ILTVSW guest star: Bruno Gaccio

24 Mai

FRA/ENGLISH

Bruno Gaccio, auteur et découvreur de talents à la tête de La Fabrique pour Canal Plus, a accepté l’invitation de ILTVSW à l’occasion du lancement de la saison 3 de Hard. De la naissance des projets, à son rapport avec les scénaristes, en passant par le lien étroit entre la dramaturgie et le golf, jusqu’au miracle que constitue une série réussie, il se livre dans une interview fleuve et gastronomique.

To my readers, exceptionally ILTVSW will only be French speaking this week. Bruno Gaccio, the French writer & producer for Canal Plus, where he helped to reveal new writers, is the guest star of the blog today. But as soon as next week things will be back to normal meaning French & English.

 

 

ILTVSW. Vous avez longtemps été à la tête de La Fabrique de Canal Plus, chargé de découvrir et d’aider de nouveaux talents à éclore. Hard, dont la saison 3 débute dans huit jours, est l’une des séries qui y est née. Existe-t-il un processus de création idéal ?
Bruno Gaccio. Le processus de création idéal n’existe pas. Dans l’industrie de la télévision, la création peut venir de n’importe où. De l’intuition de quelqu’un qui pense qu’un sujet peut intéresser un public, par exemple. Dans le cas de Hard, cela naît d’un échec. Nous avions fait Les interminables avec Gilles Galud (producteur à la tête de La Parisienne d’Images, NDLR). C’était une série avec que des vieux. Des vieux qui étaient condamnés à mort s’ils n’avaient pas de quoi gagner leur vie. Donc, les personnages faisaient à peu près n’importe quoi y compris du cinéma porno. La série traitait de la mort, de la pauvreté, de l’impossibilité de s’en sortir. C’était déprimant donc elle n’a pas fonctionné. Avec Gilles, le lendemain des résultats, on était déprimé, on buvait du café, on fumait des cigarettes dans son bureau et on rigolait en se disant : « Le prochaine fois, on ne met que des nanas de 20 ans à poil. Puisque c’est ce qu’ils veulent, on va leur donner et on fera un succès ». Et puis, en réfléchissant au pourquoi on s’était planté, j’ai dit : « Pourquoi, on ne fait pas une comédie romantique qui se passerait dans l’univers du porno ? ». Voilà comment un producteur et une chaîne peuvent trouver une idée.

 

Un auteur doit tout te donner

 

ILTVSW. Cela n’aurait pu rester qu’un concept, comment êtes-vous parvenus à lui donner l’épaisseur et la fantaisie qui caractérisent, en plus, la série ?
Bruno Gaccio. Nous nous sommes dits qu’un acteur porno n’était pas qu’une machine à baiser, c’était un être humain. Ce type ou cette femme pouvait donc tout à fait être amoureux de quelqu’un, rentrer le soir chez lui épuisé, se poser devant la télé comme on le fait tous quand on est crevé sans réfléchir à rien. La question que nous nous sommes ensuite posée est : comment vit-on cette situation ? On ne peut pas créer pour rien, on crée pour une chaîne. Cette chaîne est la première à avoir diffusé du porno donc elle était tout à fait légitime pour produire une série comme Hard sans que cela soit incongru. Le support était le bon, l’idée n’était pas mauvaise, nous avions une structure pour le faire, qu’est-ce qui nous en empêchait ? Nous avons lancé un appel à projets. Nous en avons reçu 110. Très vite, nous nous sommes dits que nous aimerions retenir celui d’une femme car si nous ne mettions que des mecs autour d’une table, cela serait une catastrophe. Nous en avons retenu deux celui de Cathy Verney et celui d’un autre scénariste. Elle a été la mieux disante notamment parce qu’elle vient d’un milieu bourge et que sa façon de traiter les à-côtés, les verrines, la vallée de Chevreuse … était bien meilleure. Elle ne connaissait rien au porno, c’est nous qui l’avons alimentée.

ILTVSW. La Fabrique a accueilli de nombreux nouveaux auteurs, comment avez-vous travaillé avec eux ?
Bruno Gaccio. Pour moi, il y a des étapes. Les premières semaines, il faut dire aux auteurs : « Fais ce que tu veux. Je veux tout ce qu’il y a dans ta tête donc il y a zéro limite ». Il faut qu’ils osent tout. Il faut qu’ils rendent tout : des scènes, des notes, des dialogues, des personnages … Dans le désordre, ce qui est important, c’est de tout mettre sur la table. Un auteur doit tout te donner. Je sais que je travaille pour la télévision et qu’il devra faire 26, 52 ou 90 minutes. Il ne peut pas me donner un film de deux heures, ni un court métrage. Mais ça, je n’ai pas à lui dire. Une fois que tout sera sur la table, on fera des réunions assez longues pour voir ce qui va dans la direction qu’il a choisie. Sauf qu’il y a un support, la télévision qui a une ligne éditoriale, qui veut certaines choses et pas d’autres. Mon rôle est d’emmener l’auteur dans ce cadre sans qu’il s’en aperçoive et sans le brimer parce que s’il nous livre quelque chose qu’on ne peut pas diffuser, il aura travaillé pour rien et nous on aura perdu de l’argent. Tout le travail, c’est ça.

 

 

 

ILTVSW. Et ce désordre finit un jour par prendre du sens …
Bruno Gaccio. Ce qui nourrit l’histoire fait que le personnage naît. Et, à un moment du processus, une évidence surgit. C’était comme ça que cela devait être. C’est évident. Les auteurs reconnaissent ce moment-là et les producteurs, aussi. Ils disent : « Cette femme est comme ça, elle a tant d’enfants, elle fait ce métier-là ». Pour Hard par exemple, tout ce qu’elle fait, c’est pour nourrir sa famille. La seule chose qui la pousse, c’est d’être autonome.

ILTVSW. Si c’est évident pourquoi y-a-t-il des séries évidemment réussies et d’autres moins réussies ou même ratées ?
Bruno Gaccio. J’explique cela très facilement. C’est un peu comme au golf, si ton club est ouvert d’un degré à droite ou à gauche, à l’arrivée ta balle va être vingt-cinq mètres à droite ou vingt-cinq mètres à gauche. Dans le processus créatif, c’est pareil. Si tu rates un petit peu le début, tu construis sur du bancal et, à la fin, tu es à côté de la plaque. Nous, on a réussi, allez, je vais dire, un projet sur trois. Pour un qui était acceptable, il y en avait un réussi et un raté. Le pire, c’est peut-être l’acceptable. Le raté, c’est pas grave, tu es allé au bout et tu t’es planté. Alors que dans l’acceptable, tu es 10% à côté de tout, donc pas loin. Tu te dis l’idée est bonne mais quand tu vois l’idée, c’est trop tard. Il y a toujours quelqu’un qui voit venir ces 10%. Si ce n’est pas moi, c’est de ma faute car je n’ai pas écouté. Si c’est moi, c’est de ma faute car je n’ai pas réussi à les recadrer. Quand tu crées une série, entre  l’idée et ce qui arrive sur l’écran, il y a un nombre incroyable de filtres. Un auteur qui travaille, des dialoguistes qui vont venir aider, des script doctors qui vont mettre leur nez dedans puis un styliste qui ne voit pas la même chose … Et le producteur qui ne doit pas bouffer sa marge. Ensuite, tu as un réalisateur qui a une vision. Avec Gilles, on avait raccourci le circuit de décision. La chaîne travaillait avec les auteurs. Ce qui ne se passe jamais. Ils voient les showrunners, les producteurs, jamais les auteurs, je pense que c’est une erreur. Il faut être dans la pièce avec les auteurs. A la limite, le chef de projet devrait être le showrunner car c’est le seul moyen d’obtenir une unité.

 

 

ILTVSW. Donc, il faut admettre que le risque est toujours l’une des variables …
Bruno Gaccio. Le processus créatif ne fonctionne pas à chaque fois. Pour que ça marche, il faut un alignement de planètes formidable. Il faut que l’idée soit bonne et que le sujet soit le bon, c’est le plus important, plus que l’écriture. Ensuite, il faut trouver la bonne personne pour qu’elle l’écrive dans l’air du temps pour que les gens puissent l’accepter. Il faut après que le réalisateur comprenne qu’il n’est pas le maître du projet mais le serviteur du projet. S’il commence à vouloir faire de l’art, tu es mort. En France, la législation, lui donne le statut d’auteur et il le croit. Ces cons de techniciens ont cru qu’ils étaient des auteurs. Certains d’entre eux le sont, évidemment. Mais ils sont très rares. Dans les contrats, ils sont engagés comme techniciens mais ils n’acceptent pas de l’être. Alors cela donne des trucs comme dans une scène où un personnage est en colère, un réal qui veut que cela soit joué « tout en douceur ». Quand tu tombes sur un réal comme ça, c’est fini, tu ne peux rien faire parce que c’est son plateau et toi, tu fermes ta gueule. Tu essayes ensuite de rectifier au montage mais tu n’arrives pas à le faire car tu n’as pas les bonnes prises. Donc, tu es 10% à côté partout.

ILTVSW. Comment avez-vous choisi les auteurs qui ont fait partie de La Fabrique ?
Bruno Gaccio. Nous n’avons jamais travaillé sur un projet. Nous avons sélectionné des gens qui avaient quelque chose de particulier. Après on leur a dit : « Ton histoire de scarabée qui tombe amoureux d’une araignée homosexuelle, on n’est pas très convaincu mais si tu remplaces le scarabée par un unijambiste et qu’au lieu d’une araignée homosexuelle, tu mets un héron … » C’est selon ce que l’auteur a dans la tête que tu détermines toi, producteur, que c’est intéressant ou non de payer pour ça. Il y a une part de risques que tu limites à ta vision des choses. Si je crois en quelqu’un, je paye pour voir. Si je perds, c’est pas grave parce que j’y croyais.

 

Je sais que je vais mourir et que Dieu n’existe pas

 

ILTVSW. Vous avez souvent été les chercher sur le terrain de la comédie  …
Bruno Gaccio. Je suis personnellement profondément désespéré. Je sais que je vais mourir et je sais que Dieu n’existe pas. Ça fait deux paramètres un peu lourds. La comédie, c’est un point de vue. Je pourrais traiter les choses de façon dramatique ou intellectuelle mais je préfère les traiter en comédie parce que c’est mon point de vue. Mon travail consiste à apprendre à connaître quelqu’un, ce qu’il a en lui et, surtout, ce qu’il est capable de donner. Tu vas commencer à travailler autour d’un projet, ça dure quelques semaines et puis après, tu bois un verre. Tu demandes : « T’es marié ? Comment ça se passe ? Tu es désespéré ? Optimiste ? Pessimiste ? Qu’est-ce que tu penses de la politique ? Et ses blessures remontent. Ces blessures, elles disent la profondeur de quelqu’un et de ce qu’il est capable de te donner. Plus il va profond, plus il va te donner des choses profondes. Si c’est quelqu’un de totalement superficiel, il va te donner des choses superficielles, probablement des clichés. Il ne s’agit pas d’agiter les bras, ni de faire le malin. Tu as des gens authentiquement drôles et d’autres qui se forcent à l’être. Ça, tu le devines en discutant avec les gens.

ILTVSW. Finalement, il y a peu de séries singulières en France et de nombreux auteurs talentueux. Comment l’expliquez-vous ?
Bruno Gaccio. Il y a beaucoup de talent en France chez les auteurs, il y en a peu chez les producteurs. Je pense que nous ne manquons pas d’auteurs mais de producteurs. De producteurs capables d’être producteurs artistiques c’est-à-dire capables d’aider quelqu’un à accoucher. J’ai rencontré des gens capables de payer un auteur pour qu’il travaille mais qui sont incapables de se mettre à table avec lui. Picoler avec lui, fumer des clopes avec lui et lui dire « tu fais de la merde » et que l’auteur ne lui en veuille pas. Je ne suis pas le producteur sur Hard mais j’ai dit à Camille Pouzol, si tu travailles toute seule dans ton coin et que tu m’envoies des textes, cela ne marchera pas. Je vais mettre huit jours à écrire la note de lecture, tu vas mettre trois jours à pleurer et à réécrire, on va perdre un temps fou. Je lui ai dit : « Dès que tu écris un truc, tu viens au bureau, on travaille. Tu n’arrives pas à faire un truc, tu viens, tu as réussi un truc et tu le trouves bien, tu viens. Tu es tout le temps là ». Nous avons travaillé un an comme ça parce que je suis auteur et que je sais coacher des auteurs. Je sais tirer d’eux ce qu’ils ont de meilleur. Nous manquons de producteurs capables de faire ça.

Titre : Hard
Créatrice : Cathy Verney
Scénariste saison 3 : Camille Pouzol
Cast : Natacha Lindinger, François Vincentelli, Charlie Dupont, Stephan Wojtowicz, Fanny Sydney, Michèle Laroque.
Chaîne : Canal Plus

© 2015 ILTVSW – La reproduction partielle ou entière de cet entretien n’est pas légale sans l’accord préalable de ILTVSW.

La semaine prochaine dans ILTVSW … Oups, pas encore tranché, désolée.

ILTVSW pilot crush : Grace and Frankie

17 Mai

FRA/ENGLISH

Bonne nouvelle. Notre espérance de vie atteindra bientôt 100 ans. Non, n’abandonnez pas votre lecture. C’est une vraie info. Et, une vraie bonne nouvelle. Mais, pour en prendre toute la mesure, il faut que vous fassiez un peu de boulot sur vous-même et dépassiez quelques préjugés. Non, n’arrêtez pas de lire. Je ne juge pas. J’ai dû affronter un défi identique. C’est la raison pour laquelle j’ai bien failli passer à côté de mon dernier crush télévisuel.

Comme vous, j’étais terrorisée par la perspective de vivre centenaire. Je me disais que si cela devait arriver pourquoi consacrer mes jours heureux à l’observer sur un petit écran. Les êtres humains sont condamnés à vivre sans cheveux, sans dents et même sans vie sexuelle virtuelle, un jour. Rapidement après, ils meurent. Et juste avant ça, leur rêve le plus fou est qu’on leur offre une couche propre. Donc, merci mais non merci. Mais Dieu a inventé la Terre en une semaine et 4,5 milliards d’années plus tard environ, il a créé Netflix et changé mon point de vue sur la perspective de vieillir avec une épatante série Grace and Frankie.

Donc Grace (Jane Fonda) et Frankie (Lily Tomlin) sont vieilles. Ce qui signifie que quand elles parlent de la sécheresse vaginale cela peut durer tout un épisode. Mais elles le vivent très bien parce qu’elles ont d’adorables maris Robert (Martin Sheen) et Sol (Sam Waterston) jusqu’à ce qu’elles … n’en aient plus. Parce que leurs partenaires s’aiment et ont décidé de vivre leur vie de couple homosexuel. Ce n’est jamais simple de se faire larguer. A soixante-dix ans, c’est ce que l’on appelle un euphémisme. Evidemment cela va être un challenge pour elles. Et un authentique plaisir pour nous téléspectateurs. Pour la même raison que nous aimons regarder des films d’horreur. Comme c’est excitant d’affronter notre peur de la mort et de la solitude par procuration. Le faire à San Diego, ça aide. Dans une maison droit sortie d’un film de Nancy Meyers, ça aide aussi.

Si nous cherchons encore le secret du bonheur, Marta Kauffman l’a trouvé pour nous. Quand nous étions jeunes, elle nous avait permis de nous sentir à la maison à NYC en inventant les meilleurs amis imaginaires que nous n’ayons jamais eus. Elle récidive avec Grace and Frankie. Elle nous offre la meilleure version de ce que l’amitié peut être. Et la vieillesse, aussi. En en faisant une expérience drôle et réelle. Comme elle l’a expliqué dans une interview au Hollywood Reporter à lire ici. C’est la raison pour laquelle, je craque pour la série. Et que je prie désormais tous les matins pour que le jour où les cheveux blancs prendront enfin le contrôle arrive plus vite.

Chers gens de Netflix, je sais que Ted Sarandos, votre boss des contenus, était à Cannes la semaine dernière, pour parler, vous savez, de la réglementation européenne et de la création. Il ne devrait pas se faire trop de mauvais sang à ce sujet. En France aussi, on fait du business. Il devrait jeter un coup d’oeil sur nos programmes télés et il se sentirait tout de suite mieux. L’audace n’est pas la règle. Le business, c’est sacré. Tout bien considéré, il y a une loi qu’il devrait prendre en compte. Dans nos films, quand un truc n’est pas réel, il y a toujours une phrase d’avertissement. L’équivalent de ce que l’on appelle dans le code civil l’altération frauduleuse de la réalité. Si dans un certain nombre de décennies, je ne ressemble pas à Jane Fonda ou je n’habite pas dans une maison qui s’ouvre sur l’océan Pacifique et qui est toujours impeccable même si personne n’y fait jamais le ménage, je ne peux pas promettre que je ne donnerai pas un petit coup de fil à mon avocat. Vous savez comme nous sommes, nous, les Français …

La semaine prochaine sur ILTVSW … Oups, pas encore tranché, désolée

IMG_6120

© Netflix

Titre/Title: Grace and Frankie
Créateurs/Creators: Marta Kauffman & Howard J. Morris
Cast: Jane Fonda, Lily Tomlin, Martin Sheen, Sam Waterstone,
Chaînes/Network : Netflix

Good news people. Our life expectancy will soon reach a hundred years. No, do not quit reading. It is actually a news. And yes, a very good one. But to fully understand you need to do some work on yourself and overcome your prejudices. No, do not quit reading, I am not being judgmental here. I had the same issues. That’s why I nearly missed my latest TV crush.

Like you this a hundred years new frontier scared the hell out of me. I thought if this need to happen, why should I spend my happy time watching it years before on a small screen. I get it, one day human beings have to live with no hair, no teeth and not even a virtual sex life. And soon after they die. And just before they do, their craziest dream is to get a clean diaper. But God invented the Earth in one week and 4, 5 billions years later approximatively, he invented Netflix. And changed my perspective about getting old with an amazing show Grace and Frankie.

So Grace (Jane Fonda) and Frankie (Lily Tomlin) are old. Which means that when they talk about vaginal dryness it can last a whole episode. But they do not care because they have lovely husbands Robert (Martin Sheen) and Sol (Sam Waterston) until they have not. Because it turns out their partners love each other and dump them to openly live their same sex couple life. It is never a pleasant experience to get dumped. At seventy years old, it is way more than obvious. This is going to be a challenge for them. And a great pleasure for us viewers. For the exact same reason we love to watch horror movies. How exciting to face our own fear of death & loneliness. Doing that in San Diego helps a lot. In a Nancy Meyers movie kind of house might help too.

If we do not know the secret of our happiness Marta Kauffman sure does. When we were younger she made us feel safe in NYC creating the best imaginary friends we ever had. She is doing it again in Grace and Frankie. She offers us the best version of what a friendship can be. And aging too. Trying to make it fun and real. Like she explained here in an interview to The Hollywood Reporter. And she does. That’s why I fell for her show. And pray every morning since to make sure that my grey hairs finally taking control moment happens sooner.

Dear Netflix people, I know Ted Sarandos was in Cannes last week to talk about, you know, European regulation and creation. He shouldn’t be too worried about that. People make business in France too. He should have a look to our TV programs and he would feel a lot better. Not that much boldness. Business first. Coming to think of it, there is a law he should consider, though. In our movies, when something is not the reality, there is a warning sentence. In a certain amount of decades, if I don’t look like Jane Fonda or live in a beach house in front of the Pacific Ocean that is always clean even though no one seems to bother cleaning, I cannot make the promise I will not give a quick call to my lawyer. The French, you know how we are …

Next week in ILTVSW … Oops, not decided yet, sorry. 

ILTVSW guest star (VF) : Steve Levitan, co-créateur de Modern Family

10 Mai

Steve Levitan, le co-créateur et showrunner de Modern Family, a donné une conférence en avril dernier au MIPTV à Cannes.

ILTVSW a eu la chance de pouvoir le rencontrer et discuter avec lui de comédie, d’écriture et de l’air du temps.

© ABC

ILTVSW. Vous avez dit avoir créé Modern Family à un moment de votre vie un peu difficile. La frustration est-elle selon vous un ingrédient indispensable à la création d’une bonne série ?
Steve Levitan. Je pense qu’être dans cet état d’esprit permet de remettre en cause les schémas classiques, de creuser plus profondément et d’être plus enclin à prendre des risques. C’est un bon cadre, cela permet de se débarrasser de tous les trucs que l’on fait d’habitude, que les gens attendent de nous ou même des méthodes traditionnelles et de se concentrer sur la vérité d’un projet. L’examiner sans prendre garde aux facteur extérieurs et se focaliser sur l’histoire, les personnages et réussir à exprimer ce que l’on veut dire.

ILTVSW. Cela signifie-t-il qu’un auteur doit sortir de sa zone de confort pour trouver une vérité ?
Steve Levitan. En dehors de sa zone de confort, on développe, je ne devrais pas le dire, mais vous savez, un évaluateur de conneries. Les idées qu’on ne remettrait pas en cause normalement paraissent inexactes ou approximatives. Etre sur ce terrain permet d’atteindre la vérité plus facilement et, certainement, d’avoir moins peur de creuser toujours plus loin pour la trouver.

Ecrire de la comédie, c’est mieux à plusieurs

ILTVSW. Vous avez affirmé que c’était compliqué d’écrire seul, la comédie rend-elle cela encore plus difficile ?
Steve Levitan. Absolument. Je pense qu’écrire de la comédie, c’est mieux à plusieurs. Modern Family ne serait pas ce qu’elle est, sans notre formidable groupe d’auteurs. Nous passons notre temps à tester des idées les uns sur les autres. L’un d’entre nous tente un truc et cela fait jaillir une idée chez un autre et un troisième construit dessus et finalement on obtient un résultat qu’une seule personne n’aurait pas imaginé. Rassembler tous ces cerveaux permet d’obtenir une écriture étonnante et différente. C’est la raison pour laquelle je pense que la comédie est mieux écrite en groupe. Cela dit, cela ne signifie pas que certains de mes films préférés n’ont pas été écrits par Woody Allen. Le partenariat entre deux auteurs fonctionne très bien aussi et puis il y a Tootsie. Certains d’entre ceux-là sont même parmi mes films préférés. Mais la plupart de mes séries préférées, dans la catégorie comédie, sont toutes le fruit du travail d’un groupe d’auteurs.

ILTVSW. True Detective a fait la preuve que d’excellentes dramas pouvaient être écrites par un seul auteur, c’est donc inconcevable avec la comédie ?
Steve Levitan. Carl Reiner s’en est sorti au début en écrivant 13 épisodes de The Dick Van Dyke Show à l’époque mais il a finalement eu recours à d’autres auteurs. Aujourd’hui, c’est très différent, vous savez … David Kelley l’a fait avec Ally McBeal mais c’est un cas particulier. L’écriture en équipe semble être la meilleure manière de travailler. Personne ne peut être assez drôle toute une saison et tout seul. Si vous recrutez les bonnes personnes, vous trouvez des auteurs qui ont des points forts que vous ne possédez pas et construisez à partir de cela. Cela vous permet de varier les compétences et les points de vue.

ILTVSW. Est-ce la raison pour laquelle Louis CK n’écrit que des saisons courtes pour sa série ?
Steve Levitan. C’est un bon exemple. Même s’il écrit avec Pam Adlon, sa série est le fruit de sa vision singulière et il est indiscutablement un homme très très drôle mais la série est devenue plus sombre. J’ai entendu dire que la dernière saison serait plus légère.

Je préfère échouer à cause de mes convictions que de celles d’un autre

ILTVSW. Devient-on meilleur dans l’écriture de blagues avec l’expérience ?
Steve Levitan. Vous développez certainement une sorte de radar même s’il n’a pas toujours raison. Il n’y a d’ailleurs pas de « bon » et de « mauvais ». En revanche, je peux dire que je préfère une blague à une autre contrairement aux autres auteurs dans la pièce. S’ils sont vraiment convaincus qu’ils ont raison, je les suis en général. Mais avec le temps, on développe un certain sens des choses. D’ailleurs l’essentiel du ton d’une série naît de cela. Il arrive que je ne comprenne pas une blague, qu’elle n’ait pas de réalité pour moi, c’est une question d’expérience et de confiance en soi, il est important de savoir se fier à son intuition. Il m’est arrivé de me tromper. Mais je préfère échouer à cause de mes convictions que de celles d’un autre.

ILTVSW. Quand l’intime est-il devenu possible à la télé ? Et que cela vous a-t-il permis ?
Steve Levitan. Je ne suis pas certain de savoir quand cela a commencé. je pense que The Office a joué un rôle considérable dans cette évolution. Je pense que cela a ouvert le chemin à notre série de nombreuses manières. Notamment en habituant les téléspectateurs au point de vue plus sensible et plus intime rendu possible par l’usage d’une seule caméra. Le câble a certainement joué un rôle important, aussi. L’usage d’une seule caméra a souligné le caractère plus faux des séries à multiples caméras. Certaines d’entre elles peuvent être très bonnes mais il est plus difficile de produire un effet de réalité et d’être organique dans ce dispositif qu’avec une caméra unique. Il y a un vieil adage qui prétend qu’une série à caméra unique n’a pas besoin d’être aussi drôle que les autres. C’est tout à fait faux et on l’a vu souvent à la télé il y a quinze ans. En réalité, c’est l’inverse. Il faut être plus subtil donc les blagues sont indispensables et la série doit être très rythmée mais l’auteur ne peut pas se reposer dessus et les acteurs ne doivent pas les surjouer. D’ailleurs, je dis toujours aux acteurs qui viennent en invités sur la série, car je n’ai plus à l’expliquer à nos acteurs, d’imaginer qu’ils sont à bord d’une voiture, pourchassés par la police, et qu’ils ouvrent la porte, laissent tomber quelque chose à l’extérieur et reprennent la route. Sans en faire toute une histoire.

Steven Levitan working his actors © ABC

ILTVSW. La fameuse opposition blagues vs émotions est toujours un grand dilemme pour les auteurs de comédies. Quand vous devez choisir que privilégiez-vous dans votre écriture ?
Steve Levitan. Je pense qu’il faut mériter les moments émotionnels en équilibrant avec des moments de pure comédie. C’est le secret. Si l’on compte trop sur l’une ou l’autre, il plus difficile de toucher le public. Des séries brillantes comme Seinfeld ou 30 Rock qui reposaient sur la comédie devaient être plus drôles que toutes les autres pour conserver leurs téléspectateurs. Une série qui est sentimentale et pas très drôle ne parviendra pas à les séduire. Mais il est possible de combiner les deux. Quand on y parvient, le public est plus réellement attaché à la série. Cela permet de l’emmener en promenade et de lui offrir toute une variété d’émotions. De : « Je ris, comme je ris, c’est génial ! » à tout à coup : « Waouh, les larmes me montent aux yeux » puis boum : « Quelle blague, je ris à nouveau ». Le public se sent comblé et cela permet de vraiment se connecter avec lui. Il est possible d’atteindre les deux objectifs en même temps mais s’il faut choisir, il faut d’abord être drôle et ensuite jouer la carte de l’émotion.

ILTVSW. Vous arrive-t-il de vous lever le matin et de ressentir la peur de ne plus être drôle, de perdre votre humour, votre talent pour la comédie ? Ou même de vous demander : serai-je capable d’être drôle aujourd’hui ?
Steve Levitan. Ce matin (rires). Il faut bien avouer que la comédie a tendance à être un truc de jeunes. Sans doute parce que la comédie ressemble beaucoup à la mode. Pour permettre aux téléspectateurs d’être vraiment scotchés, il faut avoir le Zeidgeist, savoir saisir l’air du temps et donc grandir dans son époque, y vivre et l’expérimenter pleinement et comme les autres. Lorsque l’on vieillit, on se sent plus isolé. Evidemment que cela me préoccupe et que j’ai conscience qu’à un moment donné ma comédie semblera un peu datée. Je pense que j’aurais toujours le sens de l’humour mais peut-être appartiendra-t-il à une autre ère ? J’y pense, oui. Et je fais au mieux pour demeurer pertinent et comprendre le monde dans lequel nous vivons. Je travaille avec des jeunes auteurs et j’ai le sentiment que cela nous permet de représenter des voix multiples et de n’exclure personne. Mais il arrivera un jour où personne ne voudra plus me parler (rires) … Il y a des gens formidables qui m’inspirent comme Norman Lear, que j’admire tellement, et qui arrivent à trouver différentes manière de rester dans l’air du temps.

Titre: Modern Family (2009 –    )
Créateurs: Steve Levitan, Christopher Lloyd II
Cast: Ed O’Neill, Sofia Vergara, Julie Bowen, Ty Burrell, Jesse Tyler Ferguson, Eric Stonestreet, Sarah Hyland, Ariel Winter, Nolan Gould, Rico Rodriguez
Chaîne: ABC

© 2015 ILTVSW – Le reproduction partielle ou entière de cet entretien n’est pas légale sans l’accord préalable de ILTVSW

La semaine prochaine sur ILTVSW … Oups, pas encore tranché, désolée.

ILTVSW guest star (VO) : Steve Levitan co-creator of Modern Family

8 Mai

Steve Levitan, the co-creator and showrunner of Modern Family, gave a keynote at the MIPTV last April in Cannes.

ILTVSW was lucky enough to seat with him and talk comedy writing, team writing and Zeidgeist.

© ABC

ILTVSW. You said that you created the show at a moment of your life when you were not having a great time. Does it take that feeling to create a great show ?
Steve Levitan. I think being in that mindset maybe opens you up to break patterns and to dig a little bit deeper and being more open to taking chances. And that is a good frame of mind to be and to say at the end of the day, let’s strip down all that external stuff, what we usually do or what we think people are expecting of us or the normal way of going about things and let’s just get back down to the truth. What’s the truth of the situation and let’s just stop caring about those external factors and focus on the story, the characters and trying to say something that you perhaps want to say.

ILTVSW. Does that mean that a writer must go out of his comfort zone to find truth ?
Steve Levitan. You develop a stronger, I shouldn’t say this word but … you know, bullshit meter. Things that normally would fly, things that normally would be OK you feel that : « no that’s not exactly right, that’s not exactly what happened » and maybe by being a little bit more strip bare you can get to the truth easier and you are less afraid of digging and finding it.

Writing comedy is better with other people

ILTVSW. You talked about how hard it is to do the job on your own, does writing comedy make it even harder ?
Steve Levitan. Yeah. I believe writing comedy is better with other people. Because Modern Family would not be what it is without our amazing group of writers. We bounce idea out of each other all the time. Somebody says one thing and that sparks an idea over there and than somebody builds on it over there and suddenly you have something that no one person could have thought of but by putting those minds together you got something really amazing and different. That’s why I think comedy is best done in a group. A good group. And a cohesive group but a group. Now that’s not to say that some of my favorite things haven’t been written by Woody Allen. Sometimes it is a partnership of two people and that’s very good and there is Tootsie. Some are my favorite movies of all times. But most of my favorite TV shows, comedies, they are all mostly done by groups of writers.

ILTVSW. True Detective proved recently that excellent TV drama could be written by a single writer, is this impossible with comedy ? 
Steve Levitan. Carl Reiner went away and wrote thirteen episodes of The Dick Van Dyke show back in the day now he ended up having writers at some point. But in this day and age, you know … David Kelley did it with Ally McBeal but it’s kind of a different thing. It just seems to be the best way to do it. Nobody can be that funny on their own. If you are hiring well, you find people who have strengths that you don’t have and build on it so you make sure you have people with different abilities and points of views.

ILTVSW. Could that be the reason why Louis CK only writes short seasons of his show ?
Steve Levitan. That is a good example. Even though he does write with Pam Adlon, it’s a singular vision and again he is certainly a very very funny man but he ended up getting darker, the show got darker. I have heard that this season was going to be lighter.

I’d rather fail on my on terms than on somebody else’s

ILTVSW. Do you think you get better at picking the jokes with experience ?
Steve Levitan. You just develop this radar and it is not always right. Actually there is no right and wrong. I could say : « I like it better that way, let’s go that way » and there could be three other writers in the room saying : « no, it’s that way ». If I don’t think strongly about it and they do, I’ll go with them. But over time you just develop a sense of things. So much of the tone of a show is determined that way. I’ll say : « I just don’t get it, it doesn’t feel real to me » and that comes with time and also having the confidence to listen to your own gut is important. And that comes with time as well. I have been wrong but I’d rather fail on my own terms than on somebody else’s.

ILTVSW. When did small and personal become OK on TV ? And what made it possible for you ?
Steve Levitan. I am not sure when that started happening. I mean The Office was a big part of it. I think it opened the door for our show in a lot of ways. Got people use to the smaller single camera sensibility. Cable opened that door a lot. I think that single camera makes multi camera feel more false. There can be very good multi camera but it is even harder to make it feel very real and organic in that setting than in single camera where it is sometimes harder to be really funny. The old adage, and where a lot of single cameras went wrong fifteen years ago, was that they thought that in single camera it didn’t have to be as funny and it is actually very false. The reality is in single camera you probably have to be funnier because you have to be more subtile and so the jokes have to be really there and they have to be rapid pace but you can’t land on them, you can’t hit them so hard. So I always say to actors, not that I have to say it to our actors now, but the guest actors or whatever, don’t hit that joke so hard. Pretend you are driving alone and the cops are chasing you and you just open the door and drop something out and keep going. Don’t make a big deal about it.

Steven Levitan working his actors © ABC

ILTVSW. Jokes versus emotion is a great dilemma for comedy writers … At the end of the day which one is the most important for you ?
Steve Levitan. I think you have to earn your emotional moments by balancing it with really strong comedy and that is the key. If you rely too much on one it is harder to engage an audience. So brilliant shows like Seinfeld and 30 Rock that really relied on comedy, they had to be even funnier than everybody else to make an audience stay with them. A show that is sappy and not very funny people say :  « it’s fine but I am not compelled to watch it ». But you can give people both. They have a much stronger connection to the show. You are taking them on a ride and you are giving them a chance to experience a range of emotions from « I am laughing, I am laughing isn’t this great ! and then all of a sudden, wow I am tearing up and then boom you just hit me with a great joke and I am laughing again ». People feel satisfied and that is when you really make a connection with the viewer. I think it is possible to go for both at the same time but I think that you have to number one be funny and close number two to allow the viewer to feel something.

ILTVSW. Are there some mornings when you wake up and feel the fear of losing that fun of yours, your comedy talent and ask yourself will I be able to be funny today ?
Steve Levitan. This morning (laughs). I think that if you really look at comedy, it tends to be a young person’s game. Because I think comedy is a lot like fashion. The Zeidgeist you have to be growing up in that time and really out there and living and going through all these experiences that everybody else is. As you get older you get a little bit more insulated. So that concerns me that sometimes when I will reach a certain age where my comedy feels a little bit dated. I think I will always have a sense of humor but will it be of a different era ? I think about that and I do my best to stay relevant and to understand what’s going on in the world and to work with young writers so I feel that we are representing many voices and being inclusive. But there will come a day when nobody wants to talk to me (laughs) … There are amazing people like Norman Lear for inspirations, who I look at with such admiration. They found different ways to stay relevant with the years.

Titre: Modern Family (2009 –    )
Creators: Steve Levitan, Christopher Lloyd II
Cast: Ed O’Neill, Sofia Vergara, Julie Bowen, Ty Burrell, Jesse Tyler Ferguson, Eric Stonestreet, Sarah Hyland, Ariel Winter, Nolan Gould, Rico Rodriguez
Networks: ABC

© 2015 ILTVSW – not to be reproduced without a prior authorization from ILTVSW

Next week in ILTVSW … Oops, not decided yet, sorry.

ILTVSW guest stars: Marc Herpoux et Hervé Hadmar, les co-créateurs des Témoins

22 Mar

FRA/ENGLISH

Marc Herpoux et Hervé Hadmar, co-créateurs de la série Les Témoins, ont accepté l’invitation de ILTVSW à l’occasion de son lancement sur France 2. De la naissance de leur dernier projet, à leur regard sur le travail, en passant par leur héroïne féminine jusqu’à la réalité de la création en France aujourd’hui, ils se livrent dans une interview franche et fleuve.

To my readers, exceptionally ILTVSW will only be French speaking this week. The French creators Marc Herpoux et Hervé Hadmar, of the TV show Les Témoins, (France 2) a cop procedural thriller questioning the principle of the ideal family, are the guest stars of the blog today. But as soon as next week things will be back to normal meaning French & English.

ILTVSW. Vous êtes aujourd’hui des auteurs reconnus à la fois par la critique et le public sériephile. Une série Hadmar-Herpoux n’est donc plus une surprise, c’est un événement. Comment travaille-t-on quand tout le monde vous attend ?
Marc Herpoux. La préoccupation première est de ne pas se répéter. Avec Les Oubliées et Signature nous étions allés vers ce que nous savions faire. C’est-à-dire une proposition contemplative. Nous partageons tous les deux le goût pour les atmosphères, les climats, la plongée dans la tête d’un personnage puis son exploration. D’abord, je ne sais pas si on nous laisserait encore faire ce type de travail. Par ailleurs, nous n’avons pas envie de nous répéter comme certains auteurs qui au bout du quatrième, cinquième ou sixième film continuent à ne faire que ce qu’ils maîtrisent. Nous avons envie de nous mettre en danger. De nous créer des challenges. Avec Les Témoins le challenge était d’aller vers un genre plus populaire tout en restant dans notre univers que je définirais par le conte. Nous n’irons jamais vers des choses hyper réalistes car cela ne nous ressemblerait plus.
Hervé Hadmar. Nous essayons de surprendre à chaque fois. Nous ne sommes jamais tout à fait là où l’on nous attend. Avec Pigalle, on devient un vrai duo. La série est un succès public et un succès critique. Vient ensuite Signature. Énormément de gens s’attendaient à la suite de Pigalle. Or nous n’avons pas refait un Pigalle qui se passerait à Montparnasse ou à Belleville, ou une autre série chorale sur un ton qui pourrait mélanger le drame et la comédie. Nous sommes allés vers un truc hyper contemplatif. Certains ont détesté. D’autres ont adoré. Avec Les Témoins, les gens attendaient un Les Oubliées bis au pays de Signature. Nous nous avons décidé d’aller ailleurs. Dès le départ nous avons demandé à France 2 si elle était d’accord pour que nous fassions une série qui partait du procédural pour entrer petit à petit dans notre univers.

 

Aujourd’hui en France, on ne peut pas créer si l’on va contre le système

 

ILTVSW. La chaîne ne vous a jamais demandé de ne pas refaire Signature c’est-à-dire une série d’auteur forcément plus clivante car par nature une série de niche. Ce discours n’existe pas chez les décideurs à la TV française aujourd’hui ?
H.H. Il faut jouer avec le système. Ce qui est vrai, c’est qu’aujourd’hui en France, tu ne peux pas créer si tu vas contre le système. Voilà. Il faut y rentrer et le détourner. Mais en conscience des uns et des autres. Il ne s’agit pas de faire contre France 2. On a fait avec France 2. Dans l’écriture, dans le montage … Et, eux aussi, ils ont fait un bout de chemin. Ils ont accepté ce pitch qui n’est quand même pas évident pour France Télévisions : des corps qu’on déterre et que l’on installe dans des maisons témoins. Ce n’était pas évident. On peut créer si on les respecte. Et moi, je respecte les gens qui mettent beaucoup d’argent pour faire des séries. Ce n’est pas une phrase en l’air. Nous sommes pas arrivés en disant que nous voulions refaire Signature car nous savions qu’ils n’accepteraient pas. Depuis longtemps à la vision de certaines séries procédurales et des films de David Fincher comme The Girl with the Dragon Tattoo ou Zodiac, j’avais envie de faire une série très dialoguée. Une série avec des phrases qui résument très bien l’enquête policière. La volonté était de respecter tout à fait les code du procédural, d’aller vers le grand public, de le prendre par la main et de glisser petit à petit. Un processus de glissement que l’on met en pratique depuis Les Oubliées, finalement.

ILTVSW. Pour la première fois, vous avez développé un double personnage principal. Il y a une égalité parfaite entre Sandra et Paul. Pourquoi avoir fait ce choix ? Et qu’elles ont été ses conséquences sur votre travail ?
M.H. Ce n’est pas venu tout de suite. Au départ, n’existait que le personnage de Paul. Mais, chassez le naturel, il revient au galop, à force d’être au plus près de lui, nous avons commencé à reproduire ce que nous avions déjà fait. Sandra existait mais elle était un personnage secondaire. Après six ou huit mois d’écriture, nous nous sommes faits violence, nous sommes repartis dans une autre direction.
H.H. Nous étions dans la tête de Paul Maisonneuve. Le danger aurait été de foncer là-dedans et de retomber dans les mêmes pièges. A un moment donné, la chaîne nous aurait certainement demandé de rendre moins noir ce personnage. Du coup, la solution a été de changer le point de vue. Les sources de ce projet sont des séries comme The Killing, Bron, The Fall

 

© France 2

 

ILTVSW. Et vos références pour construire Sandra, l’héroïne féminine ?
H.H. Carrie Mathison de Homeland parce qu’elle est en guerre avec tout le monde. J’aime bien les personnages qui sont en guerre avec tout le monde. Et ça va être plus visible et lisible dans la saison 2 pour laquelle nous sommes en pleine écriture.
M.H. Sarah Lund parce que sa vie de flic finit par empiéter sur sa vie privée et, du coup, c’est un personnage qui a de plus en plus de mal à s’intégrer socialement. C’est ce que l’on retrouve aussi dans Homeland mais autrement.

ILTVSW. L’existence de Sandra est quand même très conforme à l’idée que tout le monde se fait de la vie d’une femme …
H.H. Je ne trouve pas que les problèmes conjugaux soient ce qui caractérise le plus Sandra. C’est vrai qu’on a déjà vu ça un milliard de fois. Nous lui avons apporté ses peurs et ses souffrances d’enfance. La question que vous posez est le sujet, le vrai sujet. Quel regard porte-t-elle sur son rôle d’épouse, de mère, de femme et sur sa famille. Au fond la question que pose la série est : est-ce que la famille idéale existe ? Sandra a l’impression qu’elle a une famille idéale. Elle se comporte dans un stéréotype totalement assumé de sa part de femme qui met des talons hauts pour être une flic, de femme qui fait le ménage chez elle jusqu’à l’obsession pour avoir un intérieur idéal. Elle a le fantasme de penser qu’elle est une femme idéale, une épouse idéale qui a un mari idéal et une petite fille idéale. Ce n’est pas du tout le cas. Cela commence à se craqueler dans la première  saison et cela va exploser dans la deuxième.
M.H. Au départ quand on écrivait avec le point de vue de Paul Maisonneuve, on s’éloignait totalement de ce qui était la normalité. Or le principe était de questionner la normalité à travers la famille puisque c’était ça, la thématique de la série. Mais avec Paul, on avait un personnage qui était déjà hors du temps, hors du monde, sans famille, qui posait un regard extérieur sur le sujet. Cela ne collait pas. On allait dans une forme de folie. Donc, nous avons choisi Sandra, un personnage plus normal. Oui, on peut dire c’est un personnage un peu plus France 2 car elle est normale au sens de la norme. Elle répond à la norme. Nous avons voulu craqueler la norme et l’obliger à la questionner. On ne peut donc pas dire que France 2, nous aurait ramené à la norme car la chaîne a accepté notre démarche.

 

Marie Dominer dans Les Témoins © France 2

 

ILTVSW. Les Témoins se caractérisent par l’abondance de dialogues très didactiques qui vampirisent la poésie de la série …
H.H. En conscience, nous nous sommes dits qu’il fallait que le début de l’épisode 3, donc le début de la deuxième soirée, soit comme une répétition du début de l’épisode 1 car 30% des gens n’auraient pas vu les deux premiers. Il fallait donc faire un résumé de l’enquête. Nous avons écrit dix minutes pour que ces nouveaux téléspectateurs puissent apprécier la série.
M.H. Cela a été voulu par nous et non demandé par la chaîne. Il y a même des moments où nous avons dû insister pour conserver ces dialogues. Nous n’avons pas travaillé en nous demandant: « Voyons voir comment font Les experts ou NCIS ? ». Dès le départ, nous avons construit une intrigue complexe pour aller l’encontre de ce que nous avions fait avec Les Oubliées qui racontait une enquête qui piétine car son personnage principal est un type qui va devenir fou pour résoudre l’affaire. Avec Les Témoins, notre grande peur était que le spectateur se perde dans une enquête très compliquée qui devient même assez barrée à partir des épisodes 3 et 4. Nous avons fait le choix de ne pas perdre le téléspectateur et c’était une promesse que nous avions faites à France 2 comme à nous-mêmes. Nous avons donc décidé de nous débarrasser de toutes les questions dans les dialogues.

ILTVSW. Avec les contraintes propres au procédural, ne vous êtes vous jamais sentis à l’étroit dans six épisodes?
M.H. A un moment, c’est venu très très tard, nous nous sommes dits que l’enquête avait un petit peu bouffé les personnages. Cela dit, nous n’avons pas fait une série parfaite. On va même aller au bout de ce raisonnement. Moi, j’ai des remarques à faire sur toutes mes séries. Dans Les Oubliées chaque épisode n’était pas assez bien locké. Pigalle n’était pas parfaite non plus. Et là, pour le coup, Canal Plus a sa part de responsabilité et quand une chaîne a sa part de responsabilité, je le dis. Comme par hasard, c’est Canal la chaîne des auteurs qui a sa part de responsabilité et pas France 2 la chaîne publique qui, dit-on, censure tout le monde … J’aime bien aller à contre-courant des idées reçues et je fais ici appel à du vécu. Pigalle était au départ une série chorale. Elle est devenue un thriller dans lequel un frère cherche sa sœur. Cette évolution a été voulue par Canal Plus et cela me fait chier car c’est déséquilibré et cela ne fonctionne pas. Sur Signature, il y a aussi un déséquilibre dans la relation entre deux personnages Daphné et Toman. Pour le coup, là, c’est de notre faute.
H.H. Pour la saison 2 des Témoins ont essaye de mieux équilibrer les personnages versus l’enquête. Cela sera léger. Par moment, je suis frustré par la saison 1 car il manque deux, trois, quatre scènes qui sortent de l’enquête et nous permettent de mieux rentrer au cœur des personnages.
M.H. D’ailleurs, on aimerait aller vers huit épisodes si France 2 l’accepte. Cela nous permettra d’avoir une enquête plus complexe encore.
H.H. Cela dit,  je pense qu’en six épisodes, on a tout a fait le temps de faire une série procédurale qui développe de très beaux personnages. A aucun moment, nous ne sommes allés voir la chaîne pour savoir si nous ne pouvions pas faire huit épisodes. Je pense qu’on y est arrivé avec Les Témoins. Maintenant, est-ce que nous aurions pu mieux faire ? Oui sans doute. Au montage, on réalise qu’il n’y a peut-être pas assez de petits moments de vie car le scénario était hyper dense parce que nous voulions une narration basée sur les rebondissements. Cela dit, paradoxalement, c’est la série ce qui se vend partout.

 

Une forme est censurée sur toutes les chaînes françaises, c’est le minimalisme

 

ILTVSW. La réalisation semble plus libre que l’écriture …
H.H. Nous n’avons pas été plus bridés sur l’écriture que sur la réalisation. A aucun moment, nous n’avons fait de concessions. Je n’ai jamais ressenti sur aucune de mes séries un interventionnisme sur la réalisation. Nous nous positionnons comme showrunners donc c’est très clair dès le départ, personne ne vient m’emmerder dans la salle de montage. Cela dit, Les Témoins sont très bien réalisés mais je ne révolutionne rien. Je pense que la télévision française a besoin de direction artistique. C’est un poste qui n’existe pas en France. C’est pourtant un rôle primordial qui permet d’arriver à une direction artistique globale. Mais il faut qu’un artiste s’en charge pas un producteur.
M.H. Je voudrais ajouter qu’il y a une forme aujourd’hui à la télé qui est censurée sur à peu près toutes les chaînes y compris Arte, c’est le minimalisme. Il est impossible de vendre une série comme Rectify en France. C’est important parce que cela implique un certain ton, une certaine couleur qui fait partie de la mise en scène qu’il est impossible de développer en France. Je dirais que, même dans des séries à personnages, quand tu commences à t’installer pendant 3 ou 4 minutes, cela déplaît immédiatement aux conseillers de programme qui ont la sensation que les gens vont zapper.

ILTVSW. La fameuse peur du vide …
H.H. L’un des plus grands problèmes de la télévision aujourd’hui, c’est la peur du silence. Or pour mieux entendre un bruit, il faut qu’il soit précédé par du silence. Au fond, c’est la peur du vide.
M.H. C’est un problème propre à notre culture commerciale. Prenons la musique par exemple, on est dans du bruit tout le temps. Dans les comédies commerciales, il faut que cela rie toutes les trois minutes. On ne pourrait plus faire du Tati aujourd’hui. A la télé, il y a malheureusement très peu de choses non commerciales aujourd’hui. C’est du bruit, du bruit, du bruit …
H.H. Au début des Témoins, nous nous sommes dits qu’au lieu de travailler le vide, nous allions le remplir. Et la question était évidemment de savoir jusqu’où nous pouvions le remplir dans notre univers à nous sans le trahir.

ILTVSW. Vous vous êtes donc mis au procédural pour la première fois, vous êtes vous fait peur ?
H.H. C’est dangereux. Bien sûr que l’on s’est fait peur. La première fois que j’ai vu le premier montage de la série, je l’ai trouvé nul à chier. Je n’aimais pas du tout les dix premières minutes. On a tout recommencé car c’était justement encore plus efficace.
M.H. Même quelqu’un d’aussi talentueux que Eric Demarsan a été obligé de repenser la musique tellement c’était décalé.
H.H. Eric avait écrit une musique comme d’habitude c’est-à-dire comme sur Signature ou Pigalle sur scénario. Nous avons enregistré avec un orchestre et lorsque nous avons posé la musique au montage, cela n’a pas marché. Il y avait deux temporalité différentes. Eric avait continué d’écrire dans notre espace temps à nous alors que nous, nous avions glissé dans un autre. Donc, il a fallu recomposer toute la musique et j’ai un producteur qui a accepté de le faire.

 

Sami Bouajila dans Signature © France 2

 

ILTVSW. Cette prise de conscience que vous êtes à côté de votre série, comment se passe-t-elle ?
H.H. Je ne me reconnais pas assez. C’est trop mécanique. On parle ici de demie secondes par plan. Mais cela change tout. Nous avons mis énormément de temps à régler le premier épisode. Il fallait qu’il soit le plus efficace possible mais qu’il y ait résolument des traces de notre univers. Je pense à la fin du premier épisode et l’apparition du petit chaperon rouge, notamment. Cela a été très compliqué à faire. Quand on regarde la série l’espace temps du sixième épisode n’a rien à voir avec celui du premier. Il fallait anticiper cela. Je pense d’ailleurs que les deux derniers épisodes auront beaucoup moins de succès que les quatre premiers. Mais c’est voulu, c’est assumé. Nous avions envie de cette progression.
M.H. Quand on parle de mise en scène ou de scénario, on renvoie souvent à la dimension picturale et littéraire. Et, en fait, je pense que ce qui fait le lien entre le métier de scénariste et celui de metteur en scène, c’est la musique. Je pense que l’art qui se rapproche le plus du travail de quelqu’un qui fait du cinéma, c’est la musique parce que la création audiovisuelle est un art du temps. Contrairement à la peinture ou la littérature, nous sommes prisonniers du temps. Un lecteur lit en fonction de son rythme. On peut rester deux secondes ou une heure devant un tableau. La musique et le cinéma contraignent le spectateur. C’est d’ailleurs bien pour cela que les chaînes ont si peur du silence et du minimalisme. Elles sont effrayées par les temps faibles, le vide. Le surréalisme par petites touches, ça passe parce que cela permet au téléspectateur de rêver même si l’on ne peut pas faire du Lynch.

ILTVSW. Le rôle d’une chaîne publique n’est-il pas aussi de défendre l’importance culturelle de savoir s’arrêter?
M.H. Évidemment. Bien sûr. C’est dommage qu’ils ne le fassent pas. Je ne suis pas dans l’angélisme.
H.H. Si cela pouvait exister à la télévision française, ça devrait exister d’abord sur le service public. C’est que nous avions modestement essayé de faire avec Signature.
M.H. Comme avec Les Oubliées et ils nous avaient autorisé à le faire … Cela a correspondu à un moment. Aujourd’hui, ce n’est pas l’air du temps. Il y a des peurs, de crispations politiques. Quand tout le monde a peur, plus personne ne prend de risques.
H.H. La musique est ma vraie passion. Je me suis remis aux vinyles. L’année dernière, j’en achète un parce que la pochette me plaisait. Je l’écoute et il devient l’un de mes disques préférés. A tel point que je décide six mois plus tard de me l’acheter en mp3. Je l’écoute et je m’aperçois que depuis six mois, je me trompe de vitesse. C’est un 45 tours que j’écoute en 33 donc c’est très lent, il y a des silences. Et je réalise que c’est cela qui me plait. A la vitesse normale, c’est nul. C’est drôle, non?

 

IMG_5593

Thierry Lhermitte dans Les Témoins © France 2

 

ILTVSW. Est ce que cette obsession pour le bruit que cristallise la télé n’illustre pas le temps de penser que l’on ne nous laisse plus ? Penser serait considéré comme inutile voire dangereux ?
M.H. Ce n’est pas moi qui vais dire le contraire.
H.H. Moi, je pense que c’est moins organisé que cela mais le résultat est le même. Nous sommes dans une société qui devient folle. Quand quelqu’un t’envoie un mail, si tu n’as pas répondu dans la demi-heure, c’est le drame. Dans les bureaux où j’écris, je n’ai même pas Internet sinon je deviens fou. La narration, la fabrication des séries est devenue comme celles des films dans lesquels il y a une accélération sans fin des effets spéciaux, des explosions, de trucs, des machins mais dans lesquels on ne développe plus les personnages. Jusqu’où va-t-on aller ? Évidemment que c’est problématique.

ILTVSW. Cela signifie que pour arriver à créer aujourd’hui en France il faut l’accepter?
M.H. C’est compliqué, c’est une guerre. C’est une vraie question.
H.H. Non, il y a plein de gens qui ne l’acceptent pas. C’est possible en peinture, en musique avec les home studios, en sculpture. Tu peux faire de très belles bandes dessinées et, sans doute, écrire des romans, aussi. Une série coûte huit à dix millions d’euros et elle est acheté par des gens qui, en gros, te sortent des études, c’est évidemment compliqué. J’aimerais beaucoup que le service public permette davantage ce type de projets mais on est quand même dans un système qui permet de temps en temps de faire des choses. Faut-il s’en contenter ? Non. Il faut évidemment se battre pour améliorer la situation. Malgré la suppression de la publicité, les décideurs restent conditionnés par l’audience. C’est de l’argent public et ils considèrent qu’il doit servir le plus grand nombre. C’est leur logique.

Titre: Les Témoins
Créateurs: Marc Herpoux et Hervé Hadmar
Cast: Marie Dompnier, Catherine Mouchet, Roxane Duran, Thierry Lhermitte, Laurent Lucas, Mehdi Nebbou, Jan Hammenecker.
Diffuseur: France 2

© 2015 ILTVSW – La reproduction partielle ou entière de cet entretien n’est pas légale sans l’accord préalable de ILTVSW.

La semaine prochaine dans ILTVSW … Oups, pas encore tranché, désolée.