu la tête! » Allez, soyons audacieuse. Oui, je suis amoureuse. Encore. Mais, cette fois-ci, je me consume pour une mini-série française. Pour mes lecteurs étrangers, par française j’entends provenant de ce petit pays proche de Londres ou de Rome où des choses dingues arrivent un peu chaque jour ces temps-ci. C’est pour cette raison que P’tit Quinquin, du surnom du héros adolescent de la série, est considérable.
Son créateur, le cinéaste Bruno Dumont (récompensé à deux reprises au Festival de Cannes) explore la comédie pour la première fois de sa carrière. Peut-être parce qu’il a longtemps attendu, il ne s’est fixé aucune limites. Le résultat est hilarant bien que jamais vulgaire et délicieusement poétique. En racontant l’histoire de deux flics lancés sur les traces d’un tueur en série qui a décidé de placer les morceaux de ses victimes dans « le cul des vaches » il rend hommage aux rois de la comédie en noir et blanc. Ce qui signifie qu’un descendant de Buster Keaton & Charlie Chaplin a micro ouvert en prime time à la télévision française. Vous, les Américains, ne vous inquiétez pas, la série est diffusée sur Arte, une chaîne culturelle. L’équivalent cathodique de TheNew Yorker, presque.
La marque de fabrique de Bruno Dumont est qu’il n’aime pas engager des acteurs professionnels et qu’il aime poser sa caméra dans le Nord de la France. Avec P’tit Quinquin, c’est encore le cas. Même si, de temps en temps, la série rappelle étonnamment une autre heureuse surprise True Detective. Comme une version terroir & burlesque du travail de Nic Pizzolatto. Parce que vraiment, dès les premières minutes, on comprend et on se fout du fait que P’tit Quinquin n’est pas une série policière. L’enquête est bien le dernier des soucis de Bruno Dumont. Il utilise le genre pour attirer les foules. Et puis laisse finalement la magie opérer. Réécrivant de manière un peu folle sa série une nouvelle fois en salle de montage avec tous les petits trésors que ces primo acteurs lui ont offerts sur le plateau.
P’tit Quinquin pourrait n’être qu’un exercice de style. Ce n’est pas le cas. Sans être donneuse de leçons, elle dit beaucoup sur la médiocrité quotidienne et les préjugés. Des trucs un peu utiles en France, aujourd’hui.
Série made in France. Hilarante et touchante. Potentiel BFFF : total. À regarder pour aimer, pour sourire, pour pleurer, pour réfléchir.
Titre/title: P’tit Quinquin (2014)
Créateur/Creator: Bruno Dumont
Maths: 1 saison/season – 4 épisodes/episodes
Chaîne/Network: Arte
A partir du 18 septembre à 20h50
OMG. This is huge. I am so emotional. This Sunday I am about to confess an unusual kind of love. IRL it is never an easy thing to do. But, guys, we are on the Internet so I will not hear you yell: « What the F (biiiiip)? » So let’s be straightforward. Yes, I am in love. Again. But this time with a French mini series. By French I mean coming from this little country not far from London or Rome where things are getting crazy every day these days. That’s why P’tit Quinquin, from the nickname of the teen hero of the show, is huge.
Its creator the filmmaker Bruno Dumont (twice awarded at the Cannes Film Festival) is exploring comedy for the first time of his career. Maybe because he has waited so long he has decided not to limit himself. The result is hilarious though never vulgar and exquisitely poetic. Telling the story of two cops chasing a serial killer who places pieces of his victims bodies in « the bottom (literally) of cows » he is paying tribute to black and white and silent comedy kings. Which means that a descendant of Buster Keaton & Charlie Chaplin has an open mike prime time on French TV. You, Americans, do not worry, it’s aired on Arte a cultural channel. The equivalent of The New Yorker, kinda.
Bruno Dumont’s trademark is that he doesn’t like to hire professional actors and that he likes to set his fictions in the North of France. Once again he did so with P’tit Quinquin which from time to time amazingly remembers True Detective. A French terroir and funny version of Nic Pizzolatto’s show. Because really after a few minutes, you both understand and don’t care that P’tit Quinquin is not a cop show. Bruno Dumont doesn’t give a damn about the investigation. He just uses the genre to attract the crowds. And to let the magic happen. Crazily writing his show again in the editing room with all the little treasures his first time actors gave him on the set.
P’tit Quinquin could only have been a stylistic exercise. It is not. Without being preachy it says a lot about prejudices and every day mediocrity. Useful stuff France can use these days.
Made in France TV show. Hilarious and powerful. BFFF potential : total. To watch to love, to laugh, to smile, to think, to cry.