Un pilote formidable, au fait, c’est quoi ? Il y a deux réponses à cette question. Si la série est ce que l’on appelle en France une série d’auteur, référence directe au cinéma du même nom, il s’agira d’un épisode, diffusé sur une chaîne du câble, explorant une nouvelle manière d’écrire ou de mettre en scène au service d’une prémisse pointue souvent perturbante et toujours singulière. Une proposition artistique radicale miroir du passé de son créateur. Combien d’années Matthew Weiner est-il resté en tête à tête avec Don Draper avant de se voir offrir la possibilité de lui donner vie et combien de saisons a-t-il passées depuis en sa compagnie ? Mais un pilote formidable peut aussi être un épisode dans lequel l’ego de l’auteur n’est pas central. Un objet moins intime pour lui dans lequel seul le sujet est la star, sans feux d’artifices, sans glamour, ni coquetteries d’écriture.
American Crime, qui débute mardi en France sur Canal Plus Séries, appartient à la seconde catégorie. Cela ne signifie pas qu’elle n’a pas d’objectif créatif. John Ridley, son auteur, Oscar de la meilleure adaptation pour le scénario de 12 years a slave, a au contraire beaucoup à exprimer. Il a décidé de nous transporter au cœur d’un crime américain. Un crime dont la victime est blanche et dont les suspects ne le sont pas. Autrement dit, de l’examiner au travers du prisme racial. Ce n’est pas au crime que s’intéresse Ridley. Son anthologie ne zoomera donc pas sur le point de vue des flics ou des avocats. Ce qui passionne Ridley, c’est l’onde de choc qui va frapper ceux dont la vie va changer à jamais. Les proches de la victime. Les proches des suspects. La communauté à laquelle ils appartiennent.
Une bombe à retardement psychologique et sociétale
Dès la première minute, American Crime opère comme une bombe à retardement psychologique et sociétale. Un parti pris finement souligné par des acteurs qui font un travail tout en retenue sur l’émotion forcément hystérique qui submerge les personnages qu’ils incarnent. Comment résister à une pareille pression ? Peut-on échapper au poids des préjugés ? Et la race ? Et la religion ? Et les classes ? Trois mots très chargés aux États-Unis.
Pour essayer d’explorer ces enjeux, la série se concentre sur l’infiniment petit. On a alors l’intuition qu’American Crime a l’ambition de parler des États-Unis d’aujourd’hui en posant une question à la fois fondamentale et culottée : est-il possible de vivre ensemble ? « Cela a été passionnant pour moi d’essayer de créer une série sur la foi, dit John Ridley dans une interview accordée à Variety. La foi dans les systèmes, la foi dans la religion, la foi dans l’autre ».
Vue d’ici, American Crime nous rappelle tristement que ce n’est pas demain, ni après-demain, que nous pourrons regarder une série française comme celle-là sur une chaîne généraliste. Les diffuseurs, qui savent mieux que personne ce qui est bon pour nous, ont décidé que nous n’apprécierions pas de nous plonger dans une série qui questionne notre société et les challenges qu’elle affronte. C’est vrai, comme si nous en avions besoin …
La semaine prochaine sur ILTVSW … Oups, pas encore tranché, désolée.
Titre/Title : American Crime
Créateur/Creator : John Ridley
Cast : Felicity Huffman, Timothy Hutton, Penelope Ann Miller, W. Earl Brown, Benito Martinez, Caitlin Gerard, Regina King.
Chaîne/Network : ABC, Canal Plus Séries (France)
What is a great pilot ? Basically there are two answers to that question. If the show is what we would call in France an author show linking TV to the author movie tradition, it’s going to be an episode exploring new ways of writing and/or directing with an edgy or disturbing but always unique premise. Often radical TV, it says a lot about the creator personal backgrounds. Those are mainly cable shows. Think of how long Matthew Weiner lived with Don Draper before actually be given the possibility of bringing him to life and how many years he has spent with him since …
But a great pilot can also be an episode where the writer ego is not central. A far less intimate matter. An episode where the subject is the star without the fireworks, the glam or the show off of its writing. American Crime belongs to the second category. It doesn’t mean that the show, debuting this tuesday in France on Canal Plus Séries, has no creative purpose. John Ridley, his writer, best adapted screenplay Oscar for 12 years a slave, has on the contrary a lot to say. He has decided to walk us through an american crime where the victim is white and the suspects are not. In others words through the prism of race. Ridley really doesn’t care about the crime itself. So he is not telling his anthology story from the cops or the lawyers point of view but from the one of those whose lives are directly impacted. The victim’s people. The suspect’s people. And the community they live in.
A psychological and societal ticking time bomb
From minute one, American Crime is a sort of a psychological and societal ticking time bomb. Its cast is doing a great job working on its inner emotions. How do you resist under that kind of pressure ? Can you free yourself from the weight of prejudices ? What about race ? What about religion ? What about class ? Three words highly charged in America. The show is focusing on the small scale. And we have the intuition it will try to portray America nowadays asking an essential and daring question : can people still live together ? “That was very exciting to me, to try to do a series that was about faith: faith in systems, faith in religion, faith in each other », said Ridley about his ambition in Variety.
Viewed from France, American Crime also sadly reminds us that it’s not tomorrow or even the day after, that we are going to see a show like that on French TV because broadcasters, who know better than ourselves what is good for us, have decided that we wouldn’t like to watch a series that is questioning our society and the challenges it faces. We really don’t need that, do we?
Next week in ILTVSW … Oops, not decided yet, sorry.
Retrouvez ce billet dans la sélection hebdomadaire Séries Mania
De temps en temps, la télé devrait oublier les concepts surstylisés, trop de sous-texte et même Freud et son travail. Ne vous inquiétez pas, mon deuxième post de 2015 ne sera pas l’apologie d’une écriture fade et/ou dénuée de fond. Disons que je suis d’humeur à regarder Zola. En langage moins crypté, je prends grand plaisir, ces jours-ci, à voir la réalité sur le petit écran. La réalité telle que définie par Le Petit Robert. Soit : « Caractère de ce qui existe en fait (et qui n’est pas seulement une invention, une illusion ou une apparence) ». Une définition qui prouve que les Real Housewives de n’importe quelle ville sont une imposture cathodique et pas seulement car aucun être humain ne peut survivre plus d’une journée dans de telles panoplies. Autrement dit, la téléréalité a tout de faux. Le réalisme est le vrai cadeau. Comme le démontre Gomorra mon crush sériel de la semaine. Une série sur la mafia napolitaine qui donne une troisième vie au livre de l’Italien Roberto Saviano.
Ne vous méprenez pas, je considère toujours que Tony Soprano et sa famille sont, dans leur genre, l’une des sept merveilles du monde télévisé. Mais Gomorra apporte quelque chose qui n’appartient qu’à elle. Ses scénaristes ont pris une décision très rare à la télévision. Peut-être même inédite. Aucun des personnages dans leur série n’est aimable. Le Mal est le sujet. Ses personnages l’exsudent. Contrairement au traitement de The Wire, monumentale oeuvre réaliste unique en son genre, qui offrait, malgré tout, la possibilité de s’identifier ou, au moins, de vibrer pour quelques uns d’entre eux comme Jimmy McNulty, le flic cabossé.
Dans Gomorra, il n’y a de place ni pour les sentiments, ni pour l’empathie. Stefano Bises, qui a dirigé l’écriture, a confié à ILTVSW : « Nous avons voulu faire un voyage dans le Mal. Nous ne voulions pas utiliser le Bien pour raconter le Mal. C’est le contraire de ce qui se fait d’habitude à la télévision italienne qui a peur des messages négatifs et de leur impact sur les audiences. »
Paradoxalement, ce qui est formidable dans l’écriture de Gomorra, c’est que l’écriture n’est pas une fin en soi. Le sujet est la raison d’être de la série. L’unique objectif est de montrer la Camorra comme l’entreprise qu’elle est. De mettre des images sur les rues de Scampia, l’un des quartiers les plus pauvres de Naples, rongées par la criminalité organisée. L’humaine inhumanité que ses habitants expérimentent, chaque jour, du début à la fin de leur existence. Sans aucune porte de sortie. Prisonniers de la fatalité. Regarder Gomorra, ce n’est pas les aimer. Ni même les comprendre. L’infiniment petit – les personnages – est simplement le meilleur moyen de raconter cette terrible réalité.
La semaine prochaine sur ILTVSW … Oups, pas encore tranché, désolée.
Marco d’Amore (Ciro)
Titre/Title: Gomorra (2014)
Créateurs/Creators: Roberto Saviano, Stefano Bises, Giovanni Bianconi, Leonardo Fasoli, Ludovica Rampoldi.
Cast: Marco d’Amore, Fortunato Cerlino, Maria Pia Calzone, Salvatore Esposito, Marco Palvetti, Domenico Balsamo, Enzo Sacchettino, Elena Starace.
Maths: 12 épisodes/episodes
Chaîne: Sky Cinema en France Canal Plus
From time to time, TV should forget about highly stylized concepts, too much subtext and even about Freud and his work. Do not worry my second post of 2015 is not going to be an apology for tasteless and/or meaningless writing. Let’s just say that I am in a Zola mood. In less cryptic words, I feel like watching reality on small screen these days. Reality as in the Oxford dictionary. « The world or the state of things as they actually exist, as opposed to an idealistic or notional idea of them ». A definition that makes Real Housewives of whatever town a total fraud not only because no one could survive more than one day dressed like that. Reality TV is totally missing the point. Realism is the real treat. As demonstrates my this week TV crush Gomorra.
A mafia show from Roberto Saviano’s book. Don’t get me wrong I still think of Tony Soprano’s family as one of the Seven Wonders of the TV world in its genre. But Gomorra brings something of its own. Its writers have made a very rare decision on TV if not a premiere. None of the characters in the show are likable. Evil is the subject. So devilish the characters are. Unlike in The Wire, the major and unique realistic show, in which we still could relate on some level to, say, a broken man as Jimmy McNulty. Or at least feel for him. In Gomorra there is just no room for feelings or empathy.
Stefano Bises, who directed the writing, told ILTVSW : « The show is a trip to Evil. We didn’t want to use the Good to tell the evil. We wanted to do the opposite of what is usually shown on Italian TV where the message must be positive in order to preserve the ratings. »
Paradoxically, the great thing in Gomorra‘s writing is that the writing is not the point. The subject is the point. Mafia as a company is the point. The streets of Scampia one of Naples’s poorest neighborhood are the point. The human inhumanity that people experience over there every day from the beginning to the end of their life is the point. With no exit possibility. Prisoners of fate. Watching Gomorra is not about liking them. Not even about understanding them. The small – the characters – is just the best way to draw the terrible big picture.
Next week in ILTVSW … Oops, not decided yet, sorry.
Retrouvez ce billet dans la sélection hebdomadaire Séries Mania
You better watch out. You better not cry. Better not pout. I’m telling you why. Santa Claus is coming to town. He’s making a list. And checking it twice. Gonna find out Who’s naughty and nice. Santa Claus is coming to townnnnnnnnn !!!!Non, ne rafraîchissez pas la page, vous êtes bien sur I love TV so what ? Ce soir, j’ai décidé de recommencer à croire au Père Noël. Comme il n’est pas impossible qu’une fois encore je sorte désappointée de cette affaire, j’ai invité quelques plumes stars de la blogosphère séries pour ma désormais traditionnelle (considérons que deux éditions = une tradition) before Christmas party. Ensemble, nous boirons pour ne pas oublier que de toutes les manières, pour nous, le père Noël est déjà passé. C’est vrai, non ? 2014 a été une année riche en émotions fortes pour les sériephiles.
J’ai le grand plaisir de recevoir les très élégantes Cécile de Femmes de séries , Livia de My TV is rich !, Alix du Daily Mars. Et je remercie Yann de Séries, le blog ! et Stéphane des Plumes asthmatiques d’avoir accepté de porter un smoking pour moi. Une soirée de rêve en perspective que nous allons partager avec nos personnages préférés et … vous.
Tchin et joyeux Noël à tous !
To my readers, exceptionally ILTVSW will only be French speaking this week. The blog is hosting a Christmas party with French TV bloggers. But as soon as next week things will be back to normal meaning French & English. English speaking bloggers feel free to contact me if you wish to guest post ! Happy holidays to you all !
ILTVSW. Les sériephiles vont-ils se saouler au champagne pour tenter d’oublier 2014 ou, au contraire, pour essayer d’accepter les nouveautés 2015 ? Autrement dit 2014 a-t-elle été un grand cru ?
Alix. Je ne sais pas pour vous les copains, mais moi, je lève mon verre à cette année 2014. Comme tous les ans, tout n’est pas à garder. Pourtant, 2014 a quand même été remplie de nouveautés enthousiasmantes. J’ai passé de très très beaux moments avec You’re the Worst, Transparent, Looking, The Affair, Detectorists, The Knick, Inside n°9, Dates et bien d’autres.
Cécile.C’est peut-être le lait de poule qui parle à ma place mais je suis très satisfaite de mon année sérielle bien que les nouveautés de la rentrée 2014 soient pratiquement toutes restées sur le carreau après le pilote. Je ne garde que The Flash, Madam Secretary et How to get away with Murder mais sans grande conviction. Plus tôt dans l’année, je suis tombée sous le charme de Mom, Faking it et de The Honourable Woman. La CW frappe fort avec The 100, une véritable surprise. Quant aux séries plus anciennes, elles se sont dans l’ensemble toutes maintenues à un bon niveau (Masters of Sex, Orphan Black, OITNB, The Walking Dead, GoT, Downton Abbey) ou ont carrément dépassé mes attentes. Arrow est devenu particulièrement passionnante, Grey’s Anatomy fait un début de saison 11 de folie, The Good Wife se réinvente continuellement et même Once Upon a Time, qui est pourtant souvent écrite et jouée avec les pieds, m’intéresse grâce à l’arc « Reine des Neiges ». Oui, le Ravi de la crèche, c’est moi !!!
Livia. 2014 a été un grand cru sur de nombreux aspects. Sur un plan quantitatif, l’année est venue confirmer la multiplication de l’offre en séries, avec une concurrence accrue et des ambitions manifestes de s’imposer dans un marché en mutation. On parle beaucoup de Netflix, mais Amazon avec Transparent a, par exemple, frappé fort, en proposant une série extrêmement intéressante qui démontre toutes les possibilités ouvertes par ces nouveaux venus. Outre les productions originales, ces acteurs récemment débarqués dans l’univers du sériephile l’habituent aussi aux miracles … c’est-à-dire aux résurrections – qui sont une raison supplémentaire de se sentir gâté – : Netflix a ainsi poursuivi sur cette voie –le récent sauvetage de Longmire pour une saison 4 -, mais on peut aussi citer Amazon qui s’y met également et en profite pour introduire de nouveaux modèles de financement avec la saison 3 de Ripper Street par exemple, sauvée de l’annulation de la BBC en Angleterre : la série est actuellement proposée sur la plateforme d’Amazon, mais elle sera aussi par la suite diffusée sur BBC1. De nouvelles chaînes pointent aussi le bout de leurs programmes : aux Etats-Unis, par exemple, WGN America a alterné le pire et le meilleur, mais elle a certainement réussi quelque chose avec la première saison de Manhattan. En Angleterre, c’est Channel 5 qui a renoué cette année avec les créations originales, proposant un cop show dont l’originalité est de reposer sur la semi-improvisation de ses acteurs, Suspects : de quoi apporter un peu de fraîcheur dans un genre policier surexploité !
Yann. Pour ma part, ce sera mi-champagne mi-foie gras, ou plutôt devrais-je dire mi-figue mi-raisin. La rentrée n’a pas répondu à mes attentes. Les networks continuent de me décevoir et si le câble était en verve – surtout sur la première partie de l’année – j’aurais aimé avoir au moins un ou deux petits coups de coeur à l’automne !
Stéphane. Un grand cru, je ne sais pas mais sûrement une sacrée année ! Ca faisait longtemps que je n’avais pas autant vibré grâce à des nouveautés : True Detective, The Leftovers, You re the worst, Manhattan, The Knick, The Honourable Woman, Detectorists, Outlander, Série Noire, Olive Kitteridge … Puis, il y a eu The Good Wife, avec sa saison 5 et sont début de la saison 6, qui a elle seule sauve une année de sériephile. Bref, je suis passé par toutes les émotions en 2014 et qu’est-ce que j’aime ça ! Ce fut un vrai tourbillon exacerbé par de nombreuses prises de risques, des choix artistiques, des histoires et des personnages passionnants.
Magie des Christmas specials
ILTVSW. Noël, c’est le moment où jamais de pardonner, non ? Quels scénaristes méritent que l’on fasse un petit effort et que l’on poursuive leur série ?
Alix.The Big Bang Theory, comme beaucoup de séries qui ont déjà beaucoup de saisons, est assez inégale. Après une longue période un peu lassante la fin de la saison 7 m’avait vraiment redonné goût à la série. Le début de saison 8 est loin d’être aussi bonne. Et pourtant, pourtant, il faut leur pardonner. L’existence même du personnage d’Amy Farrah Fowler mérite beaucoup de pardon pour les moments flottants de la série. Ce petit bout de femme, scientifique, qui n’est pas un canon de beauté classique, a envie d’être aimé sentimentalement et physiquement et elle n’hésite pas à le dire. Elle aime son homme, Sheldon, entièrement, sans vouloir le changer. Elle respecte le rythme différent qu’il impose à leur relation mais ne cache pas pour autant ses attentes et ses envies. Pour elle, Chuck Lorre et Bill Prady sont pardonnés.
Cécile. Je n’ai jamais autant abandonné de séries que depuis la rentrée de septembre. Je crois que je deviens grande et mature et que j’arrête de regarder pour regarder. Ca vaut bien un cadeau de Noël, ça non ?! Donc, en gros, je poursuis toutes celles citées plus haut mais aussi Scandal (Team Shonda), Vampire Dairies, Chicago Fire, Sleepy Hollow, About a Boy … Je me force clairement avec Modern Family et The Affair.Je boude possiblement définitivement les scénaristes de Revenge, Castle, Bones, Elementary et American Horror Story. Na!
Livia. La série que Noël va (encore) sauver dans mes programmes, cette année, c’est certainement Downton Abbey. Julian Fellowes peut donc dire merci aux fêtes. La nouvelle saison diffusée cet automne a confirmé un certain essoufflement, une répétition de recettes qui ne se renouvellent pas et finissent par lasser à force de voir s’user à l’écran les mêmes ressorts narratifs. Mais, comme nous sommes en Angleterre, un cadeau attend le sériephile au pied du sapin : le fameux Christmas special. Rendez-vous incontournable s’il en est : s’il y a un trait grâce auquel on reconnaît le sériephile, c’est son incapacité naturelle à dire non à un Christmas special. Ceux de Downton Abbey ont pourtant pu traumatiser durablement – et plomber toute une semaine de fêtes soudainement reconvertie en phase de construction de pyramides de mouchoirs. Mais, ils ont aussi su faire vibrer notre cœur trop émotif : souvenez-vous, jadis (en 2011), de Mary et Matthew sous la neige devant leur château. Tout est donc possible. On sait seulement que, quoiqu’il advienne, on ne restera pas insensible devant le Christmas special de Downton Abbey. Et donc, j’ai beau avoir laissé filer la saison 5 après son premier tiers cet automne, je sais que je n’y résisterai pas : portée par l’esprit des fêtes, je vais m’empresser de finir la saison précédente à temps pour pouvoir déballer ce cadeau … Un petit effort pour Downton Abbey !
Yann. Je pense qu’il faut accorder son pardon au duo Benioff/Weiss, les showrunners de Game of Thrones ! Aujourd’hui, de nombreux observateurs avisés tombent à bras raccourcis sur une série à l’ampleur débordante. L’adaptation d’un matériau original complètement éclaté tient pourtant la route. Et puis, je ne saurai trop encourager un duo qui continue de refuser la facilité de scènes d’action au profit de tirades politiques jamais gratuites !
Stéphane. Kurt Sutter, incontestablement. J’ai aimé ce qu’il proposait il y a longtemps avec Sons Of Anarchy (plus particulièrement les saison 2 et 3). Et aujourd’hui alors que sa série est sur le point de se terminer, que j’ai du mal, beaucoup de mal à tenir mais je vais trouver en moi la force de lui pardonner et d’aller au bout. Parce que je sais qu’il peut être bon, très bon et parce que je me le dois bien. Je pense à Michael Hirst et Vikings aussi. Je suis un grand fan du monsieur mais j’ai du mal à trouver la foi pour terminer la saison 2 malgré toutes ses qualités. J’y arriverai un jour. C’est certain.
ILTVSW. Quel (s) personnage (s) devrai (en) t recevoir le plus gros cadeau de l’année ?
Alix. Dans les personnages auxquels je suis vraiment attachée, certains ont beaucoup souffert cette année, d’autres ont fait souffrir. Alicia Florrick, Cary Agos, Louie et les personnages de Southcliffe sont de ceux là. Ils subissent le monde qui les entoure, ils en sont aussi les acteurs, pas toujours pour le meilleur. Mais tout ce qui leur arrive est définitivement pour la bonne cause : nous émouvoir et nous faire réfléchir sur nos actions, sur le monde et pour ça ils méritent les plus beaux cadeaux.
Cécile. Je crois que Nessa Stein de The Honourable Woman et Bill Masters de Masters of Sex ont grand besoin d’un peu de réconfort après l’année qu’ils viennent d’avoir. Je propose « Se recontruire en 10 leçons » pour elle et un « Docteur Maboul » pour lui histoire qu’il ne perde pas la main !
Livia. Le personnage à qui j’offrirai le plus gros cadeau de l’année est sans doute celui qui va nous obliger à dire « au revoir » au cours de cette période qui devrait pourtant être dédiée aux fêtes. Miranda s’apprête en effet à conclure sa comédie à l’occasion de deux Christmas specials. Depuis 2009, durant ses trois saisons, cette série a représenté la fiction anti-blues par excellence. Un petit joyau d’humour, de décalage et de sincérité, auquel je me suis certainement attachée plus que de raison, mais dont les épisodes se revisionnent avec une fraîcheur et un plaisir intacts. Miranda mérite assurément d’être fêtée à la hauteur de tout ce qu’elle a été ces dernières années.
Yann. Pour moi, ce sera Maura (Jeffrey Tambor) dans Transparent. Elle nous livre sa vie et ses émotions avec tant d’intensité. Au delà de sa transformation, c’est une fantastique performance d’acteur à observer.
Stéphane.Je suis un grand fan de The Good Wife et cela sera donc forcément Alicia Florrick. Elle a vécu une année 2014 terrible et elle mérite que le Père Noël lui offre le plus gros cadeau. Je suis pour en donner un tout aussi énorme au capitaine Laure Berthaud d’Engrenages. Comme pour Alicia, 2014 ne lui a pas fait de cadeau et elle traverse les saisons de la série de Canal Plus en s’enfonçant chaque fois un peu plus dans la noirceur. La saison 5 ne lui a vraiment pas fait de cadeau. Elle mérite un peu de légèreté et de rires. Je pense aussi que toute la galerie de personnages désespérés de The Leftovers mérite notre attention. Un petit cadeau pourrait leur redonner le moral et illuminer ce moment crucial de l’année !
Toute la Maison Blanche privée de bûche
ILTVSW. Quel (s) personnage (s) sera/seront privé (s) de bûche au réveillon ?
Alix.Cette année, c’est toute la Maison blanche que je prive de dessert. D’abord, car je suis fatiguée d’observer la stratégie des loups. Ensuite car lorsqu’ils parviennent à chaque épisode à sauver le monde en 40 minutes chrono, c’est presque pire. L’héroïne ou le héros américain qui règle tout, même dans les moments de doute, ça me navre et j’attends avec impatience que l’un d’eux se plante, vraiment. Donc House Of Cards, Scandal, Madam Secretary, State of Affairs, ils pourront finir le repas entre eux dans le bureau ovale. Et ça fera plus de bûche pour nous.
Cécile. Olivia Pope m’agace assez profondément depuis quelque temps (ce qui n’a rien à voir avec le talent de son interprète) donc bim, pas de bûche. De toute façon, elle s’en fiche, elle ne tourne qu’au vin et au pop-corn !
Livia. Je ne prive personne de bûche : it’s Christmas !
Yann. Le commandant Tom Chandler (Eric Dane) dans The Last Ship n’aura pas de bûche. Il est lamentable dans cette série déjà franchement en perdition et qui aurait mérité d’être torpillée …
Stéphane. Hannibal Lecter n’aura pas de dessert ! Il a été un très vilain personnage de série cette année. Encore plus manipulateur, cruel, tordu et violent que dans la saison 1. Et puis il y a ce dernier (splendide) épisode de la saison 2 de Hannibal …Ouais, je le prive sans aucun remords de bûche pour ce moment d’anthologie et ce traumatisme qu’il m’a fait vivre.
ILTVSW. Finalement, les mini-séries sont-elles des cadeaux ou des escroqueries pour les amateurs de séries?
Alix. C’est un cadeau ! Ces dernières années les mini-séries m’ont offert des univers essentiellement de larmes. Les Anglais en sont très friands avec The Missing, Happy Valley, Southcliffe. Je ne suis pas complètement convaincue que je supporterais toute cette souffrance pendant 22 épisodes par an. Mais à découvrir en quelques épisodes, quel catharsis de souffrir avec eux ! Et puis, le format est parfois un bon galop d’essai. Broadchurch et Into the flesh y ont gagné une suite … Alors, finalement la frontière n’est qu’à un renouvellement.
Cécile. Ni l’un ni l’autre, mon capitaine ! Je ne suis pas particulièrement passionnée par ce genre mais elles ont leur intérêt.
Livia. Vivant à l’heure anglaise depuis des années, j’ai une inclination toute particulière pour le format court offert par la mini-série. Elle représente l’assurance d’une histoire complète, d’une œuvre finie … Mais aussi, de façon très pragmatique, elle correspond mieux au rythme de visionnage que j’affectionne désormais : construite sur quelques semaines – soit un ou deux mois -, elle n’impose pas une fidélité sur l’année entrecoupée de pauses et autres hiatus. En fait, je suis devenue incapable de regarder « en direct » une saison comportant 22 épisodes. Face à une telle série, soit je la rattraperais en plusieurs temps, soit je la mettrais de côté pour l’été, mais impossible de respecter à la lettre le rythme des grands networks américains … Cependant, dans le même temps, il n’en reste pas moins que je suis tombée dans la marmite sériephile dans les années 90 et au début des années 2000. Les saisons longues, la loyauté qui se forgeait peu à peu, cette impression – propre au format – de vivre sur le long terme aux côtés de personnages qui finissent par grandir, voire vieillir, avec nous, ce sont autant de sensations que l’on ne retrouve pas dans l’événementiel inhérent à la programmation brève des mini-séries. Ainsi, si les longs formats me parlent moins, l’impact durable que cela permettait de faire naître me fait me sentir un brin nostalgique en songeant à mes années sériephiles d’ « autrefois ». Au fond, les mini-séries seront donc des cadeaux ou des escroqueries suivant votre manière de consommer les fictions du petit écran … Quel type d’engagement cherchez vous lorsque vous vous installez devant une série ? En outre, attention aussi à ne pas oublier un point propre aux mini-séries : il faut prendre garde à celles qui, par l’onction d’une bonne réception publique/critique, se changent soudain en séries au long cours, renouvelées par une chaîne qui voit d’un bon œil la fidélisation de son public pour l’année suivante. Ainsi, les frontières entre les formats sont parfois bien poreuses (pour le meilleur, et parfois pour le pire …).
Yann. La mini-série est un beau format, je trouve ! Elle peut être un échec comme tout autre série mais elle a souvent l’avantage d’avoir une durée adaptée à son idée de départ. Cette année, The Honourable Woman et Olive Kitteridge étaient fantastiques. Elles portent haut les couleurs de la mini-série et puis, ce format n’est pas une fin en soi puisque l’excellente Top of the Lake va muer de mini-série à série à part entière !
Stéphane. C’est un savant mélange des deux. Si elles sont parfaites comme Olive Kitteridge, on voudrait qu’elles durent plus longtemps. Mais, c’est ce qui fait leur magie, un nombre d’épisodes réduit, une histoire bien écrite, des acteurs de prestige, c’est très frustrant. Mais, j’ai trouvé la solution : la regarder encore une fois presque dans la foulée. Je finis ce repas, je vous offre un flocon d’Ariège et en attendant le Père Noël, je pars retrouver Frances McDormand, Richard Jenkins et Bill Murray pour un deuxième visionnage d’Olive Kitteridge. Par ailleurs, je suis bien content que SyFy se réapproprie les mini-séries de SF/fantastique. J’ai grandi avec elles et c’était génial. Depuis quelques années, elles me manquaient terriblement …
Porosité grandissante entre cinéma et séries
ILTVSW. 2014 n’a-t-elle pas été l’année où l’on a découvert que la writing room n’était pas la solution à tous les problèmes sériels ?
Alix. Sincèrement, je ne sais pas. On compare beaucoup les budgets, les modes d’écriture, les nombres d’épisodes. Malgré ça, je vois que dans tous les clans, il y a des merveilles et aussi des projets moins réussis. Quelques séries écrites par un auteur, tournées avec un réalisateur, nous ont surprises cette année. Mais une writing room peut produire des grandes séries surtout si elles ont beaucoup d’épisodes par an, si on ne veut pas attendre 3 plombes entre chaque saison … mais pour ça il faut quand même un(e) showrunner à la barre pour créer une cohérence, une vision directrice.
Cécile. J’avoue ne m’être jamais vraiment posé la question parce que la série comme le cinéma est le résultat d’un tout. Le scénario, les dialogues sont importants mais tout autant que l’interprétation et la réalisation sans oublier le montage et la musique. Si l’un de ces éléments est mal dosé, mal appliqué, ça ne fonctionne mal, voire pas du tout.
Livia. La writing room n’a jamais été qu’un modèle parmi d’autres et n’a jamais constitué la solution miracle, garantie de réussite d’écriture. C’est certainement une solution qui est particulièrement appropriée pour un format long, avec des saisons comportant un nombre d’épisodes important. Mais dans le même temps, on peut aussi constater qu’un modèle qui repose sur les épaules d’un auteur –ou de quelques auteurs se répartissant la tâche- peut fonctionner aussi et a également fait ses preuves, avec succès. Ce dernier modèle est sans doute plus adapté à un format court, notamment l’hypothèse d’une mini-série ou de saison courte – type Angleterre. Dans ce pays, certains cumulent avec réussite les casquettes de créateur/scénariste/réalisateur (Stephen Poliakoff, Peter Kosminsky…) pour des productions événementielles. En 2014, The Honourable Woman, coproduction anglo-américaine BBC2/Sundance Channel, a permis de jeter un éclairage sur ce modèle créatif, mais Hugo Blick, deux ans auparavant, avec The Shadow Line, avait déjà tout aussi (je serais tentée de dire « plus ») brillamment mené à bien cette entreprise. De manière générale, les mutations que connaît actuellement le marché de la fiction expliquent aussi sans doute que les recettes créatives, sous diverses influences, évoluent. La porosité grandissante cinéma/séries avec ceux venus du premier univers qui importent un certain savoir-faire qu’ils adaptent ensuite au format sériel, est par exemple un facteur qui peut conduire à repenser le processus créatif. Et puis l’émergence de nouveaux acteurs sur le marché des séries y contribue aussi, car ils n’ont pas les mêmes charges à respecter. Mais la problématique est sans doute plus vaste : 2014 a permis de jeter un éclairage particulier sur l’influence que peuvent avoir les évolutions des modes de consommation et des acteurs producteurs de séries sur les modèles de savoir-faire créatif. L’écriture est un enjeu parmi d’autres. La place du visuel a aussi fait parler d’elle, avec toute la question de l’investissement que l’on est prêt à y mettre, je pense ici à The Knick.
Yann.Oui, il me semble que la tradition du collectif de scénaristes est remise en question ! Je crois aussi que dans son désir d’attirer toujours les meilleurs talents, le stade ultime du succès de l’univers sériel sera de séduire les écrivains. Aujourd’hui, les cinéastes ne rechignent plus à oeuvrer pour les séries et les romanciers devraient pouvoir s’y exprimer aussi. Or, ces derniers sont d’authentiques loups solitaires ! Nice Pizzolatto avec True Detective a ainsi fait sensation cette année. Signer une saison complète à lui tout seul pour une oeuvre remarquée de surcroît, ce n’est pas anodin !
Stéphane. Cette question dépend surtout de la longueur de la série. Si c’est une série courte, je trouve qu’avoir une vision unique, une seule écriture est plutôt une bonne chose sans être forcément une obligation. Pour une série plus longue avec une vingtaine d’épisodes par saison, avoir une writing room est obligatoire malgré les inconvénients. Mais ce que j’aime vraiment dans une writing room, ce sont les différents styles apportés et la richesse des thématiques abordées par les scénaristes. Un exemple : j’aime la série Elementary créée par Robert Doherty, j’aime ce que le showrunner propose avec sa série. Cependant, je pense que les meilleurs épisodes du show sont écrits par Craig Sweeny (un ancien de Medium dont j’adorais les scénars déjà à l’époque).
ILTVSW. Alors, alors Netflix en France finalement c’est vraiment le père Noël des sériephiles ?
Alix. Oui et non. Oui parce que la force de Netflix c’est qu’ils veulent toucher tous les publics avec des projets segmentants. N’ayant pas de grille de programme, l’important n’est pas que celle-ci soit cohérente. Ils peuvent produire beaucoup de séries, chaque public les regardera à l’envie en son temps et à son heure et c’est comme ça que Netflix est partout à la fois. Plus de nécessité de plaire à tout le monde, puisque chacun fait ce qu’il veut. C’est fantastique. En attendant, leur liberté est presque totale au niveau de la production de séries originales, de nouveaux formats et pour l’instant cette liberté est encore sous-utilisée. J’espère que les années futures verront Netflix et Amazon en profiter bien plus pleinement, pour que ce soit Noël tous les jours.
Cécile. Comme sans doute à peu près tout le monde, j’ai testé le premier mois. Sans reconduire parce que j’ai déjà vu les séries qui s’y trouvent et que Netflix ne répond pas à ma fringale quotidienne, ce que le téléchargement fait très bien. La seule chose qui a vraiment retenu mon attention c’est l’intégrale de Farscape que l’on ne trouve pas en DVD. Après il faut avouer que c’est bien foutu et fluide mais niveau catalogue, c’est peu engageant surtout par rapport à la version US.
Livia. J’ai déjà des mois, voire des années (!), de séries en retard, mises de côté, et de coffrets DVD achetés et non visionnés que je rêve de pouvoir découvrir (car un sériephile ne vit pas seulement au présent : il y a aussi toutes les incontournables d’un passé parfois même assez lointain qui l’appellent). Par conséquent, pas d’abonnement Netflix en ce qui me concerne. Mais c’est une offre légale que j’aurais adorée avoir à disposition il y a 10 ans … quand j’avais plus de temps à consacrer aux séries (et que l’on se construisait son binge-watching dans son coin). Netflix, sur le principe, c’est donc un père Noël … qui doit quand même encore enrichir et diversifier son catalogue, notamment en permettant de découvrir des œuvres jusqu’à présent difficiles d’accès.
Yann. Ce n’est pas forcément le cadeau parfait pour le sériephile. Les limites du catalogue se font sentir et, depuis environ trois mois, il a peu évolué (surtout sur la partie séries). Les “créations maison” sont très spécifiques et Orange is the new Black serait presque l’arbre qui cache la forê t…Toutefois, l’outil est désarmant de simplicité. J’ai jusqu’ici une expérience utilisateur excellente et … je dois l’avouer, j’ai bien failli succomber au binge-watching !
Stéphane. Netflix propose des séries impressionnantes avec de grands noms du cinéma et de la télévision mais aussi des anciennes séries et rien que pour ça, je dis oui. Mais bon, je ne suis pas abonné et je ne pense pas le devenir … dans l’immédiat.
ILTVSW. Que pouvons-nous nous souhaiter pour l’année à venir devant nos écrans ?
Alix. C’est comme les bonnes résolutions ma brave dame, mon souhait est le même tous les ans, de l’audace, encore de l’audace et toujours de l’audace ! Que nos héroïnes et nos héros changent de décors, de professions, d’espace temps …
Cécile. A l’échelle personnelle, de rester mesurée dans ma consommation sérielle et de continuer à échanger avec ma twitto-sphère. Je nous souhaite de prendre toujours autant de plaisir et de continuer à vivre de belles émotions.
Livia. Des séries, et encore plus de séries … diversifiées, de qualité … pour tous les goûts ! Des séries courtes pour certains sériephiles, longues pour d’autres. Des séries qui nous entraînent vers de nouveaux horizons et qui se font exploratrices, et d’autres qui se réapproprient et déclinent au contraire des recettes autrement plus traditionnelles mais devant lesquelles on prendra tout autant plaisir à s’installer.
Yann. Je souhaite que nous ayons une série aussi réussie que populaire sur les networks à mi-saison, pourquoi pas Wayward Pines ? J’attends beaucoup de Red Oaks sur Amazon dont le pilote était délicieux. Et puis si True Detective et The Knick pouvaient confirmer, je serais comblé !
Stéphane.De l’audace ! De l’audace ! De l’audace ! Je veux de l’audace dans les séries, dans le propos et les histoires comme dans Person Of Interest ou The Good Wife ou encore The Honourable Woman. De l’audace visuelle comme dans The Knick ou True Detective. Sinon, je nous souhaite d’être tous surpris en 2015 !
Merry Christmas !!!
Pour combattre le blues du lendemain de fête, vous pouvez aussi retrouver mes talentueux invités sur Twitter…
Greg Poehler, le créateur et showrunner deWelcome to Sweden était à Fontainebleau, en juillet dernier, invité par le festival des scénaristes français Série series. ILTVSW a eu la chance de le rencontrer et de discuter avec lui de comédie, d’écriture, de coproduction et de comédies romantiques.
Alors qu’Arte diffuse en ce moment Lilyhammer, une autre série qui raconte le quotidien d’un autre Américain qui a déménagé dans le Nord de l’Europe, il nous a semblé intéressant d’explorer les défis artistiques que représente une aventure de ce genre.
ILTVSW. Dans quelle mesure une comédie doit-elle trouver sa source dans une expérience personnelle pour bien fonctionner? Greg Poehler. Je ne sais pas si une comédie a besoin d’être personnelle pour fonctionner. Je pense que l’on peut écrire une bonne comédie sur un sujet qui n’a rien à voir avec sa propre vie ou expérience. Cela dit, je pense que c’est plus facile quand c’est un sujet que l’on connaît. Je fais de la stand up comedy en Suède et aux Etats-Unis et en tant que comédien, on apprend rapidement que plus on est authentique, plus on s’inspire de sa propre vie, plus on est apprécié par le public parce que l’on est plus drôle. Je pense également que lorsqu’il s’agit de soi, on est plus concerné et cela rend ce que l’on écrit meilleur à long terme car on est plus vigilant que si l’on écrivait juste une histoire parmi d’autres.
ILTVSW. L’authenticité est donc le facteur le plus important? Greg Poehler. Je ne sais pas si c’est le facteur clé. Je sais que je voulais créer une série qui donnait une impression de réalité. Quand je regarde la télévision en général, et les comédies en particulier, l’une des choses que je n’aime pas, c’est lorsque l’on sacrifie l’authenticité au profit du rire. Je décroche. Je ne suis pas adepte du style blague après blague. J’apprécie lorsqu’au contraire, on privilégie la réalité, on freine un peu sur la comédie, même si c’est moins drôle, parce que la vie n’est pas une succession de blagues. On peut espérer cependant qu’à long terme, les téléspectateurs s’attachent plus à une série comme ça. Dans les sitcoms classiques, il y a peu de possibilités d’attachement émotionnel, on peut louper un épisode. C’est un autre type de séries et d’expérience pour les téléspectateurs.
Le plus souvent, votre série n’existera pas si ce n’est pas vous qui l’écrivez
ILTVSW. La plupart des bonnes comédies à la TV sont créées par des comédiens-auteurs, cela apporte-t-il quelque chose de plus? Greg Poehler. Je suis convaincu que si vous écrivez pour vous même, vous connaissez vos points forts et donc vous écrivez quelque chose qui sera plus drôle pour vous car de la manière dont vous l’interpréterez réellement. Il est quelque fois difficile quand l’on raconte les blagues de quelque d’autre de le faire de manière authentique. De ce point de vue, c’est un considérable avantage de revendiquer un dialogue et de le trouver drôle. Mais cela peut aussi très bien fonctionner avec un scénario très bien écrit par des auteurs très drôles. Peut-être un peu moins bien, quand même (sourire).
ILTVSW. Vous connaissez vos points forts mais également vos faiblesses et peut-être que vous refuserez de vous aventurer sur ce terrain et que cela sera dommage … Greg Poehler. Effectivement, je ne suis pas certain que l’on ait envie de cela devant la caméra. Le danger serait de ne pas écrire quelque chose qui repousse nos limites. Cela serait peut-être le seul point négatif, effectivement.
ILTVSW. Comment expliquez-vous le fait qu’il y ait autant de comédiens-auteurs dans le domaine de la comédie et si peu dans le domaine du drama? Greg Poehler. Les gens qui sont dans la comédie ont tendance à être des auteurs qu’il s’agisse de sketchs ou de stand up. Cela va ensemble. Je pense que le plus souvent, et certainement dans mon cas, votre série ne verra pas le jour si vous ne l’écrivez pas. Et vous ne jouerez pas dedans si vous ne l’écrivez pas. Du coup, on voit de plus en plus de gens qui écrivent leurs trucs pour se voir donner une chance. C’est d’ailleurs, le conseil que je donne à quelqu’un qui voudrait se lancer. Ne comptez pas sur les autres. C’est très rare que quelqu’un écrive le rôle parfait pour vous. En plus, quand on a écrit quelque chose dans lequel on veut aussi jouer, c’est plus difficile de nous dire non. Il faut vraiment être très mauvais pour que l’on nous dise non. (rires).
ILTVSW. La comédie n’est pas un genre facile parce que l’humour est quelque chose d’assez subjectif, comment avez-vous surmonté cela dans Welcome to Sweden? Greg Poehler. Nous avions des scénaristes suédois dans la writing room. Les blagues devaient être jugées drôles par nous tous avant de sortir de la pièce. Cela dit je ne crois pas que l’on puisse trouver une blague ou une série qui fonctionne partout. Il y a peut-être quelques exceptions à cette règle. Au mieux 70% des gens vont l’aimer. 20% la détester. Et 10% dire qu’elle est OK. C’est le pronostic le plus optimiste. Nous avons essayé d’écrire des trucs drôles qui fonctionnaient sur les Suédois et les Américains de la pièce en espérant que cela marcherait aussi dans d’autres pays.
ILTVSW. Il semble essentiel de savoir jeter des éléments qui nous sont chers pour écrire une bonne comédie, l’avez-vous fait? Greg Poehler. Je l’ai fait. Mais, il y en avait peu dans cette première saison. Je voulais surtout qu’elle se termine d’une certaine manière mais j’étais le seul. Je me suis battu dans ce sens aussi longtemps que j’ai pu, et puis, il y arrive un moment où il faut se rendre à l’évidence, j’étais seul contre 12 personnes qui disaient toutes que c’était une mauvaise idée. C’est la limite de la confiance en soi et de la fierté, il faut admettre que peut-être les autres ont raison. Je ne sais pas, je pense toujours que j’avais une meilleure idée (rires)! Je voulais finir sur un cliffhanger. Je ne voulais pas que l’intrigue soit résolue. Pour que les téléspectateurs attendent la saison 2. C’est douloureux. Même à 12 contre 1, je me demanderai toujours si mon plan n’était pas le meilleur.
ILTVSW. Est-il possible que le processus d’écriture collectif tue de temps en temps la créativité à cause d’une règle de majorité? Greg Poehler. Cela peut être mauvais. Regardez la bonne télévision américaine de ces dernières années. 30 Rock est vraiment la vision de Tina Fey. Louie est l’unique série contrôlée totalement par une seule personne. Et même Breaking Bad de Vince Gilligan entre dans cette catégorie. Ce sont des formats dans lesquels le contrôle du créateur qui est le seul en charge rend les séries meilleures au bout du compte. Il faut bien entendu que cette personne sache ce qu’elle fait et qu’elle ait du talent. Je dois dire que pour quelqu’un qui n’avait rien fait avant, j’ai eu plus de contrôle qu’aucun auteur dans l’histoire de la télé donc je ne peux pas me plaindre de n’avoir eu que 95% de contrôle. Si vous faites confiance aux gens avec qui vous travaillez et qu’ils disent tous la même chose, il faut prendre du recul, réévaluer et comprendre pour quelle raison ils disent non. Cela ne signifie pas que vous aimiez cela mais vous devez l’accepter. Cependant, c’est vrai, le risque existe. Plus il y a de gens impliqués, plus le risque existe. Particulièrement quand il s’agit d’une coproduction entre les Etats-Unis et la Suède. Quand différents pays sont impliqués, vous recevez de nombreuses notes contradictoires. Il faut se faire confiance et rester aussi fidèle que possible à sa vision originale. Je tenais particulièrement, par exemple, à un certain rythme pour la série. Je voulais qu’elle soit subtile. Cela n’a pas été facile mais je crois que nous y sommes parvenus.
ILTVSW. Vous avez choisi le chemin difficile de la comédie romantique … Greg Poehler. J’ai toujours secrètement aimé les comédies romantiques. Je les regarde souvent tout au fond dans les avions quand personne ne me voit. Je suis souvent frustré, je parle de cinéma, car elles emploient toujours une formule, on voit tout de suite où elles veulent en venir. Donc, j’ai voulu créer une série qui serait une comédie romantique drôle mais qui permettrait aussi de se sentir concerné par les personnages. Cela m’a toujours guidé dans le processus créatif. Je voulais que la série soit tendre. Je suis vraiment beaucoup plus sensible que Mindy Kaling (rires)!
Titre: Welcome to Sweden (2014- ) Créateur: Greg Poehler Cast: Greg Poehler, Josephine Bornebusch, Lena Olin, Amy Poehler Chaînes: TV4 (Sweden)/ NBC (USA)
Greg Poehler, the creator and showrunner of Welcome to Sweden was in Fontainebleau last july invited by the French screenwriters festival Série series. ILTVSW was lucky enough to seat with him and talk comedy, writing, coproduction and romantic comedies.
As the French network Arte is this week airing Lilyhammer, another comedy show telling the story of another American moving to the north of Europe, the timing was perfect to explore the challenges of such an artistic adventure.
ILTVSW. How much does comedy need to come from a personal experience to be great? Greg Poehler. I don’t know if it needs to be personal to be great. I think you can write a great comedy about something which has nothing to do with your life or your experience. I think it is easier if it is something you know. I do stand up comedy in Sweden and in the US and as a stand up comedian you learn pretty early on that the more stuff you can do that’s genuine and about your own life it’s better received by the audience. They appreciate it more and it turns up to be funnier. Also I think if it’s about you and your own experience, you just care more about it and maybe that makes it better in the long run because you really pay more attention than you would be if it was just a random story.
ILTVSW. The genuine factor is the most important thing in comedy writing? Greg Poehler. I don’t know if it’s a key to comedy. The show that I wanted to make was a show that felt real. When I watch television in general and comedies especially part of the things that I don’t like if when a comedy sacrifices reality and genuineness for laughs. That loses me. I personally don’t like the « jokes, jokes, jokes all the time » style. When you do genuine and real you do have to pull back on the comedy, it becomes less funny because life is not one joke after another. Hopefully in the long run the viewers connect more with a show like that. In a regular sitcom that has jokes all the time you don’t really develop an emotional attachment to it, you don’t need to watch every episode, you can just miss one. It’s a different type of show and viewing experience.
A lot of times you don’t get to make the show unless you write it
ILTVSW. A lot of great comedy TV shows are made by actors-writers, do you think it brings something more? Greg Poehler. I definitely think that if you are writing for yourself you know what your strengths are and you end up writing lines that you know are funnier for you and written in a way that you would actually say them. It’s difficult sometimes when you are telling somebody else’s jokes to deliver them in a way that sounds genuine. In that aspect I think it’s a huge advantage and benefit to have all the dialogue be something that you yourself stand behind and find to be funny yourself. But if you have a script that’s really well written by really funny people I think that could work just as well. Maybe a little bit less (smile).
ILTVSW. You know your strengths but you also know your weaknesses and maybe you do not want to go there … Greg Poehler. I don’t know if you want to go there if you are on camera … The danger might be that you wouldn’t write something that stretches your limits, maybe something you couldn’t do. That’s maybe the only downside to it.
ILTVSW. Do you have an explanation to the fact that there are so many acting-writing people in comedy which is not the case in drama? Greg Poehler. People who are in comedy in general tend to be writers anyway writing their own material weither it would be stand up or sketchs. It kind of goes hand and hand. Also I think, certainly in my case, a lot of times you don’t get to make the show unless you write it. And you wouldn’t be in it unless you write it. More and more you see people having to write stuff for themselves to be able to be given opportunities. That would be my advice to anyone who is trying to make it in comedy certainly is to write stuff for yourself. Don’t rely on somebody else. It is very rare that someone is going to write the perfect part for you. Also when you write something and you bring it to someone and you also want to act in it, it is tougher for them to say no. You have to be pretty bad for them to say no (laughs).
ILTVSW. Comedy is not an easy genre because people do not share the same humor, how did you deal with that with Welcome to Sweden? Greg Poehler. Our process was that we had Swedish writers in the writers room. Our test was all the jokes or scenes had to be funny for all of us before we would allow it to be sent out of that room. I don’t think you can ever find a joke or a show that works everywhere. There are probably some exception to that rule. At best you are going get 70% people liking it. 20% hating it. And 10% saying: it’s OK. That’s about as good as you can do. We tried to find jokes that worked at least for both Swedish and American in the room and hoped it would translate in every country.
ILTVSW. Killing darlings seems essential to write good comedy, did you on your show? Greg Poehler. I did. I have very few darlings I would say in the first season. I wanted to first season to end a certain way and nobody else wanted it to end that way. I fought for it for as long as I could and then eventually there was a point where it was just me against twelve people who all said no. Your confidence in yourself and pride can only go so far eventually you have to realize OK if everybody thinks this way maybe they are right. I don’t know, I still think I was right (laughs)! I wanted it to end in more of a cliffhanger way. I didn’t wanted it to be resolved. So that season 2 people would be waiting for it. It’s totally painful. I will always wonder even though I was out voted 12 to 1 if my way would have been better.
ILTVSW. Is there a possibility that the collaborative process in TV writing sometimes kills the creativity because of some kind of a majority rule? Greg Poehler. It can be bad. Look at the state of good American TV in the past years. You know 30 Rock was very much Tina’s vision, Louie is the only show there is where a person has total control over. Even Vince Gilligan for Breaking Bad. I think you find a format that if there is one person that’s kind of in charge and has real control over the show often times the end result is much better. As long as that person knows what they are doing and is talented. I have to say as someone who has never done anything before I probably had more control than any person ever like in the history of any show so I can’t complain that I only had 95% control. If you trust the people you are working with and they all say no, you have to take a step back and try to reevaluate and understand why they are saying no. You still hate it but you have to at least accept it. That said, there is totally a risk. The more people that are involved the more risk. Especially when you are talking about coproduction between Sweden and the U.S. With different countries involved you get so many conflicting notes and remarks. Ultimately you have to trust yourself and what you want to do and try to stay true to your vision as much as possible. I had a certain pace that I wanted the show to be. A little understated. Not so over the top. It was tough to stay true to what I wanted but I think it worked out.
ILTVSW. Not so easy the rom coms path … Greg Poehler. I have always secretly liked romantic comedies. I usually watch them on the back of airplanes when no one else is watching and hope no one sees me but I am often frustrated by them, I am talking movies now, because they are often kind of formulaic, you see where they are going right away. So I wanted to make a TV show that was a romantic comedy that was funny but where you still had characters that you were rooting for. That was always the guide for the show. I wanted it to be sweet. I am obviously much more sensitive than Mindy Kaling (laughs)!
Title: Welcome to Sweden (2014- ) Creator: Greg Poehler Cast: Greg Poehler, Josephine Bornebusch, Lena Olin, Amy Poehler Network: TV4 (Sweden)/ NBC (USA)