Archive | mars, 2015

ILTVSW guest stars: Marc Herpoux et Hervé Hadmar, les co-créateurs des Témoins

22 Mar

FRA/ENGLISH

Marc Herpoux et Hervé Hadmar, co-créateurs de la série Les Témoins, ont accepté l’invitation de ILTVSW à l’occasion de son lancement sur France 2. De la naissance de leur dernier projet, à leur regard sur le travail, en passant par leur héroïne féminine jusqu’à la réalité de la création en France aujourd’hui, ils se livrent dans une interview franche et fleuve.

To my readers, exceptionally ILTVSW will only be French speaking this week. The French creators Marc Herpoux et Hervé Hadmar, of the TV show Les Témoins, (France 2) a cop procedural thriller questioning the principle of the ideal family, are the guest stars of the blog today. But as soon as next week things will be back to normal meaning French & English.

ILTVSW. Vous êtes aujourd’hui des auteurs reconnus à la fois par la critique et le public sériephile. Une série Hadmar-Herpoux n’est donc plus une surprise, c’est un événement. Comment travaille-t-on quand tout le monde vous attend ?
Marc Herpoux. La préoccupation première est de ne pas se répéter. Avec Les Oubliées et Signature nous étions allés vers ce que nous savions faire. C’est-à-dire une proposition contemplative. Nous partageons tous les deux le goût pour les atmosphères, les climats, la plongée dans la tête d’un personnage puis son exploration. D’abord, je ne sais pas si on nous laisserait encore faire ce type de travail. Par ailleurs, nous n’avons pas envie de nous répéter comme certains auteurs qui au bout du quatrième, cinquième ou sixième film continuent à ne faire que ce qu’ils maîtrisent. Nous avons envie de nous mettre en danger. De nous créer des challenges. Avec Les Témoins le challenge était d’aller vers un genre plus populaire tout en restant dans notre univers que je définirais par le conte. Nous n’irons jamais vers des choses hyper réalistes car cela ne nous ressemblerait plus.
Hervé Hadmar. Nous essayons de surprendre à chaque fois. Nous ne sommes jamais tout à fait là où l’on nous attend. Avec Pigalle, on devient un vrai duo. La série est un succès public et un succès critique. Vient ensuite Signature. Énormément de gens s’attendaient à la suite de Pigalle. Or nous n’avons pas refait un Pigalle qui se passerait à Montparnasse ou à Belleville, ou une autre série chorale sur un ton qui pourrait mélanger le drame et la comédie. Nous sommes allés vers un truc hyper contemplatif. Certains ont détesté. D’autres ont adoré. Avec Les Témoins, les gens attendaient un Les Oubliées bis au pays de Signature. Nous nous avons décidé d’aller ailleurs. Dès le départ nous avons demandé à France 2 si elle était d’accord pour que nous fassions une série qui partait du procédural pour entrer petit à petit dans notre univers.

 

Aujourd’hui en France, on ne peut pas créer si l’on va contre le système

 

ILTVSW. La chaîne ne vous a jamais demandé de ne pas refaire Signature c’est-à-dire une série d’auteur forcément plus clivante car par nature une série de niche. Ce discours n’existe pas chez les décideurs à la TV française aujourd’hui ?
H.H. Il faut jouer avec le système. Ce qui est vrai, c’est qu’aujourd’hui en France, tu ne peux pas créer si tu vas contre le système. Voilà. Il faut y rentrer et le détourner. Mais en conscience des uns et des autres. Il ne s’agit pas de faire contre France 2. On a fait avec France 2. Dans l’écriture, dans le montage … Et, eux aussi, ils ont fait un bout de chemin. Ils ont accepté ce pitch qui n’est quand même pas évident pour France Télévisions : des corps qu’on déterre et que l’on installe dans des maisons témoins. Ce n’était pas évident. On peut créer si on les respecte. Et moi, je respecte les gens qui mettent beaucoup d’argent pour faire des séries. Ce n’est pas une phrase en l’air. Nous sommes pas arrivés en disant que nous voulions refaire Signature car nous savions qu’ils n’accepteraient pas. Depuis longtemps à la vision de certaines séries procédurales et des films de David Fincher comme The Girl with the Dragon Tattoo ou Zodiac, j’avais envie de faire une série très dialoguée. Une série avec des phrases qui résument très bien l’enquête policière. La volonté était de respecter tout à fait les code du procédural, d’aller vers le grand public, de le prendre par la main et de glisser petit à petit. Un processus de glissement que l’on met en pratique depuis Les Oubliées, finalement.

ILTVSW. Pour la première fois, vous avez développé un double personnage principal. Il y a une égalité parfaite entre Sandra et Paul. Pourquoi avoir fait ce choix ? Et qu’elles ont été ses conséquences sur votre travail ?
M.H. Ce n’est pas venu tout de suite. Au départ, n’existait que le personnage de Paul. Mais, chassez le naturel, il revient au galop, à force d’être au plus près de lui, nous avons commencé à reproduire ce que nous avions déjà fait. Sandra existait mais elle était un personnage secondaire. Après six ou huit mois d’écriture, nous nous sommes faits violence, nous sommes repartis dans une autre direction.
H.H. Nous étions dans la tête de Paul Maisonneuve. Le danger aurait été de foncer là-dedans et de retomber dans les mêmes pièges. A un moment donné, la chaîne nous aurait certainement demandé de rendre moins noir ce personnage. Du coup, la solution a été de changer le point de vue. Les sources de ce projet sont des séries comme The Killing, Bron, The Fall

 

© France 2

 

ILTVSW. Et vos références pour construire Sandra, l’héroïne féminine ?
H.H. Carrie Mathison de Homeland parce qu’elle est en guerre avec tout le monde. J’aime bien les personnages qui sont en guerre avec tout le monde. Et ça va être plus visible et lisible dans la saison 2 pour laquelle nous sommes en pleine écriture.
M.H. Sarah Lund parce que sa vie de flic finit par empiéter sur sa vie privée et, du coup, c’est un personnage qui a de plus en plus de mal à s’intégrer socialement. C’est ce que l’on retrouve aussi dans Homeland mais autrement.

ILTVSW. L’existence de Sandra est quand même très conforme à l’idée que tout le monde se fait de la vie d’une femme …
H.H. Je ne trouve pas que les problèmes conjugaux soient ce qui caractérise le plus Sandra. C’est vrai qu’on a déjà vu ça un milliard de fois. Nous lui avons apporté ses peurs et ses souffrances d’enfance. La question que vous posez est le sujet, le vrai sujet. Quel regard porte-t-elle sur son rôle d’épouse, de mère, de femme et sur sa famille. Au fond la question que pose la série est : est-ce que la famille idéale existe ? Sandra a l’impression qu’elle a une famille idéale. Elle se comporte dans un stéréotype totalement assumé de sa part de femme qui met des talons hauts pour être une flic, de femme qui fait le ménage chez elle jusqu’à l’obsession pour avoir un intérieur idéal. Elle a le fantasme de penser qu’elle est une femme idéale, une épouse idéale qui a un mari idéal et une petite fille idéale. Ce n’est pas du tout le cas. Cela commence à se craqueler dans la première  saison et cela va exploser dans la deuxième.
M.H. Au départ quand on écrivait avec le point de vue de Paul Maisonneuve, on s’éloignait totalement de ce qui était la normalité. Or le principe était de questionner la normalité à travers la famille puisque c’était ça, la thématique de la série. Mais avec Paul, on avait un personnage qui était déjà hors du temps, hors du monde, sans famille, qui posait un regard extérieur sur le sujet. Cela ne collait pas. On allait dans une forme de folie. Donc, nous avons choisi Sandra, un personnage plus normal. Oui, on peut dire c’est un personnage un peu plus France 2 car elle est normale au sens de la norme. Elle répond à la norme. Nous avons voulu craqueler la norme et l’obliger à la questionner. On ne peut donc pas dire que France 2, nous aurait ramené à la norme car la chaîne a accepté notre démarche.

 

Marie Dominer dans Les Témoins © France 2

 

ILTVSW. Les Témoins se caractérisent par l’abondance de dialogues très didactiques qui vampirisent la poésie de la série …
H.H. En conscience, nous nous sommes dits qu’il fallait que le début de l’épisode 3, donc le début de la deuxième soirée, soit comme une répétition du début de l’épisode 1 car 30% des gens n’auraient pas vu les deux premiers. Il fallait donc faire un résumé de l’enquête. Nous avons écrit dix minutes pour que ces nouveaux téléspectateurs puissent apprécier la série.
M.H. Cela a été voulu par nous et non demandé par la chaîne. Il y a même des moments où nous avons dû insister pour conserver ces dialogues. Nous n’avons pas travaillé en nous demandant: « Voyons voir comment font Les experts ou NCIS ? ». Dès le départ, nous avons construit une intrigue complexe pour aller l’encontre de ce que nous avions fait avec Les Oubliées qui racontait une enquête qui piétine car son personnage principal est un type qui va devenir fou pour résoudre l’affaire. Avec Les Témoins, notre grande peur était que le spectateur se perde dans une enquête très compliquée qui devient même assez barrée à partir des épisodes 3 et 4. Nous avons fait le choix de ne pas perdre le téléspectateur et c’était une promesse que nous avions faites à France 2 comme à nous-mêmes. Nous avons donc décidé de nous débarrasser de toutes les questions dans les dialogues.

ILTVSW. Avec les contraintes propres au procédural, ne vous êtes vous jamais sentis à l’étroit dans six épisodes?
M.H. A un moment, c’est venu très très tard, nous nous sommes dits que l’enquête avait un petit peu bouffé les personnages. Cela dit, nous n’avons pas fait une série parfaite. On va même aller au bout de ce raisonnement. Moi, j’ai des remarques à faire sur toutes mes séries. Dans Les Oubliées chaque épisode n’était pas assez bien locké. Pigalle n’était pas parfaite non plus. Et là, pour le coup, Canal Plus a sa part de responsabilité et quand une chaîne a sa part de responsabilité, je le dis. Comme par hasard, c’est Canal la chaîne des auteurs qui a sa part de responsabilité et pas France 2 la chaîne publique qui, dit-on, censure tout le monde … J’aime bien aller à contre-courant des idées reçues et je fais ici appel à du vécu. Pigalle était au départ une série chorale. Elle est devenue un thriller dans lequel un frère cherche sa sœur. Cette évolution a été voulue par Canal Plus et cela me fait chier car c’est déséquilibré et cela ne fonctionne pas. Sur Signature, il y a aussi un déséquilibre dans la relation entre deux personnages Daphné et Toman. Pour le coup, là, c’est de notre faute.
H.H. Pour la saison 2 des Témoins ont essaye de mieux équilibrer les personnages versus l’enquête. Cela sera léger. Par moment, je suis frustré par la saison 1 car il manque deux, trois, quatre scènes qui sortent de l’enquête et nous permettent de mieux rentrer au cœur des personnages.
M.H. D’ailleurs, on aimerait aller vers huit épisodes si France 2 l’accepte. Cela nous permettra d’avoir une enquête plus complexe encore.
H.H. Cela dit,  je pense qu’en six épisodes, on a tout a fait le temps de faire une série procédurale qui développe de très beaux personnages. A aucun moment, nous ne sommes allés voir la chaîne pour savoir si nous ne pouvions pas faire huit épisodes. Je pense qu’on y est arrivé avec Les Témoins. Maintenant, est-ce que nous aurions pu mieux faire ? Oui sans doute. Au montage, on réalise qu’il n’y a peut-être pas assez de petits moments de vie car le scénario était hyper dense parce que nous voulions une narration basée sur les rebondissements. Cela dit, paradoxalement, c’est la série ce qui se vend partout.

 

Une forme est censurée sur toutes les chaînes françaises, c’est le minimalisme

 

ILTVSW. La réalisation semble plus libre que l’écriture …
H.H. Nous n’avons pas été plus bridés sur l’écriture que sur la réalisation. A aucun moment, nous n’avons fait de concessions. Je n’ai jamais ressenti sur aucune de mes séries un interventionnisme sur la réalisation. Nous nous positionnons comme showrunners donc c’est très clair dès le départ, personne ne vient m’emmerder dans la salle de montage. Cela dit, Les Témoins sont très bien réalisés mais je ne révolutionne rien. Je pense que la télévision française a besoin de direction artistique. C’est un poste qui n’existe pas en France. C’est pourtant un rôle primordial qui permet d’arriver à une direction artistique globale. Mais il faut qu’un artiste s’en charge pas un producteur.
M.H. Je voudrais ajouter qu’il y a une forme aujourd’hui à la télé qui est censurée sur à peu près toutes les chaînes y compris Arte, c’est le minimalisme. Il est impossible de vendre une série comme Rectify en France. C’est important parce que cela implique un certain ton, une certaine couleur qui fait partie de la mise en scène qu’il est impossible de développer en France. Je dirais que, même dans des séries à personnages, quand tu commences à t’installer pendant 3 ou 4 minutes, cela déplaît immédiatement aux conseillers de programme qui ont la sensation que les gens vont zapper.

ILTVSW. La fameuse peur du vide …
H.H. L’un des plus grands problèmes de la télévision aujourd’hui, c’est la peur du silence. Or pour mieux entendre un bruit, il faut qu’il soit précédé par du silence. Au fond, c’est la peur du vide.
M.H. C’est un problème propre à notre culture commerciale. Prenons la musique par exemple, on est dans du bruit tout le temps. Dans les comédies commerciales, il faut que cela rie toutes les trois minutes. On ne pourrait plus faire du Tati aujourd’hui. A la télé, il y a malheureusement très peu de choses non commerciales aujourd’hui. C’est du bruit, du bruit, du bruit …
H.H. Au début des Témoins, nous nous sommes dits qu’au lieu de travailler le vide, nous allions le remplir. Et la question était évidemment de savoir jusqu’où nous pouvions le remplir dans notre univers à nous sans le trahir.

ILTVSW. Vous vous êtes donc mis au procédural pour la première fois, vous êtes vous fait peur ?
H.H. C’est dangereux. Bien sûr que l’on s’est fait peur. La première fois que j’ai vu le premier montage de la série, je l’ai trouvé nul à chier. Je n’aimais pas du tout les dix premières minutes. On a tout recommencé car c’était justement encore plus efficace.
M.H. Même quelqu’un d’aussi talentueux que Eric Demarsan a été obligé de repenser la musique tellement c’était décalé.
H.H. Eric avait écrit une musique comme d’habitude c’est-à-dire comme sur Signature ou Pigalle sur scénario. Nous avons enregistré avec un orchestre et lorsque nous avons posé la musique au montage, cela n’a pas marché. Il y avait deux temporalité différentes. Eric avait continué d’écrire dans notre espace temps à nous alors que nous, nous avions glissé dans un autre. Donc, il a fallu recomposer toute la musique et j’ai un producteur qui a accepté de le faire.

 

Sami Bouajila dans Signature © France 2

 

ILTVSW. Cette prise de conscience que vous êtes à côté de votre série, comment se passe-t-elle ?
H.H. Je ne me reconnais pas assez. C’est trop mécanique. On parle ici de demie secondes par plan. Mais cela change tout. Nous avons mis énormément de temps à régler le premier épisode. Il fallait qu’il soit le plus efficace possible mais qu’il y ait résolument des traces de notre univers. Je pense à la fin du premier épisode et l’apparition du petit chaperon rouge, notamment. Cela a été très compliqué à faire. Quand on regarde la série l’espace temps du sixième épisode n’a rien à voir avec celui du premier. Il fallait anticiper cela. Je pense d’ailleurs que les deux derniers épisodes auront beaucoup moins de succès que les quatre premiers. Mais c’est voulu, c’est assumé. Nous avions envie de cette progression.
M.H. Quand on parle de mise en scène ou de scénario, on renvoie souvent à la dimension picturale et littéraire. Et, en fait, je pense que ce qui fait le lien entre le métier de scénariste et celui de metteur en scène, c’est la musique. Je pense que l’art qui se rapproche le plus du travail de quelqu’un qui fait du cinéma, c’est la musique parce que la création audiovisuelle est un art du temps. Contrairement à la peinture ou la littérature, nous sommes prisonniers du temps. Un lecteur lit en fonction de son rythme. On peut rester deux secondes ou une heure devant un tableau. La musique et le cinéma contraignent le spectateur. C’est d’ailleurs bien pour cela que les chaînes ont si peur du silence et du minimalisme. Elles sont effrayées par les temps faibles, le vide. Le surréalisme par petites touches, ça passe parce que cela permet au téléspectateur de rêver même si l’on ne peut pas faire du Lynch.

ILTVSW. Le rôle d’une chaîne publique n’est-il pas aussi de défendre l’importance culturelle de savoir s’arrêter?
M.H. Évidemment. Bien sûr. C’est dommage qu’ils ne le fassent pas. Je ne suis pas dans l’angélisme.
H.H. Si cela pouvait exister à la télévision française, ça devrait exister d’abord sur le service public. C’est que nous avions modestement essayé de faire avec Signature.
M.H. Comme avec Les Oubliées et ils nous avaient autorisé à le faire … Cela a correspondu à un moment. Aujourd’hui, ce n’est pas l’air du temps. Il y a des peurs, de crispations politiques. Quand tout le monde a peur, plus personne ne prend de risques.
H.H. La musique est ma vraie passion. Je me suis remis aux vinyles. L’année dernière, j’en achète un parce que la pochette me plaisait. Je l’écoute et il devient l’un de mes disques préférés. A tel point que je décide six mois plus tard de me l’acheter en mp3. Je l’écoute et je m’aperçois que depuis six mois, je me trompe de vitesse. C’est un 45 tours que j’écoute en 33 donc c’est très lent, il y a des silences. Et je réalise que c’est cela qui me plait. A la vitesse normale, c’est nul. C’est drôle, non?

 

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Thierry Lhermitte dans Les Témoins © France 2

 

ILTVSW. Est ce que cette obsession pour le bruit que cristallise la télé n’illustre pas le temps de penser que l’on ne nous laisse plus ? Penser serait considéré comme inutile voire dangereux ?
M.H. Ce n’est pas moi qui vais dire le contraire.
H.H. Moi, je pense que c’est moins organisé que cela mais le résultat est le même. Nous sommes dans une société qui devient folle. Quand quelqu’un t’envoie un mail, si tu n’as pas répondu dans la demi-heure, c’est le drame. Dans les bureaux où j’écris, je n’ai même pas Internet sinon je deviens fou. La narration, la fabrication des séries est devenue comme celles des films dans lesquels il y a une accélération sans fin des effets spéciaux, des explosions, de trucs, des machins mais dans lesquels on ne développe plus les personnages. Jusqu’où va-t-on aller ? Évidemment que c’est problématique.

ILTVSW. Cela signifie que pour arriver à créer aujourd’hui en France il faut l’accepter?
M.H. C’est compliqué, c’est une guerre. C’est une vraie question.
H.H. Non, il y a plein de gens qui ne l’acceptent pas. C’est possible en peinture, en musique avec les home studios, en sculpture. Tu peux faire de très belles bandes dessinées et, sans doute, écrire des romans, aussi. Une série coûte huit à dix millions d’euros et elle est acheté par des gens qui, en gros, te sortent des études, c’est évidemment compliqué. J’aimerais beaucoup que le service public permette davantage ce type de projets mais on est quand même dans un système qui permet de temps en temps de faire des choses. Faut-il s’en contenter ? Non. Il faut évidemment se battre pour améliorer la situation. Malgré la suppression de la publicité, les décideurs restent conditionnés par l’audience. C’est de l’argent public et ils considèrent qu’il doit servir le plus grand nombre. C’est leur logique.

Titre: Les Témoins
Créateurs: Marc Herpoux et Hervé Hadmar
Cast: Marie Dompnier, Catherine Mouchet, Roxane Duran, Thierry Lhermitte, Laurent Lucas, Mehdi Nebbou, Jan Hammenecker.
Diffuseur: France 2

© 2015 ILTVSW – La reproduction partielle ou entière de cet entretien n’est pas légale sans l’accord préalable de ILTVSW.

La semaine prochaine dans ILTVSW … Oups, pas encore tranché, désolée.

ILTVSW pilot crush : Bloodline

15 Mar

FRA/ENGLISH

Certains affirment que les auteurs racontent toujours la même histoire. Obsédés par l’obsession de leur vie. La série Bloodline, lancée par Netflix le 20 mars, ne fournira pas d’argument à ceux qui pensent le contraire. Les frères Kessler et leur vieux complice d’écriture Daniel Zelman se demandent une nouvelle fois dans leur série : qui est le coupable ? en entraînant le téléspectateur dans un thriller à la temporalité explosée. Comme dans Damages, il y aura du sang, beaucoup de secrets … et vous et moi, nous demandant constamment : « Attends, elle a fait ça ? » « Non, c’est pas possible, pas lui, pas ça ! » À cause des bonds dans le temps qu’ils utilisent de nouveau pour raconter leur histoire. Mais, cette fois-ci, leur arène n’est pas un cabinet d’avocat, leur arène est la famille. Une famille. Les Rayburn.

Certains ne le disent pas mais le pensent très fort, nous, les téléspectateurs regardons encore et toujours les mêmes histoires. Obsédés par les enjeux universels que sont l’amour, la haine, la confiance, la trahison. Et le coach Taylor. C’est ce qui a probablement décidé les créateurs de la série à offrir à Kyle Chandler le rôle de John Rayburn. Shérif local et fils bien-aimé d’une famille qui possède un bout de paradis dans les Keys, en Floride. Dès les premiers instants, sa voix, au timbre chaleureusement caractéristique, nous donne l’agréable sensation, et l’espoir fou, de voir Mr T revenir. Les auteurs, ces coquins, ont rendu John Rayburn très semblable. Enfin, presque. Enfin, pas tout à fait. Trop tard, on est piégé !

En fait, John Rayburn serait plutôt un cousin de Eric Taylor. Le même genre de gars qui prend bien soin de sa famille. Mais comme sa famille doit faire face à des problèmes qui rappellent une autre partie du Texas, Dallas plus que Dillon, le couz’ prend finalement de mauvaises décisions. Comme si dans le monde des Kessler/Zelman un brave homme ne pouvait pas demeurer fidèle à sa ligne de conduite. Malgré son motto : Clear eyes, Full hearts, Can’t lose.

Et nous, nous plongeons dans Bloodline pour les mêmes raisons que nous regardions Friday Night Lights. La série nous rappelle combien nous ne sommes rien sans les autres. Mais adopte, pour le faire, un point de vue sombre. En nous montrant ce qui arrive quand une communauté est dysfonctionnelle. Les Rayburn peuvent bien vivre sur une île magnifique. Ils peuvent bien avoir beaucoup plus que Tami et Eric Taylor. Mais leur bout de paradis est pourri de l’intérieur. Il est aisé de deviner que ça n’a pas dû rigoler beaucoup à la table du dîner. Et que les amis des enfants n’étaient pas franchement bienvenus. Sombre endroit que le foyer des Rayburn.

Alors qu’il était extrêmement divertissant de regarder la brillante et folle avocate Patty Hewes détruire ses adversaires dans Damages, j’ai le sentiment que mon crush ne pourrait n’être que furtif pour Bloodline. Dans le monde fou d’aujourd’hui, la famille est l’ultime refuge. Et les personnages dans Bloodline, ressemblent tellement à cette part de nous-mêmes que nous n’aimons pas et passons notre temps à combattre qu’ils ne nous offrent pas la distance distrayante que nous procuraient le méchant JR ou la naïve Sue Ellen. Ils sont si basiquement faibles, médiocres ou bousillés qu’on ne peut pas exclure qu’ils fassent naître, chez certains d’entre nous, une énorme envie de (re) commencer FNL.

La semaine prochaine sur ILTVSW … Oups, pas encore tranché, désolée.

 

© Netflix

© Netflix

 

Titre/Title : Bloodline
Créateurs/Creators : Glenn Kessler, Todd Kessler, Daniel Zelman
Cast : Kyle Chandler, Ben Mendelsohn, Linda Cardellini, Sam Shepard, Sissy Spacek, Chloë Sevigny.
Maths : 1 saison/season
Chaîne/Network : Netflix

They say writers keep telling the same story over and over again. Obsessed by their lifetime’s obsession. Bloodline, debuting March 20 on Netflix, will not prove wrong those who think that way. The Kessler brothers with their longtime writing buddy Daniel Zelman are doing a whodunit back and forth thriller again. Like in their previous show Damages there will be blood, a lot of secrets and you and me constantly wondering : « Wait, she did that ? » « No, come on, he did not ! » Because of the flash forward mode of story telling they are using again. But this time their arena is not the workplace. Their arena is the family. A family. The Rayburn family.

They don’t say but they know that, we, viewers keep watching the same stories over and over again. Obsessed by universal issues such as love, hate, trust, betrayal. And coach Taylor. That’s probably what led the creators to cast Kyle Chandler for the part of John Rayburn. Local sheriff and beloved son of a family that owns a piece of paradise in the Florida keys. From the very beginning of the show, we have the comfort feeling, and the foolish hope, that we are going to get the chance to spend time again with mister T. The writers have made John Rayburn very much coach Taylor-ish. Almost. Not really. Too late, we are hooked.

In fact, John Rayburn is more of a cousin of Eric Taylor. The same type of guy who takes good care of his family. But because of family’s issues that remind us of another part of Texas, Dallas much more than Dillon, he finally makes wrong decisions. Just as if in the Kessler/Zelman’s world a good man couldn’t win not even when he has clear eyes, a full heart and is convinced that he can’t lose.

And we watch Bloodline for the exact same reason we watched Friday Night Lights. It reminds us how important it is to count on each other. But it does it in a dark way. Showing us what happens when the community is dysfunctional. The Rayburn may live on a beautiful island. They may have a lot more money than Eric and Tami Taylor. But their piece of paradise is rotten from the inside. We can easily guess that there were no happy family dinners when the siblings were kids. The door wasn’t probably open to their friends. The Rayburn household was a dark place.

As much as it was fun to follow crazy and brilliant Patty Hewes, the devilish lawyer, destroying her opponents in Damages, we have the feeling that our crush may not last for Bloodline. In our messy world, family is the ultimate shelter. And the characters of Bloodline look so much like the parts of us that we don’t like and keep fighting, meaning no one in the show is JR bad or Sue Ellen naive but just regular weak and mediocre or fucked up, that some of us might just prefer to watch FNL all over again.

Next week in ILTVSW … Oops, not decided yet, sorry.

ILTVSW pilot crush : American Crime

8 Mar

FRA/ENGLISH

Un pilote formidable, au fait, c’est quoi ? Il y a deux réponses à cette question. Si la série est ce que l’on appelle en France une série d’auteur, référence directe au cinéma du même nom, il s’agira d’un épisode, diffusé sur une chaîne du câble, explorant une nouvelle manière d’écrire ou de mettre en scène au service d’une prémisse pointue souvent perturbante et toujours singulière. Une proposition artistique radicale miroir du passé de son créateur. Combien d’années Matthew Weiner est-il resté en tête à tête avec Don Draper avant de se voir offrir la possibilité de lui donner vie et combien de saisons a-t-il passées depuis en sa compagnie ? Mais un pilote formidable peut aussi être un épisode dans lequel l’ego de l’auteur n’est pas central. Un objet moins intime pour lui dans lequel seul le sujet est la star, sans feux d’artifices, sans glamour, ni coquetteries d’écriture.

American Crime, qui débute mardi en France sur Canal Plus Séries, appartient à la seconde catégorie. Cela ne signifie pas qu’elle n’a pas d’objectif créatif. John Ridley, son auteur, Oscar de la meilleure adaptation pour le scénario de 12 years a slave, a au contraire beaucoup à exprimer. Il a décidé de nous transporter au cœur d’un crime américain. Un crime dont la victime est blanche et dont les suspects ne le sont pas. Autrement dit, de l’examiner au travers du prisme racial. Ce n’est pas au crime que s’intéresse Ridley. Son anthologie ne zoomera donc pas sur le point de vue des flics ou des avocats. Ce qui passionne Ridley, c’est l’onde de choc qui va frapper ceux dont la vie va changer à jamais. Les proches de la victime. Les proches des suspects. La communauté à laquelle ils appartiennent.

Une bombe à retardement psychologique et sociétale 

Dès la première minute, American Crime opère comme une bombe à retardement psychologique et sociétale. Un parti pris finement souligné par des acteurs qui font un travail tout en retenue sur l’émotion forcément hystérique qui submerge les personnages qu’ils incarnent. Comment résister à une pareille pression ? Peut-on échapper au poids des préjugés ? Et la race ? Et la religion ? Et les classes ? Trois mots très chargés aux États-Unis.

Pour essayer d’explorer ces enjeux, la série se concentre sur l’infiniment petit. On a alors l’intuition qu’American Crime a l’ambition de parler des États-Unis d’aujourd’hui en posant une question à la fois fondamentale et culottée : est-il possible de vivre ensemble ? « Cela a été passionnant pour moi d’essayer de créer une série sur la foi, dit John Ridley dans une interview accordée à Variety. La foi dans les systèmes, la foi dans la religion, la foi dans l’autre ».

Vue d’ici, American Crime nous rappelle tristement que ce n’est pas demain, ni après-demain, que nous pourrons regarder une série française comme celle-là sur une chaîne généraliste. Les diffuseurs, qui savent mieux que personne ce qui est bon pour nous, ont décidé que nous n’apprécierions pas de nous plonger dans une série qui questionne notre société et les challenges qu’elle affronte. C’est vrai, comme si nous en avions besoin …

La semaine prochaine sur ILTVSW … Oups, pas encore tranché, désolée.

 

© ABC

 

Titre/Title : American Crime
Créateur/Creator : John Ridley
Cast : Felicity Huffman, Timothy Hutton, Penelope Ann Miller, W. Earl Brown, Benito Martinez, Caitlin Gerard, Regina King.
Chaîne/Network : ABC, Canal Plus Séries (France)

What is a great pilot ? Basically there are two answers to that question. If the show is what we would call in France an author show linking TV to the author movie tradition, it’s going to be an episode exploring new ways of writing and/or directing with an edgy or disturbing but always unique premise. Often radical TV, it says a lot about the creator personal backgrounds. Those are mainly cable shows. Think of how long Matthew Weiner lived with Don Draper before actually be given the possibility of bringing him to life and how many years he has spent with him since … 

But a great pilot can also be an episode where the writer ego is not central. A far less intimate matter. An episode where the subject is the star without the fireworks, the glam or the show off of its writing. American Crime belongs to the second category. It doesn’t mean that the show, debuting this tuesday in France on Canal Plus Séries, has no creative purpose. John Ridley, his writer, best adapted screenplay Oscar for 12 years a slave, has on the contrary a lot to say. He has decided to walk us through an american crime where the victim is white and the suspects are not. In others words through the prism of race. Ridley really doesn’t care about the crime itself. So he is not telling his anthology story from the cops or the lawyers point of view but from the one of those whose lives are directly impacted. The victim’s people. The suspect’s people. And the community they live in. 

A psychological and societal ticking time bomb

From minute one, American Crime is a sort of a psychological and societal ticking time bomb. Its cast is doing a great job working on its inner emotions. How do you resist under that kind of pressure ? Can you free yourself from the weight of prejudices ? What about race ? What about religion ? What about class ? Three words highly charged in America. The show is focusing on the small scale. And we have the intuition it will try to portray America nowadays asking an essential and daring question : can people still live together ? “That was very exciting to me, to try to do a series that was about faith: faith in systems, faith in religion, faith in each other », said Ridley about his ambition in Variety

Viewed from France, American Crime also sadly reminds us that it’s not tomorrow or even the day after, that we are going to see a show like that on French TV because broadcasters, who know better than ourselves what is good for us, have decided that we wouldn’t like to watch a series that is questioning our society and the challenges it faces. We really don’t need that, do we?

Next week in ILTVSW … Oops, not decided yet, sorry.

Retrouvez ce billet dans la sélection hebdomadaire Séries Mania

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