ILTVSW guest stars: Bruno Nahon et Rodolphe Tissot, les créateurs d’Ainsi soient-ils

5 Oct

Bruno Nahon, le producteur et Rodolphe Tissot, le réalisateur et directeur artistique de la série française Ainsi soient-ils ont accepté l’invitation de ILTVSW à l’occasion du retour de leur série pour une saison 2 sur Arte. Ils évoquent pour nous l’enjeu de la deuxième saison, sa résonance dans un monde où la religion occupe l’actualité quotidiennement, le travail effectué sur les huit nouveaux épisodes, l’écriture, la réalisation et la saison 3, dont le tournage a déjà débuté.

To my readers, exceptionally ILTVSW will only be French speaking this week. The french producer Bruno Nahon and the director Rodolphe Tissot both co creators of the show Ainsi soient-ils (Arte), exploring young men desire to become priests, are the guest stars of the blog today. But as soon as next week things will be back to normal meaning French & English. 

 

 

 

 

ILTVSW. La saison 2 de votre série est diffusée alors que chaque jour, en ce moment, il est question de religion dans les journaux télévisés … Est-ce qu’à un moment donné lorsque l’on a pour matière un tel sujet, on se sent investit d’une forme de responsabilité?
Bruno Nahon. Nous n’en parlons jamais entre nous. La religion est quelque chose de périphérique à notre processus de travail. Notre préoccupation est de faire une série, avoir des personnages, de créer des émotions, des choses dans le ventre … C’est la seule chose qui nous anime jour après jour. Nous avalons les sujets, nous les digérons. Notre seule obligation est de ne pas le faire comme la presse ou un documentaire pourrait le faire. Nous devons aborder la religion d’une façon originale et inattendue mais c’est tout.
Rodolphe Tissot. Pour nous, les personnages sont vraiment devant le sujet. A aucun moment, nous n’avons pensé: « Ouh là là, la religion, c’est très important à notre époque !» On ferait la même série si on traitait, au hasard, du football américain (sourire) ou des compagnons de la boulangerie. On voudrait de la même manière être le plus juste possible, raconter le monde dans lequel on vit par le biais de ce sujet-là. Nous ne vivons pas comme un poids supplémentaire, l’église et la religion. Bien sûr, nous avons conscience que le sujet est porteur de questions plus profondes mais nous ne nous sentons pas écrasés par ça.

ILTVSW. La réalisation magnifie quand même le rite religieux, cela a forcément une forme d’impact sur la perception du téléspectateur. Si l’on prend l’exemple de Friday Night Lights, cela aurait pu être une série qui disait que le sport détruit les hommes mais non, c’est au contraire une série qui affirme que le sport grandit les hommes …
Bruno Nahon. Ainsi soient-ils n’est pas une série contre les gens qui croient, contre les gens qui ont la foi, contre le Vatican. C’est une série qui raconte comment une croyance vit dans chacun de ceux qui s’en veulent les porte-paroles. Le royaume d’Emmanuel Carrère parle de cela avec un énorme succès, cela m’étonne que personne n’ait d’ailleurs fait le parallèle car on a un écrivain majeur de sa génération, l’un des deux ou trois meilleurs romanciers français aujourd’hui, qui prend comme objet l’étude la naissance du christianisme et ce qu’est profondément le catholicisme. Nous, cela fait déjà plusieurs années que l’on essaie de raconter cela. En posant la question: « Est-ce que c’est tenable? » Maintenant, effectivement, la sensibilité de Rodolphe est de montrer qu’il y a de la beauté là-dedans.
Rodolphe Tissot. Quoi que je fasse, j’ai beaucoup d’empathie pour mes personnages. A partir de là, quand je filme une messe ou des personnages qui croient, j’y crois comme eux même si au fond de moi peut-être pas. Et j’essaye de le restituer. Sans essayer de convaincre. La série n’a pas du tout pour but le prosélytisme.

ILTVSW. Votre série relève donc totalement du domaine de l’intime?
Bruno Nahon. Les personnages d’Ainsi Soient-ils, ils ont eu, et il faut l’accepter comme dans Lost ou Les Revenants, une révélation. Chacun a rencontré Dieu ou quelque chose de sacré. Ils ont reçu une révélation. Ce que l’on va tester nous, c’est à quel point cette révélation-là tient à l’épreuve du réel. Nous n’avons absolument pas mesuré ce qu’allait devenir le monde quand nous avons commencé à travailler en 2007. C’était éloigné du 11 septembre, il y avait à l’époque très peu de débats autour de la religion. La question de l’intégrisme était absente.

 

Rodolphe Tissot: « Nous n’avons aucun tabous »

 

ILTVSW. La saison 3, actuellement en tournage, intégrera-t-elle la montée des radicalismes religieux?
Bruno Nahon. Nous bouclerons quelque chose là-dessus en saison 3. Mais, notre métier est un peu de nous mettre de côté, voire d’élever le débat. Il est urgent d’être paisible quand il s’agit de traiter ces questions-là qui sont brûlantes. Si l’on s’approche trop près, cela ne produit rien à part de blesser. Si l’on est à la bonne distance, on peut voir la lumière, la chaleur, la flamme et questionner ce que l’on est en train de voir. Face au tumulte ambiant, nous avons envie de montrer le côté lumineux des choses.
Rodolphe Tissot. Nous n’avons aucun tabous sur tout ce qui peut concerner l’Eglise et la religion au sens large. Au fil des saisons, nous allons explorer de nouveaux sujets cela pourra être l’Islam, la confrontation à d’autres religions, le sexe, les problèmes financiers … Après, nous ne serons quand même jamais sur le terrain du mysticisme. Ce n’est pas une série qui demande : »Qu’est-ce que croire en Dieu? » et qui donne des réponses. Les gens qui voudraient trouver dans la série des éclairages sur le sujet ne les trouveront pas. Ainsi Soient-ils c’est la société, les hommes, l’humain. Ces gens croient en Dieu. Pourquoi ils y croient et est-ce que c’est bien, nous ne traitons pas cette question.

 

David Baiot (Emmanuel), Julien Bouanich (Yann), Clément Manuel (Guillaume), Samuel Jouy (José) et Clément Roussier (Raphaël)

 

ILTVSW. Comment avez-vous construit l’esthétique de la série?
Rodolphe Tissot. J’ai une conviction : le comédien est le centre de l’esthétique. C’est ce que nous avons envie de faire passer dans la série, au-delà de l’image, de l’éclairage, des plans, de la caméra à l’épaule, le choix du comédien et la manière de le diriger, c’est 70% de l’esthétique. Il y a mille manière d’interpréter chaque dialogue, chaque personnage, chaque intention et une bonne partie de ce que l’on peut ressentir en regardant la série vient du choix des comédiens. Je ne dis pas que le reste est secondaire mais le plus important est là. Dans les séries qui nous plaisent, c’est la même chose. Avec d’autres comédiens et une autre manière de jouer, on pourrait emmener la série ailleurs. On pourrait faire des méchants, de vrais méchants, par exemple. Nous prêtons beaucoup de soin à cet aspect du travail avec Bruno. Ensuite, nous ne sommes pas dans une approche esthétique documentariste mais vraiment conscients que l’on fait une fiction et que l’on veut donner du plaisir aux téléspectateurs. Nous voulons raconter une histoire.

ILTVSW. Votre journée de travail sur le plateau à quoi ressemble-t-elle?
Rodolphe Tissot. Je ne découpe pas ou très peu à l’avance. En revanche, et je pense que c’est une vraie différence avec beaucoup de réalisateurs de télévision, je connais les textes par coeur. Je les ai lu, relu, travaillé avec les auteurs. Je les ai annoté. J’ai passé mon temps à les relire. C’est pour cela que cela ne me pose aucun problème de crossboarder huit épisodes. Le temps que je ne passe pas à faire des story board, je le passe à digérer le texte. C’est-à-dire savoir exactement où on en est de l’histoire, qu’est que l’on raconte, pour ne pas avoir avoir à me replonger dans le scénario quand j’arrive sur le plateau.

ILTVSW. Une démarche qui commence pendant la préparation?
Rodolphe Tissot. Oui, aussi en préparation. Combien de figurants? Combien d’enfants? Quelle musique? Comme je prépare beaucoup tout ça est digéré quand j’arrive sur la journée de tournage. Je découpe le matin même. Je viens tôt sur le décor. J’en ai besoin. J’ai éventuellement mes comédiens que j’arrache du maquillage pour venir avec moi. Je répète un peu la scène avec eux. Et là, je vois où il faut mettre la caméra pour essayer d’avoir quelque chose de chouette dans le temps qui nous est imparti. Il m’arrive d’avoir une idée assez précise alors je m’y tiens. Il arrive aussi que l’un des comédiens propose un truc et qu’il ait raison. Tout cela se fait le jour même. Pour mes tout premiers films, j’avais tout découpé à l’avance et j’ai arrêté car cette nouvelle méthode me correspond mieux. Cela oblige à réfléchir vite, à trouver les solutions rapidement mais j’aime bien. Je travaille avec Pénélope Pourriat ma chef opérateur. Cette méthode donne une forme de vérité.

 

Sur le tournage de la saison 1, la série s’appelait encore « Ministères »

 

ILTVSW. Vous êtes donc totalement immergé dans Ainsi soient-ils pendant votre tournage?
Rodolphe Tissot. Je le dis souvent un peu en rigolant je dors Ainsi soient-ils, je mange Ainsi soient-ils (sourire).
Bruno Nahon. Il faut savoir que Rodolphe et moi, on se réveille tôt le matin. Comme à peu près tous les gens sur cette planète, la première chose que je fais est d’allumer mon téléphone. Et, je reçois des mails de Rodolphe écrit souvent à six heures du matin. Je sais qu’il est déjà sur des questions ou des colères car des choses ne fonctionnent pas. Il est totalement habité par la série ce qui est la condition nécessaire à son succès. Ce n’est pas possible de prendre la responsabilité de livrer aux téléspectateurs huit épisodes saison après saison de cette série, si Rodolphe n’a pas un disque dur intérieur occupé par la série. Sur chaque séquence, il sait intimement ce qui se joue en terme de production, de jeu mais, surtout, en terme de sens. Et pour chacun des personnages présents dans la scène et dans la série. Dans chaque épisode, il y a une quarantaine de scènes. Cela signifie qu’il y a quarante sens à donner. A ne pas trahir. A encore jouer mieux. C’est phénoménal.

ILTVSW. Ainsi soient-ils est votre première série. Qu’avez-vous appris au terme de la première et comment commence-t-on la deuxième ou la troisième saison?
Bruno Nahon. Il y a un truc qui continue à m’étonner quand on se réunit, c’est qu’on continue à s’engueuler. C’est pour moi un signe de bonne santé. Cela signifie qu’on est encore plus mobilisé sur la série qu’auparavant. Je ne sais pas si l’on pourra revivre cela. Il y a un alignement de planètes sur cette série entre nous quatre, la chaîne qui est exigeante mais nous fait une confiance totale, qui est fantastique. Plus des comédiens qui sont aussi de vraies rencontres amicales et fortes. Je développe même avec l’un d’entre eux qui veut passer à la réalisation le premier film. Nous nous sommes toujours demandés: « Qu’avons-nous raté? » et dit: « Il faut qu’on l’améliore ». La série s’est construite à la base de façon très très déployée, c’est une série horizontale. C’est un danger. Le danger, c’est l’éparpillement. Le manque de temps nécessaire pour approfondir. Dès que nous nous sommes mis sur la deuxième saison, nous avons choisi de travailler avec moins de personnages. Cela nous a permis d’aller creuser plus profond, de nous recentrer sur le séminaire et de tourner moins de scènes mais des scènes plus longues. Nous avons crée les conditions d’une amélioration sensible. Je pense qu’il y a une urgence à ralentir. Les téléspectateurs viennent avec nous dans ce pacte. Eux aussi ont besoin de ralentir. Internet est l’objet de l’accélération du temps mais la télévision et le cinéma peuvent, peut-être, à certains moments jouer ce rôle de ralentir. De remettre le téléspectateur dans une autre temporalité.
Rodolphe Tissot. J’avais cette sensation, on l’avait tous les quatre avec David Elkaïm et Vincent Poymiro (les scénaristes, NDLR), qu’il y avait quelque chose d’un peu brouillon et de pas totalement maîtrisé surtout dans la deuxième partie de saison. Donc, nous avons travaillé là-dessus et je pense que la saison 2 y a gagné beaucoup. Notamment par un acte concret. J’ai vraiment insisté auprès des auteurs et auprès d’Arte pour qu’on ne commence pas à dialoguer le premier épisode tant que nous n’avions pas un premier séquencier du dernier épisode. Juste pour savoir où on allait et ce qu’on allait raconter. C’était quelque chose qui m’avait manqué en saison 1. Nous avions commencé à tourner avant de terminer d’écrire. Je pense que cette décision a aidé les auteurs et bonifié leur travail. Au lieu de faire quinze versions du premier épisode et de savoir vaguement ce qu’il y aurait dans le huitième, ils ont tout monté en parallèle. Que la saison 2 marche ou ne marche pas, il y a quelque chose qu’on ne peut pas lui enlever, c’est qu’elle est cohérente du début à la fin. Il y a quelque chose d’équilibré.

 

Le sexe, la crise, la mort … les thèmes de la saison 2

 

ILTVSW. Vous avez réalisé l’intégralité de la saison 2, c’est une une tendance que l’on voit s’affirmer même aux Etats-Unis comme récemment avec True Detective ou The Knick
Bruno Nahon. Quand on a commencé et confié la réalisation à Rodolphe, on s’est un peu moqué en nous disant: « Vous le faites à la franchouillarde ». Il y avait un truc pernicieux en France qui consistait à dire: « Le même mec ne peut pas tout faire, il va fatiguer ». Moralité, on ne se préoccupe pas des coutumes et de l’époque. On fait comme on le sent.
Rodolphe Tissot. Je me sens capable de tout réaliser, cela ne me pose pas de problème. Je pense que huit épisodes c’est quand même un maximum. On me dirait il y en a douze, je ne sais pas si cela serait toujours possible. Cela dit, même si je ne suis pas du tout corporatiste « réalisateurs », surtout que j’écris aussi, il y a quand même eu à un moment un discours qui consistait à dire: « Les séries ce sont les scénaristes, les réalisateurs on s’en fout un peu, ils sont là pour tourner le truc ». Quand Ainsi soient-ils est sorti, ce discours était encore bien présent. Alors que je pense qu’une série c’est de l’écriture et de la réalisation.

Titre: Ainsi soient-ils
Créateurs: David Elkaïm, Bruno Nahon, Vincent Poymiro et Rodolphe Tissot
Scénaristes: David Elkaïm et Vincent Poymiro et avec Arthur Harari en co-écriture pour les épisodes 3 et 6 de la saison 2
Cast: Thierry Gimenez, Julien Bouanich, Samuel Jouy, Clément Manuel, Clément Roussier, Jacques Bonnafé, Jean-Luc Bideau, Yannick Renier, Corinne Masiero …
Diffuseur: Arte chaque jeudi à 20h50 et sur Arte Replay

© 2014 ILTVSW – La reproduction partielle ou entière de cet entretien n’est pas légale sans l’accord préalable de ILTVSW.

La semaine prochaine dans ILTVSW … Oups, pas encore tranché, désolée.

ILTVSW pilot crush: Black-ish

28 Sep

FRA/ENGLISH

Tadaam! Aujourd’hui, au programme, des maths et de la chimie. Oui, c’est possible d’avoir été la pire des élèves en science (0,5/20 au bac à l’épreuve de maths) et d’avoir surmonté le choc post traumatique qui a suivi pour essayer un jour de faire quelque chose avec des chiffres et des formules. Évidemment, il faut qu’un contexte favorise un tel acte de bravoure. C’est le cas aujourd’hui. La rentrée séries TV bat son plein. Une période de vie ou de mort pour les nouveaux venus. Logiquement totalement obsédés par les audiences et les cibles significatives (vous avez entre 18 & 49 ans, eh bien, oui, c’est vous). Bref, les maths, quoi. C’est donc un chemin très dangereux que j’emprunte aujourd’hui. Je vais sagement me concentrer sur une seule équation.

Depuis que j’ai commencé à bloguer, le sujet de ILTVSW a toujours été l’exploration des sentiments durables. Qu’il s’agisse de l’amitié ou, oui disons le mot, l’aaaaamour. Mais, dès cette semaine, j’ai décidé de m’aventurer, de temps en temps, sur le territoire connu en calcul littéral comme X = N – 1. Ce qui traduit en français donne: que se passe-t-il juste avant le sentiment durable? Le crush, quoi. Un truc se passe, on ne sait pas trop quoi. On veut juste qu’il se passe encore. Et encore. Tout le sujet de mon nouveau type de posts ILTVSW pilot crush.

Grâce à la chaîne ABC, je peux me lancer avec un énorme crush. Son titre: Black-ish. Une sitcom qui nous raconte le quotidien d’une famille noire aisée en proie à « un questionnement d’ordre identitaire » résumerait un professeur au Collège de France ou sa « Blackitude » comme dirait le ministre de l’écologie. N’objectez pas qu’il y a trente ans déjà un talentueux artiste appelé Bill Cosby avait montré à la télévision qu’on pouvait être un médecin et une avocate mariés et élever une joyeuse et harmonieuse famille noire. A cette époque, c’était révolutionnaire. Et cela a, sans aucun doute, influencé l’imaginaire collectif américain.

 

Nous ne sommes pas un groupe monolithique 

 

The Cosby Show (*) ou la première étape d’une nouvelle normalité. Black-ish n’aura évidemment pas le même impact. Cependant, il repousse une nouvelle frontière. Il permet à un homme noir, Andre Johnson, de dire haut et fort en prime time à la TV: « Je veux trop que mes enfants soient noirs! » Culturellement noirs. Non, le poulet frit n’est pas du poulet rôti (**) Il ne faut pas rigoler avec les traditions. En s’autorisant cela, la série pose une question: qu’est-ce qu’être noir dans l’Amérique aujourd’hui? Cela suffit-il à définir un individu?

Le titre Black-ish est en anglais un adjectif et, dans le cas qui nous occupe, un début de réponse. Dans la série, les enfants n’ont pas à voir le monde en noir et blanc. C’est parfait aussi, s’ils veulent simplement voir des enfants. Prise de position sacrement audacieuse de Kenya Barris, son créateur. « Je ne souhaite pas que l’on soit fan de tout ce qui est noir parce que je ne le suis pas, dit-il dans une interview à un des blogs d’Indiewire croisant les doigts pour que son travail rencontre le public. Mais, j’ai la conviction qu’il est impératif de voir que nous ne sommes pas un groupe monolithique ».

Pour réussir, le scénariste a choisi d’utiliser tous les clichés. Les préjugés des Blancs comme ceux des Noirs. C’était ultra risqué. La beauté de Black-ish c’est que cela fonctionne sans être blessant mais, surtout, sans auto censure. Les auteurs se saisissent de tous les défis que doivent affronter les États-Unis pour essayer d’entrer, une fois pour toute, dans l’ère post raciale. Tout ça en 21 minutes de TV. Depuis près de 10 ans, j’écris sur la TV et je suis à peu près certaine, qu’une série comme celle-là ne naîtra pas demain en France. Ni le jour suivant, d’ailleurs. Oui Black-ish peut s’améliorer. En attendant profitons du crush. Qui sait, l’amour pourrait bien arriver …

(*) The Cosby Show a été diffusé entre 1984 et 1992 sur NBC soit un total de huit saisons et 201 épisodes.
(**) le poulet frit ou friend chicken est une spécialité culinaire du sud des Etats-Unis souvent vue comme un plat afro-américain

La semaine prochaine dans ILTVSW … Oups, pas encore tranché, désolée.

 

 

Black-ish (2014-   )
Créateur/Creator: Kenya Barris
Cast: Anthony Anderson (Andre Johnson), Tracee Ellis Ross (Rainbow Johnson), Laurence Fishburne (Pops)
Maths: 13 épisodes
Chaîne/Network: ABC

 

Tadaam! Today it’s all gonna be about mathematics and chemistry. Yes, it is possible to be the worst science student ever (0,5/20 end of high school maths exam grade) and yet not being traumatized enough to give up numbers and formulas when times require an act of bravery. These times have come. It’s Fall TV season. Aka life or death period for the newcomers. The kind of people totally obsessed by ratings, key demo and well, maths. This is not a path I can safely take. Obviously. So today I am going to be focusing to make things right with only one equation. 

Ever since I started blogging, ILTVSW has been about deep feelings weither they were long lasting friendship or, yes let’s say the word, looooove. But this week, from now on and time to time, I have decided to allow myself to explore the N – 1 territory. In others words : what occurs just before deep feelings. The Crush. Something happens and you just know you want that moment to happen again. And again. That’s the all point of my I Love TV so what pilot crush new type of posts.

Thanks to ABC, I can start with a huge crush. Its title: Black-ish. The sitcom tale of an upper middle class black familly struggling with what we would call in France its « blackitude » because of our environment secretary who has a thing with « itude ». Do not object that 30 years ago a brilliant man called Bill Cosby already showed on TV that you could be a doctor and a lawyer happily married and raising a beautiful & joyful black familly. Back then, it’s was revolutionary. And it has obviously impacted the American collective imagination. 

We are not a monolithic people 

 

The Cosby Show was the first step of a new normal. Black-ish will not be as equally important but is doing something crucial. It’s allows a black man, Andre Johnson, on prime time network television to say loud and clear: « God, I so want my kids to be black! » As in culturally black. As in fried chicken is not oven baked chicken. You do not want to mess with traditions. In doing so, it asks a question : what is it to be black in 2014 America? Does it still define an individual? 

The title of the show Black-ish is an adjective and also the beginning of the answer. In the show, kids do not have to see the world in black and white. It’s OK if they just want to see kids. This is a daring statement Kenya Barris, the show creator, is making. « I’m not for having to support everything that’s black, because I definitely don’t, he said in his Indiewire blog interview crossing fingers for the audience to turn up. But I do feel like it is imperative for us to see that we are not a monolithic people ». 

He chose to do so breaking down all the clichés. White people clichés about black people. And the other way around. It was not a safe move. The beauty of Black-ish is that it works without being offensive but also without self censorship. Writers seem to have decided to raise all the issues that America faces to step, for good, in the post racial era. In 21 minutes of television. I have been writing about TV for nearly the ten past years and I am pretty sure, this is not going to happen tomorrow in France. Or not even the day after. Yes, Black-ish can get better. But, let’s enjoy the crush. And hope that love will come around!

Next week in ILTVSW … Oups, not decided yet, sorry.

ILTVSW craque aussi pour/also loves … P’tit Quinquin

14 Sep

FRA/ENGLISH

OMG (Oh. Mon. Dieu). C’est considérable. Je suis toute émue. Ce dimanche, je m’apprête à confesser une inclinaison peu commune. Dans la vraie vie, c’est toujours un truc horrible à faire. Mais, les gens, nous sommes sur Internet, je ne vous entendrai donc pas hurler: « P (biiiiip), elle a perdu la tête! » Allez, soyons audacieuse. Oui, je suis amoureuse. Encore. Mais, cette fois-ci, je me consume pour une mini-série française. Pour mes lecteurs étrangers, par française j’entends provenant de ce petit pays proche de Londres ou de Rome où des choses dingues arrivent un peu chaque jour ces temps-ci. C’est pour cette raison que P’tit Quinquin, du surnom du héros adolescent de la série, est considérable.

Son créateur, le cinéaste Bruno Dumont (récompensé à deux reprises au Festival de Cannes) explore la comédie pour la première fois de sa carrière. Peut-être parce qu’il a longtemps attendu, il ne s’est fixé aucune limites. Le résultat est hilarant bien que jamais vulgaire et délicieusement poétique. En racontant l’histoire de deux flics lancés sur les traces d’un tueur en série qui a décidé de placer les morceaux de ses victimes dans « le cul des vaches » il rend hommage aux rois de la comédie en noir et blanc. Ce qui signifie qu’un descendant de Buster Keaton & Charlie Chaplin a micro ouvert en prime time à la télévision française. Vous, les Américains, ne vous inquiétez pas, la série est diffusée sur Arte, une chaîne culturelle. L’équivalent cathodique de The New Yorker, presque.

La marque de fabrique de Bruno Dumont est qu’il n’aime pas engager des acteurs professionnels et qu’il aime poser sa caméra dans le Nord de la France. Avec P’tit Quinquin, c’est encore le cas. Même si, de temps en temps, la série rappelle étonnamment une autre heureuse surprise True Detective. Comme une version terroir & burlesque du travail de Nic Pizzolatto. Parce que vraiment, dès les premières minutes, on comprend et on se fout du fait que P’tit Quinquin n’est pas une série policière. L’enquête est bien le dernier des soucis de Bruno Dumont. Il utilise le genre pour attirer les foules. Et puis laisse finalement la magie opérer. Réécrivant de manière un peu folle sa série une nouvelle fois en salle de montage avec tous les petits trésors que ces primo acteurs lui ont offerts sur le plateau.

P’tit Quinquin pourrait n’être qu’un exercice de style. Ce n’est pas le cas. Sans être donneuse de leçons, elle dit beaucoup sur la médiocrité quotidienne et les préjugés. Des trucs un peu utiles en France, aujourd’hui.

Série made in France. Hilarante et touchante. Potentiel BFFF : total. À regarder pour aimer, pour sourire, pour pleurer, pour réfléchir.

 

 

Titre/title: P’tit Quinquin (2014)
Créateur/Creator: Bruno Dumont
Maths: 1 saison/season – 4 épisodes/episodes
Chaîne/Network: Arte
A partir du 18 septembre à 20h50

 

OMG. This is huge. I am so emotional. This Sunday I am about to confess an unusual kind of love. IRL it is never an easy thing to do. But, guys, we are on the Internet so I will not hear you yell: « What the F (biiiiip)? » So let’s be straightforward. Yes, I am in love. Again. But this time with a French mini series. By French I mean coming from this little country not far from London or Rome where things are getting crazy every day these days. That’s why P’tit Quinquin, from the nickname of the teen hero of the show, is huge.

Its creator the filmmaker Bruno Dumont (twice awarded at the Cannes Film Festival) is exploring comedy for the first time of his career. Maybe because he has waited so long he has decided not to limit himself. The result is hilarious though never vulgar and exquisitely poetic. Telling the story of two cops chasing a serial killer who places pieces of his victims bodies in « the bottom (literally) of cows » he is paying tribute to black and white and silent comedy kings. Which means that a descendant of Buster Keaton & Charlie Chaplin has an open mike prime time on French TV. You, Americans, do not worry, it’s aired on Arte a cultural channel. The equivalent of The New Yorker, kinda.

Bruno Dumont’s trademark is that he doesn’t like to hire professional actors and that he likes to set his fictions in the North of France. Once again he did so with P’tit Quinquin which from time to time amazingly remembers True Detective. A French terroir and funny version of Nic Pizzolatto’s show. Because really after a few minutes, you both understand and don’t care that P’tit Quinquin is not a cop show. Bruno Dumont doesn’t give a damn about the investigation. He just uses the genre to attract the crowds. And to let the magic happen. Crazily writing his show again in the editing room with all the little treasures his first time actors gave him on the set.

P’tit Quinquin could only have been a stylistic exercise. It is not. Without being preachy it says a lot about prejudices and every day mediocrity. Useful stuff France can use these days.

Made in France TV show. Hilarious and powerful. BFFF potential : total. To watch to love, to laugh, to smile, to think, to cry.

ILTVSW Summer Prom 2014

22 Juin

FRA/ENGLISH

Well, my friends, the time has come. To raise the roof and have some fun. Throw away the work to be done. Let the music play on. Play on, play on. Everbody sing, everybody dance. Lose yourself in wild romance. We’re going to party. Karamu, fiesta, forever. Come on and sing along! Alllllllllll night long … Oups, dis donc, vous tombez en plein bal de promo ce soir sur I love TV so What?

Grâce aux premières étoiles de l’été et à quelques Mojitos, Cécile de Femmes de séries, Lubiie de Lubie en série, Astiera de Séries addict so what?, Yann de Séries, le blog !, Jérémy de Time of the season et Guillaume de Lucarne ont déjà quitté leurs Stilettos ou abandonné leurs vestes de smoking …

Passer une soirée avec des stars de la blogosphère séries, juste ce qu’il fallait pour ne pas me laisser abattre par le blues de fin d’année. Surtout qu’ils ne sont pas venus seuls mais avec leurs personnages préférés.

C’est promis, on vous a concocté un bal de promo dans les règles de l’art. Prom queen, drames & love story … Come on ! Et bel été à tous !

To my readers, exceptionally ILTVSW will only be French speaking this week. The blog is hosting a TV Prom with French TV bloggers. But as soon as next week things will be back to normal meaning French & English. English speaking bloggers you are welcome to contact me to guest post. Happy summer to you all !

 

 

ILTVSW. C’est la fin de l’année qui sont les Prom queen & king 2014?

Cécile. Si on respecte la logique des couples et des séries, je vote pour Virginia Johnson et Bill Masters. Par contre le bal de promo risque d’être un peu salé avec ces deux-là !! Et si on fait les foufous et que l’on croise les séries, je tente un truc audacieux : Alicia Florrick et Oliver Queen ! Ouais, je suis trop une rebelle, moi !

Astiera. Mon roi de la promo est sans conteste Hannibal Lecter. Oui, oui, un psychopathe de la pire espèce, cannibale de son état. Mais comment résister à l’Hannibal magnétique, terrifiant et tellement sensuel décrit par Bryan Fuller et si formidablement interprété par Mads Mikkelsen ? Et, dans cette saison 2, cela a été un véritable festival. J’en suis encore toute transportée ! Pour l’accompagner, je ne vois qu’une seule reine possible : Catherine Cawood, héroïne de la géniale minisérie anglaise Happy Valley. L’écriture de Sally Wainwright et l’interprétation de Sarah Lancashire sont tout simplement magnifiques et donnent vie à un personnage qui l’est tout autant. Durant six épisodes, j’ai pris un plaisir fou à plonger dans cet univers à la fois banal, médiocre, violent, tendre et touchant (si, si, je vous assure, tout ceci à la fois) et à partager les peines, joies, colères, forces et faiblesses de cette femme si enthousiasmante !

Lubiie. Le bal de promo, c’est à chaque fois des petits nouveaux pour remplacer la génération précédente : cette année, Cillian Murphy a marqué les esprits en leader du clan Shelby dans Peaky Blinders et à ses côtés la captivante, Virginia Johnson qui ensorcèle l’assemblée dans Masters of Sex. Cependant, si les anciens comptent toujours, en supplément du King, le mystique Don Draper (Mad Men) et Julia Louis-Dreyfus (Veep) en Queen de l’humour.

Yann. J’ai choisis une reine de promo très récente ! C’est une actrice dont on ignorait tout avant ce rôle. Il s’agit d’Allison Tolman. Non seulement, elle fait des débuts éblouissants mais elle parvient à faire oublier une comparaison qui devait pourtant planer comme une épée de Damoclès au dessus de son rôle de Molly dans Fargo. Si la série s’est adroitement positionnée par rapport au film originel, son personnage était l’alter ego de celui qui avait été si brillamment interprété par Frances McDormand. Tolman dépasse l’illustre actrice pourtant oscarisée pour ce rôle et Fargo (la série) lui doit beaucoup. Pour le roi, ce sera Matthew McConaughey sans hésiter. Un acteur qui transforme en or tout ce qu’il touche actuellement et qui livre une performance impressionnante via l’abîmé Rust Cohle dans True Detective. J’ai été bouleversé par la série et McConaughey en est responsable en grande partie.

Jérémy. Marrant que tu poses cette question, car ce que j’ai en tête, ce n’est pas une série, mais un homme et une femme qui dansent au son du My Way de Frank Sinatra. Don Draper et Peggy Olson ont toujours eu des scènes formidables, avec ce mélange d’attraction et de répulsion. Mais celle-ci, lors du sixième épisode de la saison 7, de par son apaisement teinté de mélancolie fait mouche et restera comme un des plus beaux moments de la saison. Ces deux-là sont le cœur de Mad Men. Le nôtre de cœur est en miette. Plus que sept épisodes avant la fin … Bon et un big up a Mindy Kaling, The Mindy Project, que j’adore.

Guillaume. J’ai bien envie de synchroniser nos calendriers et célébrer Sue Heck et Darrin (The Middle). Un couple qui brille par leur innocence, une naïveté si élémentaire qu’ils semblent atteints d’angélisme. Bien sûr, cette attitude comme acte de résistance, j’aurai pu l’appliquer au couple Ben & Leslie (Parks & Recreation), lui son regard un peu ahuri et sa folie geek contraste avec sa rigueur comptable mais elle, Leslie, c’est peut-être la version adulte de Sue Heck. Elles possèdent cette même hargne qui confond parfois enthousiasme et entêtement mais on se dit que le monde serait meilleur peuplé de Sue et de Leslie. Sue et Darrin, c’est un couple improbable, fait l’un pour l’autre. Quelques grammes de candeur dans notre quotidien cynique.

 

 Ben alors Franck Underwood, c’est pas la forme ?

 

ILTVSW. Forcément, certains n’ont pas été à la hauteur de leur réputation & d’autres ont montré un potentiel que l’on ne soupçonnait pas …

Cécile. On commence par les bonnes nouvelles. J’ai été particulièrement bluffée par Arrow cette année qui a complètement et parfaitement embrassé son côté comics alors même que la saison 1 n’était pas géniale. Mais là, évolution des personnages et des interprétations, structures narratives intelligentes et choix gonflés sont au rendez-vous. Dans la catégorie déception, le final de Dexter est tout en haut de la liste ! Non mais franchement, cette dernière scène, c’est n’importe quoi !

Astiera. Je risque de me fâcher avec la maîtresse de maison, mais tant pis, je me lance : la rupture ne cesse de se préciser chaque saison un peu plus entre moi et Don Draper. Je sais, je sais, je frôle le crime de lèse-majesté, mais telle est la vérité : depuis la saison 4, rien ne va plus entre nous. Le Don que j’avais tant aimé me déplaît, me déçoit, m’indiffère. Je n’ai même pas terminé de regarder la première partie de la saison 7, c’est dire … La bonne surprise est venue de Lester Nygaard. Je l’avoue, je n’ai pas vu le film Fargo (bouh, c’est mal, je sais) et je n’avais donc absolument aucune idée de ce que la série Fargo pouvait donner, si ce n’est que j’allais y retrouver mon Martin Freeman adoré. Mais je craignais que ce Lester reste cantonné à être un loser, un type médiocre et banal. Eh bien il l’est assurément, mais je ne soupçonnais pas une seule seconde qu’il deviendrait tout autre et que Martin Freeman allait être aussi flippant. Et j’adore ça !

Lubiie. Ted et sa bande de copains de How I Met Your Mother ont fait une sortie désastreuse après neuf ans. Matt Leblanc était hilarant cette année et cette troisième saison d’Episodes est réussie après deux saisons précédentes irrégulières. Après des saisons 1 convaincantes, ils continuent dans l’excellence pour The Americans, Devious Maids et Veep !

Yann. J’ai été déçu par le retour de Frank Underwood. House of Cards ne parvient pas à se renouveler efficacement et c’est un premier faux pas pour Netflix en quelque sorte. Par contre, Amazon a frappé fort avec 5 nouveaux pilotes dont 4 commandés (Mozart in the Jungle, Transparent, Bosch, The After) qui s’annoncent très prometteurs. Le saut de qualité par rapport à leurs deux premiers efforts (Alpha House et Betas) est tout simplement spectaculaire. Il faudra compter avec Amazon dès cette année !

Jérémy. Évidemment la saison 2013-2014 a réservé son lot de déceptions. Mais également de grosses satisfactions. Et, c’est ça que je retiens avant tout, je suis quelqu’un de positif ! Hannibal et The Good Wife repoussent les limites de ce qu’on a l’habitude de voir sur des grands networks tandis que True Detective, Banshee, Looking ou Louie déploient leur science du récit et un charme fou. Bon, j’ai quand même goûté à mon lot de séries de network un peu caca, des prods JJ Abrams douteuses (Revolution, Almost Human), des dramas ronronnants (Chicago PD, Intelligence) et des comédies datées (Friends With Better Lives). Ouais, bon, en fait plein de trucs pourris. Mais, c’est ce qui rend les bonnes séries si agréables à regarder pour un sériephage, on mate tellement de mauvaises séries …

Guillaume. Syndrome de la page blanche pour Richard Castle, cette année. Est-ce l’organisation de son mariage avec Kate qui a rendu l’écrivain si … responsable ? Le mot lâché fait mal. Sa dimension juvénile cadenassée par l’aspect contractuel de l’amour et c’est tout un univers qui fait le grand plongeon. Castle a passé une saison en apnée, en espérant qu’il remonte rapidement à la surface pour retrouver son souffle insolent et sa posture ludico-post-moderne. L’apathie qui avait gagné la bande du Big Bang s’est envolée, alors que je pensais le mal incurable. Le groupe devenu équation sans inconnue a retrouvé sa dynamique et l’osmose renouvelée a permis des échanges chimiques propres à exciter les zygomatiques. Les miracles existent et on peut le prouver scientifiquement. Autre miracle : Sherlock émouvant ! Dans sa relation avec Watson et un discours de garçon d’honneur aussi diablement aliéné que sincèrement touchant. Il y a un cœur qui bat derrière cet amas de processeurs et barrettes de mémoire vive. Comme un fantôme dans la machine.

 

Martin Freeman – Fargo

 

 

ILTVSW. Il y a aussi ceux qui ont quitté l’antenne pour toujours et que l’on pleurera au moins pendant les dix prochaines années, c’est atroce.

Cécile. Je sens qu’on veut me faire parler de Breaking Bad avec cette question insidieuse !!! Mais non, ça ne va pas marcher étant donné que je n’ai vu que le pilote de la série (lequel d’entre vous vient de me jeter une merguez, là ?!). J’ai très mal vécu l’annulation de The Borgias qui remonte déjà un peu. Arrêter une série à la saison 3 alors que la fin était prévue dans la 4, c’est d’une bêtise incroyable. Et puis c’était d’une qualité fabuleuse.

Astiera. Le seul personnage dont j’ai suivi la trajectoire et à qui j’ai dû dire adieu durant cette saison 2013-2014 a été Dexter, et comment dire, je ne vais pas le pleurer les dix prochaines années … En revanche, Debra, c’est une autre histoire (faible je suis) !

Lubiie. La famille Chances de Raising Hope sera regrettée et pour longtemps. Cette série « so cute » était un bouffé d’air dans la semaine. Being Human US fait partie aussi des séries que je pleure. C’est tout simplement sentimental, véritable passion pour la saison 1, j’ai eu la chance d’interviewer les trois acteurs principaux : ma première interview et en anglais ! Alors, je dis au revoir avec un pincement au cœur à ces trois colocataires hors normes…

Yann. Je ne sais pas si l’on peut citer Birgitte Nyborg comme faisant partie de cette promo. Elle me manque, Birgitte ! Borgen me manque. Le Danemark me manque.

Jérémy. Comme des millions de personnes, je pleure encore l’annulation de Community, même si un espoir de reprise par Hulu persiste. Finalement, c’est du côté des comédies qu’on perd le sourire. Terminées The Neighbors, Raising Hope et How I Met Your Mother, quand bien même elle sentait un peu le rance. Pourquoi les séries qu’on aime doivent-elles forcément passer à la trappe ? Pourquoiiiiii ! ?

Guillaume. Les mains tremblantes et l’oeil humide, je dois coucher ces quelques mots. La prochaine rentrée, il faudra faire sans les Chance (Raising Hope). Et c’est un poids qui vous tombe sur les épaules. Bien sûr, il y a d’autres familles (les Heck sont encore là) mais les Chance … c’était les Chance. Une famille fonctionnelle … à sa manière. Une composition white trash si attachante. L’Amérique profonde, quasi redneck mais bourrée d’amour. Ils pouvaient nous donner toutes les raisons du monde de détester leur ignorance, moquer leur « réussite », craindre leur environnement. Mais, à la fin, j’aurai souhaité vivre chez eux. Aucune chance (sic) de s’y ennuyer et celle de bénéficier du plus beau et sincère des soutiens. Maladroit peut-être mais si l’amour est juste, ses voies ne sont jamais aussi écorchées (et hilarantes) qu’à Natesville.

 

 Plonger à nouveau dans  le regard de Daniel Holden

 

ILTVSW. L’été, c’est aussi le moment de retrouver ou de se faire des nouveaux copains alors qui on invite au barbecue?

Cécile. Tous les clones de Orphan Black ! Par contre, il faudra garder un œil sur Helena, elle aime bien jouer avec le feu ! Pour que la fête soit plus folle et que notre équipe de beach-volley soit complète, je propose d’inviter Sharon et Provenza de Major Crimes, Joss de Mistresses, les garçons de Falling Skies et les petits nouveaux de The Last Ship. The Strain est sur la liste mais ça peut mal tourner. Pour cette journée particulière, on demandera à Barbe Noire (Crossbones) de nous prêter son île, c’est plus simple !

Astiera. Autour du barbecue, je vote pour inviter le sheriff Walt Longmire. Un cow-boy taiseux pure souche, ténébreux, torturé par son passé et sexy, que demander de plus ? Bon, ok, ok, il risque fort de passer la soirée dans son coin avec sa bière et son steak, mais peu importe, il doit être là ! Pour lui tenir compagnie, rien de mieux que les minets « what thé fuck » de Teen Wolf. Derek sera tout aussi taiseux et tout aussi sexy (et très certainement top less à un moment donné de la soirée. Oui, je suis une incorrigible midinette, j’assume). Et mon Stiles d’amour saura nous charmer avec ses sarcasmes et son irrésistible humour. Une bonne soirée en perspective en somme !

Lubiie. Toujours confiante dans les choix de HBO, The Leftovers paraît être une valeur sûre et une série prometteuse. Halt and Catch Fire a démarré fort avec un premier épisode plein de promesses. Hâte de voir la suite de la série australienne Devil’s Playground. Diffusée en août en Australie, j’attends depuis le festival Séries Mania les épisodes avec impatience ! Tyrant de FX donne envie et par curiosité, Extant est à voir même si le thème de la série est moins à mon goût.

Yann. L’été s’annonce très consistant. Il y a surtout Daniel Holden de Rectify. Les attentes sont fortes et j’espère que la série sera à la hauteur de ce qui constitue à mes yeux le tout meilleur en 2013. Je suis très curieux de découvrir Barry Al Fayeed, ce fils de dictateur exilé de retour dans son pays pour Tyrant (FX). Et enfin, je ne manquerai pas les débuts du Docteur John W. Thackery interpreté par un certain Clive Owen sous la direction d’un certain Steven Soderbergh dans The Knick (Cinemax).

Jérémy. Bon, il n’est pas forcément nouveau, mais on n’avait pas eu le temps de bien le connaitre l’année dernière. Mais ce qu’on en avait vu nous avait laissés sans voix. Daniel Holden et Rectify reviennent. Forcément c’est un évènement et forcément je serai au rendez-vous. À vrai dire, beaucoup ne pensent qu’au prochain épisode de Game Of Thrones ou The Walking Dead, moi, je n’attendais qu’une chose me plonger à nouveau dans le regard de Daniel Holden.

Guillaume. Il y a l’idée de réunir Walt Longmire (Longmire) et Daniel Holden (Rectify) et penser que ces deux-là pourraient se guérir mutuellement. Bien sûr, il faudra savoir apprécier les silences. Le vieux taciturne shérif et le réservé ex-condamné. Deux êtres à fleur de peau qui vont devoir s’apprivoiser comme deux animaux sauvages. C’est peut-être par leur spiritualité que les portes s’ouvriront et laisseront s’écouler le flot des mots/maux. Et pour soulager l’intensité un peu grave, on peut faire confiance à Provenza et Flinn (Major Crimes). Les partenaires sont comme un vieux couple et leurs petites chamailleries comme leur capacité à provoquer quelques catastrophes seront gage de rires francs. Toutefois, si la situation devenait sinistre, ils retrouveraient leur sérieux, aussi imperturbables que leur capitaine Raydor.

Viola Davis/How to get away with murder

Viola Davis – How to get away with murder

 

ILTVSW. Et la rentrée alors, on a hâte de faire connaissance avec qui?

Cécile. Avec Barry Allen alias The Flash, l’épisode backdoor était très réussi dans Arrow. J’ai hâte de jeter un œil à la très prometteuse A to Z avec Cristin Miloti. Les retours de Tea Leoni et Katherine Heigl piquent ma curiosité mais je m’attends un peu au pire. Par contre la bande annonce de How to get away with Murder avec Viola Davis est très prometteuse. Evidemment ma passion pour BSG me conduit du côté de Outlander de Ron Moore.

Astiera. À la rentrée, j’ai hâte de découvrir un seul personnage, j’ai nommé Twelve ! Et oui, en indécrottable Whovian et fangirl de Moffat que je suis, j’ai très très envie de voir où ce nouveau Doctor va nous emmener ! Si j’étais une peste, j’écrirais que cela pourra difficilement être plus brouillon que la 7e saison de Doctor Who (oui, je suis une mauvaise fangirl). Mais je fais confiance à l’amour de Moffat pour la série et le personnage et au talent de Peter Capaldi pour faire battre mon petit coeur.

Lubiie. Fidèle à Shonda Rhimes, How to get away with murder est la série tant attendue ! Et comme elle a travaillé avec le génie, Bad Judge, la série de Kate Walsh en héroïne semble bien rigolote. Fan de super héros, je tenterai l’aventure Flash ainsi que celle de Batman avec Gotham. De toute façon, sériephile trop curieuse, je prends des forces cet été pour attaquer la saison des pilotes en plein forme !

Yann. Je ne retiens qu’un seul titre : Transparent (Amazon) de Jill Soloway. Le pilote est un petit bijou et il me tarde de voir la suite qui est actuellement en tournage.

Jérémy. Ce ne sera pas totalement à la rentrée, mais à la mi-saison, pourtant l’un des rares nouveaux projets de 2015 qui me fait rêver reste Galavant du génial Dan Fogelman. On pense très fort aux Monty Pythons, mais on reconnait également le style du créateur de The Neighbors. Une comédie musicale dans un univers médiéval totalement décalé, c’est complètement fou ! Et j’attends qu’enfin Matthew Perry renoue avec un succès à la hauteur de son talent. Tu peux y arriver Matthew, même Matt LeBlanc l’a fait avec Episodes ! Ah, oui, et on invite Rainn Wilson, car même si Backstrom s’annonce classique, ce mec peut vraiment donner une ambiance incroyable à notre petite fête sérielle !

Guillaume. … Avec des gens sortis de leur case. Le jeune Jim Gordon et l’enfant Bruce Wayne de Gotham, Flash, John Constantine. Place aux êtres extraordinaires, même si l’appréhension pointe. La chair va-t-elle se hisser au niveau du papier ? Je sais qu’il faudra leur laisser du temps pour exister comme ceux de Arrow ou Marvel Agent’s of S.H.I.E.L.D. Qu’il n’y a que dans Last Action Hero que le passage d’une dimension à l’autre se fait de façon aussi aisée. Mais ils portent en eux les promesses d’une existence passée bien remplie et la perspective de tracer leur propre futur.

Une torture cette question …

ILTVSW. Lesquels de nos BFFF méritent un Emmy?

Cécile. Lizzy Caplan comme Tatiana Maslany méritent un Emmy, voire deux. Allez, on va dire quatre chacune. Il faut bien avoir un truc à mettre sur la cheminée !

Astiera. Je ne peux décemment pas participer au bal de promo 2014 de nos BFFF préférés et ne pas citer Sherlock ! Malgré toutes les imperfections de cette saison 3 (je suis décidément une très mauvaise fangirl), je suis toujours autant attachée à ce personnage (et aussi à son interprète, of course). Qu’y puis-je s’il est mon high-functioning sociopath d’amour ? Mais en cette saison 2013-2014, j’ai aussi été emportée par le Tommy Shelby de Peaky Blinders. Un homme torturé, blessé, dangereux, magnétique, amoureux, romantique. Bref, Tommy mérite l’Emmy ! Et j’aime toujours autant Philipp Jennings, l’espion si touchant et complexe de The Americans. Dans cette saison 2, il s’est encore plus révélé, laissant voir encore un peu plus sa vulnérabilité, ses points de rupture, tout en continuant à remplir sa mission avec une grande efficacité.

Lubiie. Même si la série n’a pas été un coup de cœur, True Detective reste un « must see » et je reconnais que le travail bluffant de Matthew McConaughey dans le rôle de Rust Cohle. Côté actrice, Tatiana Maslany réalise une véritable prouesse avec ses clones dans Orphan Black, l’un d’eux mérite bien un Emmy.

Yann. J’ai beaucoup aimé Lizzy Caplan pour son rôle de Virginia Johnson dans Masters of Sex ! Son personnage est magnifique et elle lui donne beaucoup de charme, d’humour et de convictions.

Jérémy. Question difficile, tellement de talents ! Je dirais que Julianna Margulies est au-dessus dans la catégorie féminine, Peter Dinklage, Jon Hamm, Bryan Cranston, Matthew McConaughey sont là. Mais n’oublions pas la présence et le regard incroyable de Jason Momoa (The Red Road), et la performance de l’immense Adam Driver (Girls). Non, mais c’est une torture cette question ! Trop d’affection pour tous ces personnages et acteurs. Mon Dieu ! J’allais oublier Julia Louis-Dreyfus et Louis C.K qui sont deux génies, rien de moins !

Guillaume. Cette année, pour mériter l’éloge suprême, il fallait être incomplet. Derrière sa façon presque cérémonieuse d’agir, pointe la douleur sourde de Rust Cohle (True Detective). C’est un père perdu dans des concepts philosophiques aliénés et une vision du monde misanthropique. L’illustration d’un parent qui ne devait pas survivre à sa fille et qui a plongé dans une apathie autodestructrice. Quelle composition déchirante!

 

Matthew McConaughey – True Detective

 

Pour combattre le blues du lendemain de fête, vous pouvez aussi retrouver mes talentueux invités sur Twitter…

 

@Ccilep auteure de Femmes de séries

@Lubiie auteure de Lubie en série

@astiera auteure de Séries addict so what?

@yann_k auteur de Séries, le blog!

@JeremyCoifman auteur de Time of the season

@gehenne auteur de Lucarne

 

La semaine prochaine dans ILTVSW… Oups, pas encore tranché, désolée.

Un gars, une fille, des séries: Les bons, les brutes et les truands

25 Mai

Chers lecteurs

C’est l’histoire de l’Histoire qui aurait pu provoquer toute une histoire … Et oui, le débat passionné est l’une des activités de prédilection des sériephiles. Sujet de la discorde de la semaine : les séries historiques. Souvent faites de larmes, de sexe et de sang plus que de toiles d’araignées, elles sont d’une qualité très inégale. Et provoquent fréquemment des réactions épidermiques. On adore les détester. Ou, on se déteste de les adorer. Ou, simplement, on les adore. Rome, Black Sails, The Tudors, Spartacus, Vikings, Mad Men, Downton Abbey … des propositions fictionnelles souvent radicalement différentes. Avec Dominique Montay, rédacteur en chef séries du Daily Mars et scénariste, nous avons croisé nos regards sur l’un des genres à succès de ces dernières années. On s’est très sérieusement fâché pour de faux mais, surtout, nous avons longuement échangé. Les séries historiques en cinq questions.

To my readers, exceptionally ILTVSW will only be French speaking this week. The blog is hosting a TV critic battle about historical TV shows. But as soon as next week things will be back to normal meaning French & English.

 

Black Sails

Black Sails

 

ILTVSW. Les séries historiques sont condamnées à être des divertissements kitsch, c’est vrai?

Un gars. D’entrée de jeu, on ne va pas être d’accord. C’est pas beau de commencer sur un clash, il va rester quoi, ensuite ? Déjà il faudrait définir le kitsch, qu’on utilise un peu à tort et à travers. Ici, si je comprends bien, c’est plus sur le côté « mauvais goût » qu’on aborde la problèmatique. Alors oui, Spartacus n’est pas le dernier sur le sujet. Son esthétique générale est assez douteuse, surfant sur celle d’un film d’une incroyable laideur, 300. Particulièrement sur les scènes de combats, et les zooms numériques sur les projections de sang, qui donnent l’impression que les combattants n’ont pas de veines mais que des artères. C’est parfois assez risible, mais si on s’attache au récit en évacuant le visuel, c’est une série qui possède un vrai fond, un vrai discours sur la liberté et la responsabilité. Les combats et le sexe dans Spartacus, c’est un peu comme les pyjamas dans Star Trek, il faut aller au-delà pour voir ce qu’il y a de brillant. Même si ça peut être très dur.

Une fille. OK. Allez, le clash, donc. Existe-t-il des critères qui définissent le kitsch? Je n’ai pas la réponse à cette question. En revanche, je pense que les qualités esthétiques sont plus faciles à identifier. Si on répond à la question en l’envisageant sous cet angle, je crois que l’on peut dire que certaines séries historiques sont superbes. L’un des exemples qui me vient immédiatement à l’esprit est la série Downton Abbey de Julian Fellowes. Elle pousse l’élégance jusqu’à contredire la réalité historique. Un spécialiste anglais de la question des domestiques dans les grandes maisons aristocrates anglaises a écrit un papier reprochant à la série d’esthétiser et d’idéaliser le quotidien d’employés de maison qui vivaient généralement dans des conditions misérables et, forcément donc, dans une réalité moins glamour …

 

Downton Abbey

Downton Abbey

 

ILTVSW. La violence et le sexe ne sont-ils pas qu’une manière de masquer le néant?

Un gars. C’est une tendance assez incroyable dans la fiction TV américaine : qui dit série historique dit nudité et violence. En même temps, et je reprends l’exemple de Spartacus : est-ce si éloigné de la vérité de l’époque ? Les esclaves à moitié à poil qui servent d’objet sexuel quand le maître en a envie ; les guerriers qui s’étripent dans des colisées pour sauver leur peau, gagnés par l’adrénaline des vivats de la foule… je ne vois pas d’actes qui me surprennent. Qui me choquent, oui, mais c’est normal, c’est l’effet désiré. Réduire le débat à « trop de violence et de sexe », c’est une erreur, pour moi. Plutôt que d’accumuler et de faire un décompte (un peu comme on est tenté de le faire avec les « fuck » dans un film de Scorsese), il faut prendre ces scènes une par une et évaluer la chose suivante : est-ce qu’elles racontent quelque chose ? Est-ce qu’elles sont utiles, ou est-ce un passage obligé ? Et ça arrive. Suivant la chaîne ou vous vous trouvez, il « faut » de la nudité. J’aimerais un jour faire ce genre de décompte en comparant Spartacus et une série aussi surcotée que Boss, sur la même chaîne (Starz). J’ai peu souvenir de scènes de sexe justifiées dans l’oeuvre de Farhad Safinia. Mais ça, on en parle peu. Certainement parce que la « mise en scène » est de meilleur goût. Pour en revenir au “néant”, j’ai du mal à imaginer les scénaristes se dire « mettons une scène de cul ici, parce qu’on n’a rien à dire ». Même sur True Blood ils ne fonctionnent pas comme ça. Ils écrivent une bouse, mais pas ce genre de bouse. C’est une série, pas un téléfilm playboy. Après ce qu’ils font est bon ou mauvais, nous touche ou pas. Je pense même que la profusion de sexe et de violence masque les qualités, pas les défauts. Ca en fait un objet peu recommandable, et on y revient « de mauvais goût ». Ca réduit la force d’une oeuvre. Je crois plus aux vertus masquantes d’une réalisation léchée, belle à voir, loin de l’outrance.

Une fille. Je pense moi tout le contraire. Il paraît assez évident, depuis quelques années, qu’il existe un filon de productions historiques bas de gamme que certains producteurs, créateurs et chaînes ont décidé d’exploiter. Ils rivalisent, d’ailleurs, de non imagination en repoussant toujours les limites et en proposant les scènes les plus gore possibles. On ne peut même pas dire que cela soit l’apanage des Américains puisque The Tudors est une création irlando canadienne même si elle est diffusée par Showtime ou que Canal Plus a proposé une version de Borgia qui n’était pas la définition de la subtilité. Il serait intéressant de couper toutes les scènes d’écartèlement  et que les scènes d’intimité s’arrêtent devant la porte de la chambre d’un couple qui a manifestement des projets pour occuper sa soirée. Ce n’est pas une posture moraliste, c’est simplement pour souligner que privées de ces scènes certaines séries historiques risqueraient d’avoir des difficultés pour boucler la durée d’un épisode. On peut prendre l’exemple contraire avec Mad Men. Depuis sept saisons, Don Draper est disons un homme assez actif sexuellement. Jamais pourtant Matthew Weiner ou ses auteurs ne s’aventurent sur ce terrain-là. Ce qui les intéressent c’est d’écrire le portrait d’un homme très seul, de dessiner ses faiblesses, de mettre en évidence ses limites… Et, plus largement, de proposer une définition de la masculinité dans l’Amérique des années 60. Don Draper est en partie caractérisé par sa sexualité névrotique. Comme Lucius Vorenus dans Rome, une série beaucoup plus mainstream, l’est par sa maladresse avec sa femme. Dans les deux cas, l’intimité sert de véhicule au point de vue de l’auteur. Un auteur qui a quelque chose à dire. Et cela, ça change tout.

 

Je ne suis pas sensible au concept du guilty pleasure, Dominique Montay

ILTVSW. Qu’offre donc l’Histoire comme opportunité au scénariste que le monde contemporain ne lui permet pas?

Un gars. Pas de téléphone portable. Et ça… le téléphone portable, c’est l’ennemi du scénariste et, depuis 20 ans, il doit faire avec. Quand vous voyez une scène avec quelqu’un qui n’a pas de réseau, c’est juste parce qu’à ce moment précis, le téléphone fait chier. Dans une fiction historique, le problème ne se pose pas. Et je suis TRES SÉRIEUX.

Une fille. Une immense liberté. Les scénaristes peuvent absolument s’affranchir de la réalité, vraiment qui ira vérifier? Et, ils sont finalement peu nombreux ceux qui se saisissent réellement de cet espace de jeu pour raconter des histoires. Souvent, les créateurs de séries historiques sont fiers de dire qu’un conseiller historique les a accompagnés. Et que les gens, à l’époque comme disent souvent les écoliers, ce qui est drôle et éloquent à la fois, buvaient, dormaient, marchaient vraiment comme ça. Ce « vraiment » n’a finalement aucune importance. Ce qui compte, ce qui devrait compter, c’est l’épaisseur des personnages et la puissance de fascination exercée par l’arène dans laquelle ils évoluent. Tout se passe souvent comme si l’obsession pour l’exactitude de la réalité historique exonérait le créateur de sa mission première, celle de raconter des histoires.

 

Rome

Rome

 

ILTVSW. Et la vérité historique dans tout ça, c’est important?

Un gars. Oui, et non. On s’en fout un peu, en fait. Ca dépend de votre propos au départ. Si vous voulez cadrer au plus près avec l’Histoire, il faut s’y tenir, et faire très attention à la cohérence de vos intrigues. Vous n’avez pas le droit à l’erreur. Pour Spartacus, ils sont resté proches d’une vision de l’Histoire (tous les historiens ne sont pas d’accord sur le déroulement) tout en remplissant les zones d’ombre. Bien entendu, ils ont créé des personnages, certains sont restés plus longtemps que prévu, des raccourcis ont été pris… mais ils sont surtout restés cohérents dans leur histoire. Mais, ils auraient pu la jouer « fuck it » à la Tarantino dans Inglourious Basterds et réécrire l’histoire, montrer Spartacus décapiter Jules César, puis voyager dans le temps pour cramer Hitler, mais non. Ce n’était ni le sujet, ni le propos. Encore un aspect brillant de Spartacus : quand on regarde les fictions basées à cette époque, comme Rome, tous les mecs parlent comme s’ils vivaient dans l’Angleterre victorienne, tout droit sortis d’une pièce de Shakespeare. Dans Spartacus, ils parlent un langage inventé pour l’occasion, c’est de l’anglais, certes, mais les phrases sont construites comme du Latin. En cela, je trouve Spartacus plus réaliste historiquement que Rome ou Gladiator 

Une fille. Il m’arrive d’avoir une énorme envie de réalisme. Quand c’est le cas, je fais une pause sur les séries et je me plonge dans une collection documentaire. Je pense au travail du documentariste américain Ken Burns, par exemple. Sa série documentaire The War est un travail à la fois d’une rigueur irréprochable et complètement captivant. Mais, quand je me lance dans une série, vraiment son réalisme passe au second plan. C’est pour cette raison que j’ai passionnément aimé Rome. L’idée d’un Buddy movie dans la Rome antique est géniale. Lucius Vorenus et Titus Pullo sont incroyablement humains dans les deux saisons de la série. Ils font comme ils peuvent avec leur époque mais surtout avec leurs limites, leur passé, leurs blessures … OK Freud, c’est encore dans longtemps mais ce n’est pas grave car on vit avec eux. Mon dernier coup de cœur est l’Anglaise Peaky Blinders. Elle met en scène une famille de gangsters dans le Birmingham des années 20. Les hommes sont jeunes et encore traumatisés par la première guerre mondiale. Je n’ai aucune idée du modèle des fusils dont ils étaient équipés mais je n’oublierai pas le traumatisme que j’ai pu lire dans leur regard. Ces personnages sont d’une puissante humanité. C’est tout ce qui importe.

 

Vikings

Vikings

ILTVSW. Quels barbares hirsutes et malodorants trouvent malgré tout grâce à vos yeux, et dans quelle mesure culpabilisez-vous?

Un gars. Ah mais plein ! J’adore le génie tactique de Spartacus, le sens de l’honneur de Oenomaus, la fragilité d’Agron et la jouissance communicative de Saxa, j’ai appris à aimer Gannicus, le révolutionnaire récalcitrant. J’aime beaucoup Long John Silver et Anne Bonny dans Black Sails. Après, on serait tous coincés dans un métro, je leur demanderais d’aller prendre une douche ou deux, mais sinon, je les adore. Je viens de me mettre à Vikings, donc c’est un peu compliqué de détacher des personnages, même si j’aime beaucoup Lagertha, qui a tout pour être un cliché de “femme de guerrier”, et qui est tout le contraire. Et n’étant pas sensible au concept de guilty pleasure, sachez que je ne culpabilise jamais. Spartacus est une série formidable, Black Sails n’est pas exempt de qualités, et Vikings s’annonce très bien.

Une fille. Comme il m’est impossible de me fâcher pour toute la vie avec un gars. Je vais aller dans son sens et saluer Vikings. Contrairement à ce qu’il avait fait dans la très moyenne The Tudors, Michael Hirst ne s’est pas caché derrière les fantasmes véhiculés par une époque pour faire l’économie de personnages un peu construits. Ses Vikings ont, c’est vrai, une conception de l’hygiène assez proche de celle de Néandertal mais ils ont des trajectoires personnelles touchantes et, en plus, chose assez rare, la série repose aussi sur de beaux personnages féminins.

On peut retrouver le passionnant et passionné Dominique Montay sur le Daily Mars et le suivre sur Twitter @ItsZeDom

La semaine prochaine dans ILTVSW … Oups, pas encore tranché, désolée.